Angel or Demon ? Don't care, just kiss me !

La voix du DJ du soir annonçait mon nom de scène -"Foxy". Avouez que c'est original non ?- alors que je finissais de vérifier mon costume, si tant est que la superposition de bouts de tissus aussi transparents qu'ils étaient sexy pouvaient être appelés un costume. Je vérifiais une dernière fois les lanières de mes escarpins alors que les premières notes de ma musique résonnaient, basses et sombres, dans le club. Pour ce soir, j'avais choisi l'une de mes musiques préférées, une de mes chorégraphies que je connaissais le mieux, qui m'était instinctive. Je passais aussi plus tôt que prévu, ce que me confirma le murmure surpris des habitués à l'entente de mon nom.
Un sourire en coin sur les lèvres, je sortais des coulisses aux premières paroles de la chanteuse, mes pas rythmés par la musique. J'adressais un sourire aux spectateurs, dont certains sifflèrent avec enthousiastes. Nous étions vendredi soir, et c'était donc une majorité d'habitués ce soir, ce qui expliquaient ces quelques sifflets d'encouragement. Je fermai les yeux un bref instant, mon corps ondulant sur le rythme sensuel et hypnotique de la musique avant de les rouvrir, parcourant mon public de mes yeux gris. Leurs couleurs claire et métallique était accentuée par un trait de khôl, et le rouge sang de mes lèvres s'accordait à la rousseur flamboyante de mes cheveux qui étaient restés libre ce soir.

L'air mutin, je parcourais la salle en rythme, enchaînant des pas de danses qui n'avaient pour seul but que de mettre en lumière une partie ou une autre de mon corps, tandis que les divers morceaux de ma tenues tombaient les uns après les autres, sous les sifflets plus fréquents. Je pouvais maintenant distinguer avec netteté les visages de ceux qui s'avançaient au plus près de la scène. La lumière au dessus de moi baissa, ne laissant qu'une teinte dorée et tamisée alors que les doux spots de la salle s'allumaient.
Je souris, et laissait tomber le reste de mon costume pendant mon numéro autour d'une barre, ne laissant ma peau claire habillée que d'un ensemble de dentelles noires et de mèches rousses.
La partie la plus amusantes de mon numéro commença, et je pris pour cibles de mon regard les hommes dont me parvenait des vagues de désir absolument délicieuses. Avec un sourire un brin prédateur pour le plus fin des observateurs, je dédiais quelques secondes de chaque danses à des hommes bien précis, me permettant de descendre parmi les tables, frôlant des bras, des joues ou des cuisses dans des contacts anodins. Chacune de ces caresses à peine perceptibles, en plus de participer à l'attrait du spectacle, me rendait force et énergie. Ils me nourrissaient de leur envie, de leur désir à mon encontre, et je sentais mon aura s'étendre, captant quelques non-humains, dissimulés parmi les autres.

Je remontais sur la scène, non pas par les escaliers mais en grimpant, donnant une vue imprenables sur mon dos, mes fesses et la longueur de mon dos à une bonne partie du public, avançant à quatre pattes, dans une démarche fluide malgré la position avant que je ne me relève grâce à la barre sur scène. Je finis ma prestation en saluant mon public, un petit sourire sur les lèvres.
L'argent destiné aux danseuses à chaque numéro était récupéré par un serveur dont c'était l'attribution pour la soirée, et redonné ensuite à la danseuse. Cela évitait à ces messieurs d'avoir envie de tendre la main vers nous d'un peu trop près.
Alors que je saluais d'un côté de la salle, mon regard croisa des prunelles claires que je devinais grises ou bleues, et l'homme leva son verre à mon encontre avant d'en boire une gorgée sans détourner le regard. Je ne le voyais pas vraiment dans la pénombre, mais pris tout de même le temps de lui accorder un clin d’œil avant de me redresser pour disparaître en coulisses.

J'avais un peu abrégé mon numéro habituel pour la même raison qui avait fait que je passais à cette heure-ci. Guillermain était absent aujourd'hui et c'était donc moi qui était en charge de la supervision du Night Club pour toute la nuit. Ce qui signifiait que j'avais besoin d'être opérationnelle en salle et au bar pendant la grosse affluence plutôt qu'à me trémousser sur scène, aussi plaisant cela pouvait l'être. Ce qui expliquait aussi que je m'étais nourrie un peu plus longtemps pendant mon numéro car ce serait le seul de la soirée. Non pas que mon vampire de patron m'interdisait de ponctionner ma dose ici et là durant la soirée, surtout sur ceux qui décidaient de faire du grabuge.
Je saluais Lucie, une plantureuse blonde qui me félicita pour mon numéro avant que je ne l'encourage d'un mot pour le sien qui suivait. Ses yeux bleus pétillèrent d'impatience en entendant son nom de scène et la pointe de ses crocs apparurent brièvement tant le sourire qu'elle m'envoya était grand. Dans son cas, "Hotty" n'était pas juste de la vantardise. Elle était vraiment sexy, et même mon hétérosexualité était parfois tentée de s'adoucir pendant ses numéros. Ce qui en disait long sur ton talent, et sur sa beauté.

Je secouais doucement la tête alors qu'elle s'échauffait pendant l'entracte que venait d'annoncer le DJ et qui précédait le numéro de Lucie. Il fallait bien s'assurer que les gens dansent et consomment car c'était le principal revenu de la boîte.
Je pris une rapide douche pour me débarrasser de ma transpiration, retouchait mon maquillage et enfilait une tenue à peine plus décente que mon costume de scène. J'enfilais des escarpins noires, merci à ma nature de Kitsune qui me rendait plus résistante et me permettait de tenir toute une soirée de service en haut talon, et les accordai à un mini short en simili cuir noir avec un top d'un vert émeraude en soie souple, qui mettait en valeur ma peau clair, la lueur rougeoyante de mes cheveux et le gris métallique de mes yeux.
Envoyant un sourire satisfait à mon reflet dans le miroir, je me rendis dans la salle, inspirant profondément, savourant le bruit des basses de la musique et l'excitation ambiante. Je ramenais mon aura au minimum et m'avançait vers le bar, saluant les quelques connaissances et habitués qui me faisaient signe.
Arrivée au bar, j'adressai un sourire à mon frère, Liam, qui travaillait lui aussi au club comme serveur. J'embrassai sa joue.

- Joli numéro soeurette. Je crois que tu amasses de nouveaux admirateurs à chaque nouvelle danse.

Je levai les yeux au ciel avec un petit sourire, mais ma vanité se rengorgea, ce qu'il savait très bien. Je dansais par passion -et parce qu'il était bien plus facile pour moi de me nourrir comme ça- et j'appréciais toujours autant de faire mon petit effet, même après 30 ans de métier.

Tu as des messages pour moi au lieu de jouer au charmeur ?

Le sourire séducteur qu'il me renvoya me fit rire, et il secoua la tête, servant deux coktails en encaissant dans un geste mécanique.

- Non, rien de particulier. J'ai senti quelques CS entrer mais rien qui n'ait fait bondir mes sens. C'est plutôt calme pour l'instant.

J'hochais la tête. C'était logique après tout. Il n'était que 23h, le club ne commencerait à vraiment se remplir que dans une heure minimum, même si la foule présente était déjà un bon début de soirée. Quant aux CS -diminutif signifiant Créature Surnaturelles, et qui nous permettaient de parler de ça devant les humains sans aucun risque-, je les avais aussi sentit pendant mon numéro, alors que je me nourrissais. Et contrairement à mon frère dont la faible capacité de concentration l'empêchait d'approfondir les examens de ses sens, j'avais senti une aura bien particulière, qui différait des sorciers, vampires, loups garous et autres créatures habituelles du petit peuple.
Après un signe de tête à Kade, un métamorphe cheval dont la peau acajou et les yeux chocolats avaient une forte tendance à me distraire rapidement, je m'esquivai du bar avant qu'il ne m'interpelle. J'adorais flirter avec lui, mais il fallait d'abord que je m'assure que cette aura inhabituelle ne venait pas chercher querelle. Après tout, ce club était réputé, et affichait clairement sa neutralité absolue dans le monde CS et c'était un havre de paix rare ces temps-ci.

Un plateau avec quelques verres à la main, je décidais donc de faire quelques services en salle pendant une trentaines de minutes, déployant mon aura alors que je serpentais en dansant à moitié entre les tables de toute la salle, m'assurant de la satisfaction des clients et tâtant la nature de chacun des êtres présents.
Et pourtant, c'est alors que j'étais posée dans un coin de la salle, un gin tonic à la main que cette aura décida à nouveau de se manifester. Juste devant moi, accompagnée de deux prunelles d'un bleu clair et pur, d'un visage angélique et d'un sourire à se damner. Et je ne pensais pas si bien dire...

Le temps passe bien trop vite pour qui n’a rconnu que l’idée de l’éternité.

Chaque jour qui passait l’éloignait un peu plus des pouvoirs qu’il devait à sa condition originelle. Et chaque jour qui passait le voyait un peu plus sombre, un peu plus proche de ce vers quoi il tendait. Il avait oublié la lumière telle qu’il l’avait connue, et n’était même plus en mesure de discerner correctement les auras. S’il faisait le point, il avait pour l’heure bien plus perdu que gagné, bien que sa nouvelle vie soit loin de lui déplaire.

Explorer le monde des hommes en tant que l’un d’eux, fondu dans une masse incapable de reconnaître ceux qui lui appartenaient et ceux qui s’invitaient seulement. Oui, son existence présente était plaisante, bien qu’emplie de petites contrariétés quotidiennes.

L’ennui. L’ennui l’environnait de toute part, malgré toutes les occupations qu’il s’inventait au fil des jours. Et cet ennui était tenace, récurent, au point d’affadir considérablement le gout spécifique et les attraits de la nouveauté.

Le déchu s’ennuyait, et c’était sans doute la principale raison qui l’avait poussé à se rendre dans le Night Club dont lui avait parlé Anthony. Cet humain était bien le seul de son espèce qui pouvait se targuer d’avoir retenu durablement l’attention de Seth. Assez durablement pour qu’ils échangent plus de quelques mots avant qu’un oubli définitif ne vienne clore la rencontre et empêcher les suivantes. Ils s’étaient revus, et si l’ange n’avait pas détesté ce mot, il aurait même pu taxer Anthony d’associé. L’idée lui plaisait, et il ne doutait pas un seul instant que leur alliance fragile lui serait profitable. En attendant, il se devait de découvrir l’endroit dont son partenaire lui avait parlé.

Il s’arrêta devant, inspectant les alentours avec circonspection, avant de lever les yeux vers la façade qui lui indiqua le nom pompeux de l’établissement. « Plaisirs Coupables » murmura le déchu sans pouvoir retenir un ricanement. Voilà qui lui plaisait et qui lui promettait de passer une bonne soirée, du moins l’espérait-il. Il n’en avait jamais entendu parler, et pour cause, ce qui se passait dans le monde, du côté des détenteurs de ce Secret qu’il exécrait, ne l’intéressait absolument pas.

Il ne se mêlait pas aux autres, ne les tolérant et ne les prenant en compte que lorsqu’ils venaient à lui dans son propre bar, qu’il considérait comme la meilleure des zones neutres : celle où il avait tout pouvoir, ou presque.

Il s’engouffra à l’intérieur sans plus réfléchir, et trouva rapidement une place avantageuse lui offrant une vue directe sur la scène.  

Le spectacle serait-il à la hauteur ? Reflèterait-il le nom du lieu ? Rien n’était moins sûr, les mauvaises surprises étaient monnaie courante lorsqu’on laissait son imagination déborder la réalité. Il s’installa, commanda un cocktail, et attendit patiemment que les choses sérieuses commencent.

Quelques auras ici appartenaient à des non-humains, mais il n’était pas venu pour s’en soucier et ses prunelles de givre balayaient plus souvent la scène que la salle, avec une impatience manifeste, pendant qu’une minuscule part de son esprit s’occupait tout de même de dénombrer approximativement le nombre d’êtres surnaturels présents.

Le déchu n’aimait pas être pris au dépourvu, et si l’étiolement de ses pouvoirs l’encourageait à la discrétion, il n’en restait pas moins déterminé à faire face à la moindre menace. Il n’en repéra aucune, et son attention ne tarda pas à se trouver complètement capturée par ce qui se passait sur scène. Il ne vit d’abord que le halo baignant la silhouette de celle qu’on venait de présenter sous le nom de Foxy, et il n’eut bientôt même plus la présence d’esprit de chercher  à quelle race elle pouvait appartenir.

La jeune femme qui se déplaçait sur scène était envoutante, et le contraste saisissant de sa chevelure de feu sur son teint pâle rappelait au déchu la dualité perpétuelle de la lune et du soleil. Il capta l’éclat de son regard et y resta accroché quelques secondes, comme hypnotisé, avant d’être en mesure de reprendre ses esprits.

Il s’ébroua rapidement, plissa les paupières afin de mieux observer, de détailler l’entêtant personnage, et se fit la promesse de l’approcher sitôt son numéro terminé. Encore une fois, il lui fallait être prudent, et s’il en croyait les coups d’œil ravis qu’il captait çà et là autour de lui, la demoiselle savait parfaitement comment jouer de l’attrait qu’elle semblait exercer.

Il n’était  pas naïf, et s’il aimait agrémenter ses nuits de présences humaines féminines, il n’avait jamais été prompt à céder aux impulsions primitives que son corps lui imposait. Foxy était différente en raison de sa nature surnaturelle, mais également par la facilité avec laquelle elle avait retenu son intérêt, le poussant à la saluer sans qu’il ne réalise vraiment son geste. Avait-il salué la prestation ? Ou juste l’apparition ?

Il n’en avait pas la moindre idée, et ce fait même était suffisant pour que sa barrière mentale s’élève et qu’une sonnette d’alarme soit tirée au plus profond de lui-même. Danger, signifiait le signal, un signal qu’il lui plaisait d’ignorer lorsque le jeu semblait en valoir la chandelle. Il l’avait perdue de vue à la fin de sa prestation, mais la retrouva rapidement en fermant les yeux, ne se laissant guider que par ce qu’il avait perçu d’elle.

Il tourna lentement la tête, nota la position de la jeune femme et, sans la moindre envie de patienter davantage, la rejoignit rapidement. Il la dévora des yeux sans aucune gêne avant de la saluer d’un signe de tête appuyé et d’un sourire désinvolte

«  Bien le bonsoir, Foxy, puis-je me joindre à toi ? » lança-t-il d’une voix à la nonchalance travaillée, curieux de voir si le magnétisme qu’il avait ressenti se manifesterait de nouveau maintenant que la distance physique était réduite et qu’ils se trouvaient face à face. S'il s'attendait à un refus de la belle, il n'en laissa rien paraître, se contentant d'attendre patiemment qu'elle croise de nouveau son regard.

Toute concentrée que j'étais sur la salle et ses occupants, je n'avais pas senti l'aura approcher, sûrement parce que son intention n'était pas mauvaise. Mon instinct avait plutôt tendance à m'avertir de ce qui pouvait me nuire plutôt que le reste.

Le regard d'un bleu si saisissant descendit le long de mon corps pour remonter dévorer mon visage sans aucune gêne, ce qui fit naître un petit sourire sur mes lèvres. J'en avais presque envie de tourner sur moi-même pour lui donner un aperçu d'ensemble, mais j'avais dans l'idée qu'il avait déjà vu mon numéro, et donc une grande partie de corps. Cet étrange sensation qui m'avait saisi sur scène revint se manifester alors que nos prunelles s'accrochaient à nouveau, et je dus secouer doucement la tête pour me défaire de cette impression. Si cela avait été une autre créature, j'aurais craint l'hypnose, mais j'avais finalement reconnu son essence, et elle était angélique. Atténuée d'une étrange manière, certes, mais angélique à la base. Ce qui rendait sa présence dans un tel club, bien curieuse.

Le sourire qu'il me décocha fit faire des cabrioles à mes hormones dont je raccourcissais la laisse. Ce n'était pas le moment de se jeter à corps perdu sur cet homme dont je ne connaissais absolument ni les intentions, ni l'identité, aussi délicieux soit le corps en question. Surtout, qu'aux dernières nouvelles, les Anges ne ressentaient aucune émotion...

- Bien le bonsoir, Foxy, puis-je me joindre à toi ?

La voix nonchalante et l'air assuré, l'être en face de moi semblait parfaitement à l'aise dans cette prise de contact et parfaitement confiant quant à la suite. Eh bien, c'était donc mon rôle de rendre les choses un peu plus amusantes ! A quoi bon la vie si ce n'est pour la défier ?

Je lui rendis un sourire amusé, arquant un sourcil.

Voilà qui est bien injuste. Vous connaissez mon nom, et j'ignore le votre.

Ma tête se pencha sur le côté, un air mutin sur le visage. Je sentais des mèches de cheveux retomber autour de mon visage, caressant la peau de ma joue et de ma mâchoire. Je l'observai un instant, avec aussi peu de gêne que lui précédemment, prenant mon temps pour dévorer son visage altier des yeux. Ses cheveux noirs et épais qui me donnaient envie d'y passer les doigts, ses pommettes hautes, la ligne masculine de sa mâchoire, ses lèvres si sensuelles qui appelaient aux baisers... Je croisai à nouveau son regard bleu digne d'un husky et j'y perçu l'étincelle brève et vive d'une émotion. La satisfaction. Il savait parfaitement quel effet il pouvait produire, et il semblait particulièrement ravi que j'y sois sensible.

Plissant légèrement les yeux, je mordillais doucement la lèvre inférieure en laissant mon regard métallique parcourir le reste de son corps avec rapidité mais intensité. Pour tout avouer le reste de son corps promettait tout autant de perfection que son visage. L'aura d'un Ange possédant un corps humain pouvait-elle transparaitre au point d'en améliorer l'enveloppe charnelle ?

Cette question resta sans réponse, mais je décidais de reprendre la parole, le ton taquin et le regard planté dans le sien.

Une telle audace doit bien porter un prénom n'est-ce pas ?

Je ne répondais pas à sa question première, esquivant de manière peu discrète, mais j'espérai bien qu'il le remarque. Après tout, quitte à profiter de la compagnie de cet Ange, autant s'amuser un peu n'est ce pas ? Je n'avais pas non plus loupé son tutoiement, mais viendrais plus tard le temps de lui faire remarquer. Ou pas...

L'annonce du prochain numéro fit souffler un vent d'impatience dans la salle alors que la musique de danse s'atténuait et que les lumières changeait. Hotty fut annoncée et un petit sourire étira mes lèvres alors que mon regard revenait à l'Ange face à moi.

De ce côté là de la salle, vous allez louper tout le spectacle... Il serait bien dommage de manquer les divertissements pour lesquels vous êtes là, non ?

Je lui rendis un sourire qui se voulait innocent, mais qui se teintait invariablement d'amusement et d'un brin de ce côté prédateur. J'avais beau être un renard et non un chat, j'adorais jouer avec mes proies, et j'avais jeté mon dévolu sur cet ange. Qu'il soit d'accord, ou non...

Elle était adorable, et ses manies lascives délicatement dosées avaient sûrement de quoi rendre fou le plus stoïque des hommes. Problème, même si son essence défaillante l’en rapprochait, il n’était pas un homme.

A mesure que les minutes s’écoulaient, lentes, comme si le temps s’était soudainement ralenti pour les garder ensemble dans une bulle privée, il sentait l’attraction se faire plus forte, plus dense, et en savourait chaque nuance. Il se sentait parfaitement à l’aise, comme si quelque chose de bien plus fort que le hasard l’avait amené jusque-ici.

La soirée promettait d’être bien plus belle que s’il s’était contenté d’observer ses clients, comme d’habitude, en analysant sans passion les faits dénués d’importance qui constituaient leurs dialogues. Le déchu aimait se placer en juge de ces autres qu’il méprisait autant qu’il enviait, parfois, perdu qu’il était entre ses désirs de noirceur et les lambeaux de lumière qui adhéraient encore à ses ailes invisibles.

L’Enfer lui tendait les bras, mais encore lui fallait-il en trouver la porte, ce qui n’était pas chose aisée en vue de son manque de connaissances concernant l’occulte sur terre. Il se complaisait donc pour l’heure dans la répétition de ces maigres amusements que lui offraient ses semblables sans en avoir conscience. Bientôt, il prendrait son envol et s’occuperait de choses plus intéressantes. Bientôt.

Ses prunelles revinrent se poser sur le visage de la jeune femme qu’il examina de nouveau de manière chirurgicale, avant de répondre d’un ton que la question avait rendu aussi narquois que le pli de son sourire :

« Je ne vois nulle audace ici ma chère, du moins, pas encore. »  Il souligna son constat d’un haussement d’épaule et ajouta après quelques secondes d’un silence réfléchi : « Tu peux m’appeler Seth, c’est sous ce nom que l’on me connait. Mais libre à toi de m’en trouver un autre si celui-ci ne te convient pas, je ne suis pas exigeant. »

Il ponctua sa phase d’un clin d’œil avant de reculer de quelques pas, ramassant un verre au hasard qui traînait sur l’une des tables proches. Il n’y jeta pas le moindre coup d’œil et le porta à ses lèvres sans cesser d’observer la jeune femme, comme s’il comptait en faire sa nouvelle obsession du jour. Le déchu collectionnait les obsessions. Pour les objets anciens, les femmes humaines, et les canettes de bière essentiellement.

Les créatures surnaturelles n’étaient jusque-là jamais entrées en compte, mais il collectionnait également les premières fois et il est bien connu qu’il y a une première fois à tout. Le breuvage n’avait aucun gout et il le reposa d’un air absent en s’humectant les lèvres. Ces humains, et même certains non-humains, n’avaient pas la moindre imagination lorsqu’il s’agissait de préparer des cocktails.

La voix veloutée de sa compagne le tira de ses réflexions en lui faisant hausser les sourcils, et il la considéra un moment avant d’hocher la tête en signe de fausse impuissance :

« Il semblerait que j’ai déjà trouvé mon divertissement de la soirée. On a tendance à dire que le hasard fait bien les choses et, pour une fois, je suis plutôt d’accord avec cette maxime puisque c’est ce même hasard qui m’a permis de te rencontrer. »  Peut-être qu’il en faisait un peu trop, mais cela ne semblait nullement le gêner.

Il sourit de plus belle, et, visiblement sans plus attendre la moindre réponse concernant l’autorisation demandée, s’adossa à côté d’elle avant de balayer la salle du regard d’un air désintéressé.

«  Vraiment, je ne suis pas sûr de manquer quoi que ce soit, bien que le numéro m’ait l’air presque aussi intéressant que le tien. Il manque tout de même quelque chose, quelque chose qui, pour l’heure, se trouve juste à côté de moi » termina-t-il en tournant la tête vers elle pour l’admirer tranquillement.

Il semblait pouvoir se contenter de ça, l’observer sous toutes les coutures, la détailler sans fin, sans attendre autre chose que les simples regards qu’ils échangeaient mais, s’il en croyait son expérience, les non-dits avaient souvent plus de valeur que les aveux et leur échange silencieux en comportait tant qu’il lui semblait sentir l’air s’épaissir autour d’eux.