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 Vous connaissez l'histoire de l'homme qui murmurait à l'oreille des loups ? | Imrinn

Anthony Earl
L'étrange sous la normalité : “Mon âme a son secret, ma vie a son mystère. ”
Tell me More : Humain détenteur du secret
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Anthony Earl

Une maille à l'envers, une maille à l'endroit… une maille à l'envers, une maille à l'endroit… du moins était-ce là la théorie, parce qu'en pratique, c'était moins simple, et la rigidité de ses doigts froids n'aidait pas à manier les aiguilles à tricoter. Lèvres pincées, dents serrées, il se concentrait tellement sur son ébauche de tricot, si tant est que l'on puisse être assez magnanime pour lui accorder ce nom, que ses yeux le brûlait. Il ne cillait plus depuis de longues minutes déjà, comme si lorgner non-stop l'embrouillamini qu'il avait fait naître pourrait lui donner plus de sens. Plus rien d'autre ne comptait, à part réussir à faire une maille correcte. C'était un défi. On le mettait dans l'obligation de réussir. Tout de même, comment pourrait-il vaincre Pryam si un vulgaire tricot lui résistait ? En plus, au départ, on lui avait conseillé le tricot pour le détendre et réguler l'effet qu'avait l'âme-énergie sur lui. Comme une catharsis. L'idée en elle-même n'était pas mal du tout, en fait. Pour essayer de rendre l'effet encore plus positif, il avait même quitté sa planque pour la forêt, histoire de se trouver seul et loin de tout, avec juste son exercice et l'ambiance tranquille de la futaie en plein hiver. Au départ, ça avait fonctionné et même plutôt bien, ne serait-ce que pour la marche au travers de la nature au repos. Mais une fois installé sur un gros rocher et le pelote de laine rose dégainée avec ses aiguilles, tout était parti de travers. Déjà, il n'avait qu'à moitié retenu les instructions pour débuter le maillage. Ensuite, les aiguilles étaient plus difficiles à manier qu'il ne l'avait pensé. Mais il ne voulait pas abandonner aussi facilement alors il avait quand même continuer… il s'était entêté. Lentement, ses tempes s'étaient remises à palpiter sous la frustration et la migraine. « grmmmm » ronchonna-t-il, cillant finalement, et reprenant en se giflant intérieurement. Aller ! Il ne pouvait pas abandonner ! Et tant pis s'il offrait le plus bizarre des spectacles…

Pourtant, au bout d'un moment, il fallut bien qu'il s'avoue à lui-même que ça commençait à devenir ridicule. Il avait l'air d'un gosse, à s'entêter sans demander d'aide. Soupirant profondément, il relâcha une des aiguilles, se passa la main sur le visage, se massant les yeux et l'arrête du nez, pour détendre un peu les muscles et les nerfs. Tricot 1 – Réanimateur 0. En rentrant, il allait défier Nikolaïs de faire mieux que lui. On verrait si l'ex Furhër allait avoir meilleur mine après s'être battu contre la pelote pendant deux à trois bonnes heures. Parce que ça devait bien faire deux à trois bonnes heures qu'il avait les fesses posées sur ce rocher… Un coup d’œil à sa montre le lui confirma. Attrapant son sac de toile dans l'intention d'y ranger son matériel, son regard fut enfin attiré par une chose grosse et noire sur le fond blanc de la neige, mais qui n'était pas là la dernière fois qu'il avait relevé le nez. Pas un ours. Pitié, que ce ne soit pas un ours. Ou un troll. Non vraiment il n'était pas en état… Papillonnant un instant des yeux pour les humecter et fronçant le nez pour faire le point, il se rendit vite compte qu'il s'agissait d'un énorme loup. Mais vraiment énorme le bestiau. Il aurait même put croire que c'était un loup-garou s'il n'avait pas été immobile. Un garou aurait attaqué, forcément. Celui-ci n'attaquait pas. Mais il était beaucoup trop gros pour être un simple loup. Il n'était pas assez stupide pour attribuer sa taille à la nature seule. Déjà que les loups étaient raréfiés, mais qu'ils atteignent cette taille ? Non… Donc, il était magique… donc, par déduction, il devrait être intelligent, plus qu'un cousin classique. Prenant un air suspicieux et conspirateur, il observa successivement le loup et son tricot, puis se détendit et fit comme si rien ne clochait dans la scène qui se jouait.

« Hey...  » fit-il, comme pour une messe basse « Vous n'avez rien vu, hein ? »

Ils pouvaient certainement s'arranger, histoire que cette histoire ne soit pas ébruitée. Il n'allait pas y survivre. Enfin non, son image de tueur fou surtout… Toujours avec sa mine de chat, il indiqua le rocher près de lui.

« Vous voulez une place ? »


Mar 9 Aoû - 14:42
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Imrinn MacLéod
L'étrange sous la normalité : La Bête du Gévaudan
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Imrinn MacLéod
La scène était particulière. Pas parce qu’un homme marchait dans la forêt ou qu’il s’arrêtait pour profiter du calme indéniable des lieux. Après tout, ce spectacle arrivait des dizaines de fois par jour, bien qu’il était rare pour un bipède de s’aventurer si loin de la civilisation. Non, si la scène était surprenante c’est parce que cet homme était connu des veilleurs dispatchés aux quatre coins des landes. Cet homme était recherché et il… tricotait de jolis fils roses. Qu’ils seraient parfaits dans son nid de brindilles !
L’œil sombre du corbeau battit sa troisième paupière, couvrant la vue de cet homme d’un fugace voile laiteux. Le bec claqua dans un croassement laconique et les plumes se gonflèrent pour rengorger son poitrail, l’aidant à lutter contre le froid persistant. Marchant de biais sur sa branche, il continua d’observer le bipède pendant de longues minutes supplémentaires, ne comprenant pas pourquoi la proie présumée de son maître se montrait en terrain découvert.
C’était une erreur.
Mais en même temps, une aubaine pour les siens. La grande veille n’était plus nécessaire et la récompense tomberait directement dans leur gosier ! Déployant à moitié ses ailes ténébreuses, le corbeau se massa sur lui-même, équilibrant sa ligne. D’une détente qui ébranla toute la branche et fit pleuvoir une poudreuse glacée, il plana jusqu’aux courants aériens plus chauds qui l’élevèrent bien vite au-dessus des cimes.
Plumes rectrices en éventail, il battit des ailes pour gagner de la vitesse, s’orientant vers le cœur de la forêt. Il ne fallait pas attendre car l’humain pouvait partir à tout moment, ce qui déplairait fortement à son maître. Un ultime et puissant croassement fit écho dans le ciel alors que la silhouette sinistre disparaissait sur la ligne d’horizon.

Les heures passèrent dans le silence tout relatif de la forêt. L’on entendait le vent siffler dans les branches nues, la chute de neige par instant qui chuintait et pleuvait puis parfois, au loin, la stridulation d’un oiseau. Sur le plus haut des arbres entourant le rocher, d’autres corbeaux surveillaient le bipède comme autant de gouttes d’ombres, pinceaux d’encre immobiles. Sentinelles rameutées par le premier veilleur et son croassement porté sur les vents hivernaux, elles attendaient dans le squelette du respectable conifère.
Mais alors que le temps passait et que le soleil continuait sa courbe dans le ciel, d’autres créatures approchèrent du tricoteur ô combien concentré sur sa tâche. Les pattes s’enfonçaient pour aussitôt rebondir hors des ornières de poudreuse, giclant des esquilles translucides sur les jarrets et les ventres. Les souffles battaient la mesure, embrumant les gueules ouvertes d’une écharpe opaque. Ce furent des fantômes au sol, de blanc et de gris qui encerclèrent leur proie tout en restant à l’abri de son regard. S’allongeant ou s’asseyant, la demi-douzaine de loups patienta que le véritable maître des lieux ne s’avance à son tour.

Il finit par arriver dans le silence de cette journée d’hiver. Immense silhouette sur le manteau neigeux, les ténèbres de sa robe s’ornaient de reflets pétroles. A grandes foulées souples, il avalait la distance qui le séparait du Réanimateur sans se presser. Ses veilleurs lui assuraient que l’autre se trouvait encore en train de tricoter. De tricoter des fils roses. Ils leur avaient tenu à cœur de préciser le détail : roses. Les fils étaient roses.
S’arrêtant en hauteur, perché sur une souche renversée dans la dénivellation du terrain, créant une plateforme de mousse et de champignons. Le vent lui soufflait de face, ébouriffant l’énorme collier de poils qui ornait sa gorge et son poitrail comme une couronne régalienne. Les oreilles droites, patte antérieure gauche repliée et les postérieures légèrement fléchies, la créature était sur le qui-vive. Prête à bondir au moindre signe d’hostilité.

Pour autant le Réanimateur ne semblait même pas conscience de sa présence. L’attente fut longue, mais elle permit à l’immense Bête d’observer sa proie présumée à loisir. Ses yeux étrangement humains voguèrent sur la silhouette assise. Les oreilles pivotèrent en tous sens, comme indépendantes l’une de l’autre afin de capter le moindre son, du plus infime à des centaines de mètres au plus proche comme le cliquetis frénétique des aiguilles.
Son museau lustré remuait dans la brise hivernale pour se gorger de ce parfum singulier, unique. Si le sorcier lui échappait, il saurait reconnaître son empreinte et le retrouver où qu’il se cache dans la forêt. Mais il doutait que cela arrive. Il émanait une singularité de cet homme. Une dissonance dont il n’arrivait pas encore à définir la source. Lorsque les regards se croisèrent, la voix grave et roccailleuse de l’animal émergea de sa gorge en une prononciation

« - Bonjour, Monsieur Evans. »

Enfin repérée, la Bête resta sur son perchoir encore un temps afin de laisser l’autre la contempler dans toute son invraisemblable splendeur. Aussi grande qu’un cheval, sa silhouette musculeuse possédait le noir d’une nuit sans étoile. Seule une tache d’argent, sur son large poitrail, tranchait la monochromie. De sexe masculin, la créature possédait l’intelligence vive d’un bipède et l’impression pouvait s’accentuer à la découverte d’un singulier dans le vélin de cette carapace lupine.
A la messe basse, les oreilles triangulaires dotées d’une fourrure plus courte et duveteuse se firent droites et attentives. Les babines s’étirèrent en ce qui pouvait ressembler à un sourire, gonflant les vibrisses et remuant la truffe humide. Sans se trahir d’un quelconque commentaire, l’immense bête se massa sur les postérieurs et tendit le cou. Jaugeant la distance qui les séparait puis roulant des épaules, elle finit par se propulser sèchement.

Sans élan, elle vint engloutir près d’une dizaine de mètres et arriva en souplesse à proximité du réanimateur, soulevant une gerbe de neige et de terre gelée à son atterrissage. De plus près, le regard de la bête était indéniablement humain. Il sourdait par ailleurs d’une curiosité tout à fait courtoise et sa voix s’éleva à nouveau :

« - Merci bien. »

D’un pas souple, les énormes pattes effleurant à peine la neige avant de repartir en une détente élastique et nerveuse, il trottina jusqu’au rocher pour grimper dessus d’un autre bond plus mesuré cette fois. Contournant le sorcier et veillant à ne pas faire tomber la pelote de laine rose, il s’allongea dans un soupir d’aise en posture de sphinx.
Son profil racé s’offrait à l’homme, le garrot à hauteur de son visage et la tête le dépassant de quelques bons centimètres. D’encore plus près, la fourrure de l’animal s’ornait d’une myriade de cicatrices, clairsement ici et là les poils sombres. La musculature lourde, mais noueuse frémissait toutefois, trahissant que la posture détendue n’était qu’un leurre de politesse.

« - Belle journée, en effet, pour sortir vaquer à ses occupations. J’étais moi-même fort occupé avant que l’on m’avertisse de votre présence en ces bois. »

Le parler venait d’une autre époque, quelques mots désuets glissés ici et là. Sans bouger de son profil régalien, museau légèrement baissé dans le col bouffant de son collier sombre, pattes antérieurs croisées à la saillie de la roche froide, seul son regard bougea pour fixer en coin le mortel.

« - Me voilà bien embêté. Sachez-le, je compte faire des landes mon nouveau territoire hors si vous possédez une résidence non loin, il va me falloir réviser mes intentions. Il me serait fâcheux d’engager des hostilités avec le voisinage. »

La bête marqua une pause, l’oreille gauche pivotant sur l’arrière pour capter l’infime crissement de neige sous les pattes de la meute qui se rapprochait. Il ne détourna cependant pas le regard du sorcier et vint passer une langue carmine sur le devant de sa truffe, l’humidifiant.

« - Et en abordant le sujet du voisinage, Last End n’est pas si loin… tout comme ses régents. Il ne serait pas convenable, ici non plus, d’avoir des tensions avec ce genre de voisins. Ils ont la réputation d’être excessifs, mais ils savent s’entourer et bien recevoir aussi. »

La voix laconique continuait de vibrer gravement, caresse à l’oreille et frisson aux tympans.

« - Lors de mon arrivée, ils m’ont accueilli comme un roi. En échange de ma veille vigilante sur les Landes et quelques autres secrets portés avec moi depuis longtemps, ils ont pris la charge de récréer un Nemeton. Ce sanctuaire n’est pas loin, il sera même protégé des humains trop curieux par quelques sortilèges de répulsions, d’illusions et d’autres artifices de leur cru. N’est-ce pas pratique ? »

Un autre sourire étira les babines, mais les oreilles légèrement couchées en arrière accompagné d’un souffle sec vinrent trahir toute l’ironie que l’inflexion courtoise dans sa voix s’efforçait de cacher.

« - Une demeure après des dizaines d’années d’errances. Qui voudrait s’en passer ? Qui souhaiterait prendre le risque de tout perdre, hm ? »

Enfin, il tourna entièrement la tête pour observer l’homme. Les yeux au vert aquatique, tissage d’or, de bleu et de jade, plongèrent en lui sans peur ni hostilité. Gueule entrouverte, la brume opaque de son souffle venait paresseusement couronner leur tête d’une chaude moiteur.

« - Et vous, Monsieur Evans… qu’en pensez-vous ? Qu'auriez-vous à perdre en cas de conflit ? »

Mer 10 Aoû - 9:48
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Anthony Earl
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Anthony Earl

Il penchait la tête, curieux lui aussi, intéressé, tant par cette créature étrange que par son discourt, bien qu'il n'indiqua pas grand-chose, sur l'instant, de ce que cela lui inspirait, se contentant de le contempler en se questionnant sur ce qu'il était. Ses yeux étaient humains, ce qui mettait mal à l'aise dans cette gueule lupine, et sa façon d'être ne correspondait à rien de ce qu'il connaissait. Les loups-garous n'étaient vraiment pas ainsi… une déité alors ? Mais il semblait incliné à soutenir le Cénacle, d'après ses paroles, cela ne concordait donc pas vraiment. Aucune divinité ne pourrait réellement soutenir les hautes administrations et la tyrannie du Concordat. Impossible. Du moins était-ce ce dont il était persuadé. Un bref instant, il chassa la neige qui était venue se poser sur son tricot et ses jambes, et reporta de nouveau son attention sur le grand loup, sans ciller. Ses prunelles noires étaient froides, contrairement au reste de son visage, d'une froideur givrée et quand il clignait enfin des yeux, il semblait évident que le geste était volontaire et pas mécanique, qu'il se forçait… Immobile, il ne semblait se soucier de rien, pas de la meute, pas de la taille imposante de son interlocuteur ou de sa singularité, alors même que tous ces éléments étaient bien présents, chacun à leur manière, dans son esprit. Il ne négligeait pas la menace des bêtes, ou même de cette créature, mais ne venait pas non plus focaliser toute son attention sur elle. De même qu'il comprenait fort bien ce qu'on lui transmettait, mais quant bien même certains détails étaient plus importants que d'autres, ils n'étaient pas ceux qui s'attachaient à son attention immédiate et il lui fallait une bonne dose de volonté pour ordonner cet embrouillamini qui, à plus d'un regard, ressemblait à sa pelote de laine rose. En moins exubérant.

Finalement, il eut un lourd soupire, de ceux, lassés, qui accompagnent un exercice mille fois effectué, alors que pourtant, un sourire doux lui peignit les traits, tandis qu'il répondait après un long instant : « Beaucoup ». Une réponse laconique, concise et pourtant imprécise. Il ne lui déballerait pas tout ce qu'il avait à perdre, pas après qu'on lui eut confié que le Cénacle n'était pas étranger à la situation. Envolée, la légèreté. « Comme tout le monde, d'ailleurs. Ils sont rares ceux qui ne perdent rien lors d'un conflit, même lorsque la perte en question est inconsciente » Sa voix était tranquille, sans inimité ou passion, avec peut-être simplement un lacet de tristesse et d'acceptation paisible d'un fait impossible à changer, d'une finalité impossible à enrayer. Un silence ponctua leur échange, plein d'une attente, celle d'une conclusion qui ne venait pas encore, qui se faisait désirée. Lentement, les mains du Réanimateur s'étaient remises en mouvement, tentant de remettre de l'ordre dans le chaos de laine colorée, un exercice qui lui occupait les mains et pallier un certain besoin de bouger. Et il ne fallut pas des heures avant qu'il ne reprenne effectivement la parole « Vous avez un coup d'avance ici, je ne connais pas votre nom. Est-ce que je peux le connaître ? Enfin… je peux continuer de vous appeler monsieur loup, mais c'est un peu… générique, un peu étrange aussi pour moi et sans doute pas très courtois pour vous » Une attente, une réponse, puis il hocha la tête, simplement, avant qu'il ne la penche sensiblement sur le côté comme si elle était lourde, ou bien observait-il simplement les environs ? La vérité était qu'il ne savait pas lui-même, c'était instinctif, juste un geste, comme ça sans explication, parce que parfois, la vie n'en avait pas besoin.

« Je suis heureux pour vous, que vous ayez trouvé votre chez vous. Et je suis désolé de le menacer » Un rire léger mais piqué d'une souffrance diffuse « Cela résume bien mon sentiment général pour bien des choses. Heureux et Désolé tout à la fois. J'étais heureux d'avoir un foyer moi-aussi, et j'étais désolé lorsque l'on est venu m'y chercher, puis j'ai été désolé lorsque j'ai dû l'abandonner au profit du plus grand nombre » Il haussa les épaules en déposant la laine près de lui sur un bout de roche, arrangeant les fils, le regard pensif et lointain, l'expression bienveillante d'un père aux prises avec l'image de sa fille adorée. « Parfois, on a pas vraiment le choix. Oh, en apparence on l'a toujours… mais quand on y pense un peu plus, quand on y regarde bien, on comprend que ce n'est pas toujours vrai. Parfois, on ne veut pas se passer de quelque chose, mais il le faut tout de même. Alors on fait avec... » Dans son cas, il l'avait bien fallut… parce qu'il y avait des entités, des personnes, qui n'avaient plus rien depuis très longtemps, bien plus longtemps que lui, qui n'avaient plus connus la chaleur d'un vrai foyer depuis des millénaires, et qui souffrait plus encore que lui-même. « Parce que, même si l'on met dans la balance tout ce que l'on a, certains n'ont plus rien depuis bien longtemps. Et qu'il arrive un moment où l'on ne peut plus fermer les yeux sur ça » Nouveau rire, presque dérisoire « Mais je pourrais parler longtemps, je pourrais donner des arguments, et des contre-arguments… des heures, sans doute. Tous les jours, je me demande si je fais le bon choix, je ravale ma peur, mon pessimisme, et je me concentre. J'énumère les raisons qui m'ont conduit jusque là, et je décide d'avancer…. »

Il secoua légèrement la tête, expira l'air de ses poumons, laissa le vent le caresser un moment avant de souffler plus doucement encore, en l'observant yeux dans les yeux sans aucune inimité : « Vous me rendez curieux… je n'avais jamais vu quelqu'un comme vous avant. Où avez-vous erré ? Qu'est-ce qu'un Néméton.. ? C'est ça ? Néméton ? » Il ne se souvenait plus de la prononciation exacte « Je n'avais jamais entendu ce terme auparavant. C'est le chez-vous que le Cénacle vous a construit ? » Il y avait une note clairement curieuse, et frappée d'innocence dans sa voix « A quoi est-ce que ça ressemble ? Est-ce qu'il a des particularités ? Vous ne pouvez pas le protéger vous-même ? » Et bien quoi ? Le monde magique le passionnait réellement ?

Lun 15 Aoû - 23:33
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Imrinn MacLéod
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Imrinn MacLéod
"- Mon nom est Imrinn."

Le regard se fit plus vague, perdu dans les brumes d'un lointain passé. Perdu dans des souvenirs épars, comme autant de miroir déformant brisés, éclaboussant le pavage de son existence d'éclats qui blessaient son âme dès qu'il s'en approchait de trop près. Le museau vint à frémir, moustaches tressaillantes au dessus de la gueule entrouverte sur le souffle opaque. Un spasme secoua la carcasse et lentement les orbes humains disparurent sous le voile de paupières alourdies par la mélancolie portée à la réminiscence de ce que les guerres, les conflits, pouvaient bien coûter.
Ô combien sa grande carcasse lui semblait à la fois vide et terriblement lourde ! Portée sur l'autel d'une lassitude que seuls les immortels appréhendent, son âme -ou ce qu'il en restait- soupirait à un repos bien mérité. Un repos que même ici, on lui refusait. Que cet homme, à ses côtés, lui ôtait sans le savoir mais qui, fort heureusement, ne semblait pas prendre à la légère la portée de ses actes. Entrouvrant les yeux sur le sol drapé de neige, il fourra un instant la truffe entre ses pattes croisées pour venir expirer longuement toute sa mélancolie.

Sa longue silhouette restait fixe, bien que la fourrure sombre et gonflée du sous-poil hivernal ne frémisse sous les frissons qui secouaient nerveusement l'épiderme à la morsure de la brise, mais plus encore à celle des souvenirs. Les flocons captifs se soulevaient un instant en poudreuse éthérée avant de retomber sur lui pour aussitôt le moucheter de petites perles d'eau givrées. La Bête coucha les oreilles, les yeux toujours perdu au delà du sol, au delà des brins courageux d'une herbe encore épargnée par les herbivores de ce bois, alimentée par la rosée des mousses de leur siège en roches séculaires.
Il écoutait ce mortel confier ses angoisses, avouer les ficelles et les ruses employées pour ne jamais rompre face aux doutes, à l'adversité. Ses oreilles triangulaires bougeaient sans cesses, radars hyper-sensibles captant la moindre vibration de l'air, du timbre de voix ou du souffle de son interlocuteur. Figé et pourtant emprunt de millier de mouvements, le loup continuait de voguer en filigrane de la réalité sur les flots agités de sa propre existence.


Et lorsque l'homme se tut, que le silence retomba sur eux avec la même paresse qu'une neige matinale engloberait cette forêt grelottante, il expira une fois de plus. La buée entoura sa gueule comme une muselière éphémère, engloutissant tous les secrets qu'il pourrait révéler à l'instant. Son cœur se serra alors qu'il se redressait dans cette posture régalienne, allongé avec le buste droit et le museau pointant sur l’horizon lointaine, profil racé offert au regard curieux du sorcier.
Ses questions lui arrachèrent un rire aussi soudain que bref. Semblable à un aboiement rauque, les babines se retroussèrent pour révéler une dentition digne du conte de Perrault. Puis ce fut un silence songeur tandis que la créature contemplait l'homme. Quelque chose d'inexplicable hantait les orbes aux couleurs vibrantes comme une forêt printanière. Il y avait une certaine douceur amère, lacée de tristesse et de cette mélancolie qui jamais ne quittait totalement ses prunelles. Puis, après cette pause où il prit le temps de trier les informations qu'il pourrait bien fournir, la Bête leva la truffe en direction du ciel.

"- Le Nemeton est le mot celte pour définir un lieu sacré dans la culture druidique. Le terme gaelique est nemed. Jadis le peuple vénérait les dieux en ces sanctuaires sous la supervision des druides fàith, les devins. Nous y pratiquions des sacrifices pour nos dieux. Il s'agissait d'un endroit aussi respecté que crains."

Il pencha la tête sur le côté, couchant une oreille vers l'arrière pour écouter les bruits aux alentours, l'autre toujours dressée bien droite sur l'avant. Sa queue s'enroula à sa postérieure droite pour se rabattre sur son flan et il changea légèrement sa posture pour plus de confort. Davantage tourné vers son interlocuteur, il abaissa la gueule en sa direction et le fixa avec une intensité renouvelée.
Transmettre oralement.
Il avait oublié le plaisir éprouvé lors du partage de son savoir. Tant de siècles emmuré dans le silence, tant d'année d'errance et de solitude. Tant de saisons à ne pouvoir parler qu'à sa propre ombre, pourchassé aux quatre coins du globe sans jamais pouvoir reprendre son souffle plus de quelques décennies. Un autre sourire ourla les babines sombres, mais sans révéler ses crocs cette fois.

"- Le nemed. D'après les poètes romains, il ne s'agissait pas d'un bâtiment ou d'un tertre comme beaucoup le pensent encore aujourd'hui. Combien étaient-ils avisés à cette époque. Le sanctuaire est principalement une vallée, car comme l'eau, la magie et les fluides du monde s'écoulent selon la géographie d'un lieu, des éléments le constituant. Il fallait des arbres, de préférence des Ifs. Il fallait un cour d'eau et des roches que l'on pouvait sculpter et mettre en cercle selon l'alignement des étoiles, créant une porte pour que nos Dieux nous rejoignent. Les poètes disaient qu'aucun oiseau ne nichait dans le nemeton, qu'aucun animal n'osait s'approcher. Là-bas, les feuilles étaient soumises à un tremblement constant sans qu'aucune brise ne les touche. Notre autel se trouvait au milieu de la vallée, ainsi que les statues de nos dieux. Chaque arbre était souillé du sang sacrificiel, racines enfoncées dans le thorax des bêtes et des hommes sacrifiés. La terre elle-même résistait car les ifs morts revivaient sans cesse. Nos arbres étaient cernés par le feu sans en être consumés. Des serpents énormes encerclaient les chênes. Les gens avaient peur de s'approcher, les païens tremblaient et même nous.... Nous les druides nous n'osions nous y aventurer à midi ou minuit de peur de rencontrer nos gardien divin..."

La bête inspira profondément et une brise plus forte se leva, virevoltant autour d'eux et charriant autant de neige fondue que de feuilles mortes, exhumées des couches de givre et de glace. Les corbeaux croassèrent, les loups hurlèrent en un crescendo plaintif et superbe. La Créature se leva sur ses pattes, surplombant le sorcier alors que la Nature tout entière se gorgeait d'une conscience primale, comme un souffle qui jouait le ressac sur leur corps. Les yeux du loup s'assombrirent d'un vert intense avant que tout ne s'estompe, que tout ne retombe dans un dernier soupir.

"- Mais tout cela ne sont plus que des mythes. Les Dieux nous ont abandonné il y a bien longtemps et jamais plus nos prières leur parvinrent."

Les babines frémirent, la fourrure sur le dos et le collier se gorgea de colère, doublant de volume tant les frissons de cette rage ravalée depuis des siècles sourdait dans chaque fibre de son être. Mais une fois de plus, il s'apaisa et retourna s'allonger contre le sorcier. Épaule contre épaule, sa truffe pointa de nouveau sur le sol enneigé, surveillant les derniers soubresauts d'une feuille pourpre froissée. Silencieux le temps de quelques souffles tremblant, gorge nouée par l’émoi de ses propres hantises, il vint reprendre la parole avec plus de détachement, le timbre policé.

"- Le nemeton n'est aujourd'hui qu'une pâle copie de ce qu'il fut jadis. Celui que le Cénacle me construit est davantage... orienté sur l'étude et ma propre sécurité. Un enclos de plusieurs hectares a été définit par des pierres gravées comme des bornes, tissant un treillage de répulsif magique afin qu'aucun mortel de l'Endroit ne s'y aventure par mégarde. Cet enclos permettra à mes protégés de vivre et de chasser en toute quiétude."

D'un coup de truffe, il désigna vaguement les silhouettes tapis dans les sous-bois, prédateurs camouflés par leur robe de cendre et d'ivoire, immobiles guetteurs à l'ombre des sapins et des souches.

"- Une autre protection à la façon d'une porte, et bien plus proche du cœur, interdit à quiconque n'ayant pas mon approbation d'en franchir le seuil. Puis il y a le tertre en lui même : butte d'herbe creusée en une immense salle et dont les couloirs s'enfoncent sous le sol pour convenir aux climats idéaux à la préservation des nombreuses plantes que je m'efforce de récolter."

Dressant les oreilles, il tourna la tête et se retrouva presque nez à truffe avec le sorcier, bien plus proche qu'il ne le fut jamais jusqu'à présent. Il plongea son regard dans le sien et souffla d'une voix basse, rocailleuse et quelque peu bourrue :

"- Je n'ai pas de pouces opposables. Comment veux-tu que je tisse mes protections tout seul ? Regarde, malgré ton avantage sur moi, tu t'emmêles dans du tricot... essaie donc sans tes pouces."

Un grognement, semblable à un raclement amusé, émergea de sa gorge et il détourna la tête. Ses épaules massives frémirent d'un rire silencieux.

"- Aaah... Je m'emporte. Cela fait longtemps que je n'ai pu parler à quiconque. Que je n'ai pu partager mon savoir, même d'une portion infime avec un être réellement capable d'écouter. Dommage que je doive dévorer, au final, cette même personne."

D'un geste vif, il retourna sa gueule vers l'humain et cette fois-ci elle était pleinement ouverte. Babines retroussées, les longues canines s'approchèrent dangereusement de la gorge d'Anthony. Des filets de baves reliaient les dagues ivoirines, alors que la langue s'amassaient au fond de la gueule immense. Pourtant, cette attaque ne semblait pas sincère. Trop brusque et pourtant bien lente à s'approcher. Annoncée et pourtant avortée alors que le buste ne bougeait pas, n'insufflant aucun élan à la force de la morsure qui viendrait d'ici quelques secondes.

Jeu 25 Aoû - 12:01
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Sincèrement curieux de connaître les réponses à ses questions, puisqu'il n'avait jamais vraiment été du genre à interroger les autres pour le simple plaisir de les faire parler dans le vide. La culture celte était l'une des moins prolixes en terme d'ouvrages, en raison du caractère oral de la transmission des connaissances, aussi n'avait-il presque aucune connaissance à son égard. C'était une bonne occasion d'en apprendre un peu plus, non ? Jambes croisées dans un semblant de tailleur, il avait tourné la tête pour observer le grand loup, le gratifiant d'un regard tranquille quoi qu'un peu fatigué. Par instant, il hochait la tête, ponctuant ainsi les propos de son étrange interlocuteur, et confirmant qu'il suivait son exposé, lui accordant l'attention que cela méritait. Plus il parlait néanmoins, et plus les questions fleurissaient dans sa tête, comme autant de bourgeons dans un champ au printemps. Ou comme autant de feuilles sur un arbre. Pour autant, il ne l'interrompait pas, le laissant poursuivre et gardant dissimulée la curiosité qu'il sollicitait. Pendant un bref instant, alors qu'il penchait la tête sur le côté, une pensée parasite vint se glisser dans le flot d'interrogations tenues coites et il se demanda distraitement s'il avait le poil moutonneux, et s'il pouvait y plonger les mains pour lui gratouiller la collerette. Mais ce serait certainement mal perçu que de poser la question, ou même d'émettre l'idée, et il n'avait pas envie de le vexer. Ce n'était pas un animal après tout même s'il en avait la silhouette. Et lui n'était pas un barbare, pour insulter un vis à vis venant de lui accorder fort patiemment les réponses qu'il sollicitait, indulgent en sa curiosité. Il avait reçu une éducation correcte, après tout, que Pryam en prenne bonne note.

En revanche, il ne manqua pas d'afficher un air désolé, compatissant mais un tantinet réprobateur à entendre dire que les dieux avaient abandonnés qui que ce soit. Jamais il n'avait eut l'intention de revenir contester le fait que les divinités n'avaient pas agit comme il fallait envers leurs dévots. En un sens, il était impossible de nier le manquement commis, à répétition, tout au long de l'antiquité… Oui, les dieux avaient prit leurs fidèles avec légèreté et inconséquence…. Ingérence, même. Et ils avaient payés. Sans doute était-il trop utopiste, mais ce que lui espérait à présent, c'était qu'humains et dieux retrouvent un équilibre, trouvent un pied d'égalité. Que les humains pardonnent… C'était un travail de longue haleine, peut-être même impossible, mais ce dont il était certain, c'est que cela ne pourrait en tout cas jamais s'accomplir tant que le Cénacle restait tel qu'il était. Il comprenait la rancœur que le loup semblait leur porter, cette simple manifestation magique en était chargée. C'était beau à voir, impressionnant à sentir, comme un soupire de la terre… mais c'était surtout très triste, à ses yeux. Cela dénotait d'une blessure qui ne voulait pas se refermer, et qu'il aurait voulut pourtant apaiser, bander, calmer. Et après un instant, l'ironie lui apparue, entraînant de l'amusement et autant de déception. Sans doute était-il son ennemi, ce loup, mais il ne faisait que renforcer sa détermination, son assurance que… quelque chose devait être fait. Quelqu'un devait bien essayer de réparer ce qui avait causé cette plaie. Et lui était prêt à le faire, si personne d'autre ne s'y dévouait. Accueillant le retour de la créature cette fois contre lui, il fit lentement voyager sa main pour la poser à plat sur la fourrure sans rien faire d'autre, un poids plume en comparaison de ses muscles et de sa fourrure, mais un geste symbolique.

L'autre reprenait la parole, aussi ne vint-il pas le couper, hochant simplement la tête en portant le regard sur les loups encore présents. Ce devait être un bel endroit, aussi s'efforçait-il de l'imaginer, ayant cependant beaucoup de mal à le faire. Plus le temps avançait plus il n'avait que la neige et la glace à l'esprit. La constatation lui tira un soupire de son propre cru, la consternation pourtant bien vite adoucit par un sourire. « Vu mon habileté, je crois qu'on peut presque se demander si j'ai vraiment deux mains humaines  » Ce ne fut pourtant qu'un répit passager. Dire que le loup n'était pas impressionnant, comme cela, gueule grande ouverte et crocs apparents, aurait été mentir. Il l'était réellement. Et il aurait sans doute été encore plus impressionnant s'il s'était jeté sur lui… ce qui n'était pas le cas. En terme de force brute, il n'avait aucune chance de l'égaler, et ne cherchait même pas à le faire. Mais à vrai dire, il ne cherchait pas même à bouger. Il restait là, vissé à son rocher, à observer… et bien, le fond de sa gorge. Il n'affirmerait pas davantage à la postérité que se forcer avec entêtement à resté immobile devant une aussi large gueule était simple, ça ne l'était pas le moins du monde et même avec toute sa détermination et ses expériences passées, il avait une envie folle de bondir le plus loin possible et de se protéger d'un mur d'énergie aussi épais qu'il pouvait l'invoquer. Mais n'était-ce pas naturel ? C'était un prédateur qu'il avait face à lui, pas une gentille peluche de fête foraine. Il cligna des yeux, déglutit sans chercher à se cacher, puis eut un sourire sec. Son cœur battait fort même après avoir remarqué que rien ne venait et il lui fallut quelques instants de plus pour véritablement prendre conscience du retrait de la créature.

Lorsque ce fut fait, il se permit de se détendre, même si son corps était blanchit par la tension. « Mère grand, que vous avez de grandes dents !  » fut-il avec un rire d'auto-dérision dans le fond de la voix, singeant le célèbre conte pour enfant. « Et une grande glotte aussi… je ne me souvenais plus de ce passage dans le récit. Je suppose que le petit chaperon rouge n'avait pas eut le temps d'admirer avant d'être gobée  » Un léger froncement de nez le prit « Par contre, l'haleine est particulière...  » Il plaisantait pour s'aider à se détendre. Faire l'idiot l'aidait à revenir les deux pieds sur terre. Imrinn n'avait peut-être pas réellement essayé de le happer, mais il pouvait fort bien changer d'avis, et il avait des arguments percutants, pour le moins qu'on puisse dire. Et puis sur le coup, en voyant la lourde tête approcher, il n'avait pas vraiment eut le temps et l'appréciation de noter les petits détails. Il s'était contenté de se concentrer sur cette énorme gueule et sa décision de ne pas bouger. D'ailleurs, en y regardant bien, il avait tout de même instinctivement fait surgir son énergie, juste au cas où. Son regard quitta le museau large et humide pour parcourir les alentours et constater qu'un gel subit était venu couvrir la roche et un bon mètre autours d'eux. Il pouffa légèrement de rire en découvrant que la glace était venue recouvrir le bouclier de la créature, piquetant certainement un peu la peau. L'idée saugrenue d'un gâteau lui percuta l'esprit et il se mit à rire, les nerfs ne devaient pas y être totalement pour rien. « Désolé, pardon c'est… je viens de vous imaginer comme un gros gâteau recouvert de pâte à sucre et pffrrrr...  »

Et il n'arrivait tout simplement pas à contenir son hilarité. Pour se donner contenant, il inspira profondément, se passa la paume d'une main sur le visage et se détourna quelques instants. Lorsqu'il fut capable de parler sans hoqueter de rire, il sortit un petit carton écrasé d'une de ses poches et le lui montra. « Vous en voulez un ? C'est des chewing-gum façon dragées surprises. C'est assez amusant comme truc  » Lui même en prit un et mâchouilla un peu, toujours pour faire passer le fou-rire avant d'être capable de dire quoi que ce soit de cohérent. Le pauvre, lui qui justement ne voulait pas le vexer, il allait finir par le faire à rire comme une baleine. Lorsque ce fut fait, il soupira profondément puis reprit : « Vous n'avez pas réellement l'air de vouloir me manger, même si vous voir me montrer votre glotte – qui est au demeurant de très belle forme, félicitation, et très saine – est impressionnant je dois l'avouer… d'ailleurs je crois que je pourrais passer la tête entière dans votre gueule, vous savez comme au cirque ? Enfin je m'égare… Donc, disais-je, même si vous voir les crocs de près est effectivement une belle frousse, vous n'aviez pas réellement l'air de vouloir me croquer. Sinon nous serions probablement entrain de nous battre, non ? Ou alors je me serais échappé et je serais perché dans un arbre, vous en bas qui m'attendez et probablement un corbeau ou deux pour me picorer le crâne… Mais je suis encore tranquillement assit là. Je dis tranquillement mais pas confortablement, c'est dur, la roche  »

… Il avait vraiment une grande propension à dire tout et n'importe quoi, parfois. Sa franchise le tuerait certainement d'une façon ou d'une autre. Ou alors elle tuerait ses interlocuteurs qui en auraient assez de l'entendre dire n'importe quoi. « …. Vous pourriez oublier ce que je viens de dire ? Sur la roche… mettez ça au même endroit perdu de votre mémoire que mon échec au tricot, s'il vous plaît ?  » Se massant la nuque, il préféra changer de sujet de toute façon, histoire de ne pas rester là-dessus. « Pour revenir à quelque chose de plus sérieux…. Comment se fait-il que vous n'ayez parlé à personne ? Je veux dire, même si les Nexus sont rares il y a encore beaucoup de créatures magiques… A moins que vous n'ayez volontairement choisit de vivre reclus ? Mais en ce cas pourquoi ? Vous ne vous sentiez pas… seul ?  » Son visage se peignit à nouveau de cette douceur innocente tandis qu'il souriait légèrement et avouait, plus bas « Moi, je me sens très seul, parfois. Seulement après quelques mois. Alors si cela fait des années pour vous, je n'arrive pas à imaginer… Mais...  » Il eut un léger haussement d'épaule, en un geste qui allégeait la proposition pourtant sincère « Si vous voulez, je suis tout prêt à vous écouter davantage, j'aime beaucoup apprendre. C'est l'une de mes seules qualités...  » Petit mouvement de tête, et il l'observa d'un regard pétillant et plein d'espoir.  

Ven 26 Aoû - 19:02
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Imrinn MacLéod
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Il resta ainsi quelques secondes, gouffre tiède et béant à quelques centimètres du visage de sa prétendue proie. Il lui suffirait de refermer violemment la mâchoire pour que plusieurs tonnes de pression ne viennent à pulvériser l'ossature fragile de l'humain, transformant son crâne en une pulpe croustillante sur la neige et la roche. Pourtant, comme le ressac d'une vague à la berge de toute cette mascarade, la gueule se recula alors que les babines retombaient et que les crocs courbes disparaissaient au fourreau d'un museau à présent fermé. Les yeux au voile d'un vert irréel, dissimulant des orbes aux teintes similaires, ne lâchaient pas le mortel de leur attention. Un sentiment indéfinissable s'y logeait, mélange de surprise satisfaite par la réalisation que l'autre possédait un sang froid tout à son honneur. Il y avait aussi une réflexion profonde, treillage d'un savoir séculaire qui défilait à sa mémoire pour essayer de définir l'essence même de son interlocuteur.

Ses oreilles se dressaient par dessus le masque à nouveau paisible de ce faciès lupin, écoutant distraitement les babillages incompréhensibles que l'autre lui assenait. Était-ce les nerfs qui parlaient au lieu du bon sens ? Allez savoir... Dans tous les cas, entendre parler de chaperon rouge, de pâte à sucre ou encore le voir se mettre à glousser comme une dinde sur l’échafaud du boucher lui firent légèrement coucher les oreilles vers l'arrière, signe de son incompréhension grandissante... et peut-être de son regret à ne pas lui avoir, finalement, croqué la tête. Ses paupières se plissèrent de défiance à la vue de cette étrange friandise et il approcha la truffe pour en renifler les parfums inconnus. Ne sachant pas à quoi s'attendre, il préférait bouder la nourriture et vint se dresser sur ses pattes pour s'étirer avec l'échine vers le ciel et les antérieures étendues sur la surface glacée du rocher. Baillant à s'en dérouler la langue, il fit frémir toute sa puissante musculature avant de revenir s'allonger dans un tourbillon de poudreuse. Le processus venait de le détendre autant qu'ébrouer son bouclier du givre déployé tantôt par cet apprenti sorcier.

Alors qu'un soupir secouait sa silhouette massive et qu'un frisson gonflait son épaisse fourrure, il se lécha le dessus d'une patte avant de pivoter afin d'atteindre de son organe la hanche marquée d'une profonde cicatrice. Le marquage était ancien, légèrement courbe. Étrangement, aucun poil ne semblait capable de repousser sur cette zone, laissant la chair à nue en un amas cicatriciel condensé. Le froid n'aidait pas son articulation, créant une douleur sourde, en continue alors que le reste de son corps bouillonnait de cette puissance indomptée. Il en était encore à son toilettage songeur, les yeux portés au loin alors qu'il s'exécutait sans y prêter attention, à la façon d'un tic ou d'un rituel nerveux, lorsque l'humain reprit ses interrogations. Sans interrompre le cours de sa tâche, l'immense loup se contenta de marquer l'attention qu'il portait aux propos de son interlocuteur en venant tourner les oreilles dans sa direction. Parfois, un regard surpris ou vaguement amusé s'en allait caresser la silhouette installée à quelques centimètres de là, auréolée par une neige de plus en plus drue et cotonneuse.

Lorsque l'homme s'essouffla, la Bête resta songeuse, museau perdu dans la fourrure de son échine. Les paupières s'étaient presque totalement fermées, ne laissant filtrer que la lueur irréelle de ce voile émeraude et magique d'entre les longs cils noirs. Immobile pendant de longues minutes, il sembla se perdre en des souvenirs mélancoliques, laissant parfois ses babines frémirent d'un souffle résigné. Puis, avec difficulté, la créature s'arracha aux songes d'étés lointains pour revenir à cet hiver présent. Il darda sur l'humain un regard trouble, partagé entre le désir évident de s’épancher et la retenue quant à leur situation réciproque. Il n'oubliait pas avec qui il partageait ce bout de cailloux et regrettait visiblement de ne pouvoir se confesser plus que de raison. Imrinn finit par soupirer et il se releva pour sauter au bas de leur perchoir improvisé. D'un signe de tête, il fit signe à l'autre de le suivre alors qu'un corbeau descendait en une spirale évasive pour se poser à quelques pouces de la pelote de laine rose. Un croassement, un petit bond, et le bec de l'oiseau venait à saisir le fil douillet. Un autre corbeau se posa et fit le même cinéma avant qu'une demie douzaine des corvidés ne viennent réquisitionner la pelote et se la disputer.

A quelques pas de là, la Bête fixait ce cirque avec un léger rire étouffé dans son collier de fourrure. Une oreille couchée en arrière et les babines retroussées en un sourire, il fixait ses serviteurs avec une bienveillance paternelle puis fit de nouveau signe à l'humain de l'accompagner pour une marche qui saurait redistribuer du sang chaud dans son fessier congelé. Il manquerait plus qu'il se paie quelques gerçures ! Alors qu'ils remontaient la pente douce de ce lit de rivière asséché, Imrinn adopta une marche lente afin de ne pas distancer son interlocuteur. Tout deux côtes à côtes, avançant presque épaule contre épaule, la créature avait la hauteur d'un cheval et n'avait aucun mal à enjamber les buissons ou les crevasses d'anciens ruisseaux ou courses de pluies automnales. Ce ne fut qu'au bout de plusieurs minutes d'un silence paisible, qu'il reprit la parole.

"- Et bien si je ne vous ai pas réellement attaqué... Ce n'est ni par manque d'appétit ou d'envie belliqueuse. Voyez vous, si vous avez aussi bon goût que votre aura paraît saine, je ne désire nullement prendre le risque d'y planter les dents. Sans vouloir vous offenser, bien entendu. "

Il lui lança un regard en biais, renâclant par la truffe et venant créer un volute de buée qui s'enroula autour de sa gueule pour disparaître à son encolure.

"- Pour ce qui est du reste... vous effleurez là un bien vaste sujet. Nous n'avons malheureusement ni le temps, ni l'intimité pour s'y étendre davantage. Peut-être un autre jour, si nos chemins se recroisent en de meilleurs auspices prendrais-je alors plaisir à vous conter toute mon histoire. "

Cette fois, son regard était indéfinissable, marqué par le temps et les épreuves, il le couva un instant d'un œil presque paternel et doté d'une patience à toute épreuve. En toute conscience, il ne pouvait réprimander la curiosité ainsi que la soif de savoir. C'était là l'essence même de ce qu'il avait jadis été : un druide. Le savoir oral, l'incessante recherche et le questionnement en toute chose. Malgré ses propos, la Bête ne semblait pas souhaiter l'interruption de sa rencontre et poursuivit en regardant devant elle, venant parfois dégager le chemin de branchages pour laisser passer l'humain, veillant à ce qu'il ne se confronte ni à la neige ni au fouet des branches de sapin.

"- La solitude est un choix. Elle n'est jamais une obligation, elle ouvre à la méditation et au repos de l'être. Un être incapable de supporter une vie en société mais qui, néanmoins, portera toujours en son cœur le souvenir d'au moins un être aimé, n'est pas à plaindre. Il ne faut ainsi guère confondre la solitude avec l'isolement qui lui, n'est jamais volontaire. L'Homme est une créature façonnée pour communiquer, pour aimer. Ainsi l'isolement est-il son véritable poison. De ce fait, être seul quand il s'agit de son vœux, et ce fut mon cas, aide à trouver une paix intérieure sans la nuisance intellectuelle d'autrui. Je désirais m'interroger, me retrouver au travers de mon propre regard, en ma perception du monde et de ce que j'étais devenu.

Il s'arrêta lorsqu'ils furent à l'orée du bois et face aux landes interminables. Le vent soufflait bien plus fort ici, de fait Imrinn vint à s'interposer entre les bourrasques et le Réanimateur, le poussa à se blottir contre lui d'un petit coup de truffe à son épaule. Ainsi proches l'un de l'autre, la Bête pu le regarder droit dans les yeux, pratiquement front à front. Courbé pour l'envelopper au mieux de sa haute silhouette, il souffla de cette voix rauque et profonde :

"- Je me demande... Avez-vous quelqu'un que vous aimez ? Quelqu'un que vous n'oublierez jamais ? Ah, oui... Oui, je peux le voir dans vos yeux. Vous prétendez agir pour un bien supérieur, pour le bien du plus grand nombre... mais finalement, ne le faites-vous pas uniquement pour ceux que vous aimez ? Vous vous forcez à l'isolement, peut-être par honte, peut-être par culpabilité... Ou alors simplement pour protéger ceux qui vous sont chers. Mais êtes-vous réellement seul ?

Il releva la tête en direction des landes, museau dans le vent et les oreilles dressées, regard sur la ligne d’horizon. Imrinn marqua un silence, songeur, avant de reprendre :

"- Monsieur Evans. Il suffit de se souvenir, de se rappeler qu'une couleur leur correspond, qu'une musique ou qu'une odeur était jadis la leur. Dans tout ce qui vous entoure sommeil la présence de vos proches. Ne refusez pas la solitude et ne croyez pas en l'isolement lorsque vous avez de si précieuses mémoires en votre cœur. Si jamais elle vous pèse, cette solitude, acceptez là comme une veille amie et remplissez son vide par le souvenir de vos proches... Dans les moments de doutes et de reproches, souvenez-vous simplement que quelque part, il y aura toujours quelqu'un pour vous aimer et surtout, il y aura toujours quelqu'un que vous aimerez. "

La Bête tourna la tête vers lui, étirant ses babines en un vague sourire alors qu'il couchait les oreilles et adoucissait son regard.

"- Maintenant dites moi pourquoi... Pourquoi vous prenez la décision non pas de renverser l'Envers, mais de chambouler le monde des mortels. Pourquoi rompre le Secret quand il suffirait de renverser le pouvoir du Cénacle et d'instaurer un nouveau gouvernement, sans pour autant imposer aux Hommes ignorant l'existence des notre ? Qui êtes-vous pour renverser des Gouvernements et la vie de milliards de personnes ? Pourquoi... rompre le Secret au lieu de le travailler de l'intérieur ? "

Mer 23 Nov - 20:10
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Anthony Earl
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Ah, ainsi son aura avait mauvaise mine ? Il ne pouvait lui-même l'affirmer, ne voyant pas les auras, mais il n'avait pourtant guère de mal à le croire sur parole quand la créature l'affirmait. Le mal être qui le rongeait ne pouvait que s'exprimer, au travers de lui, tant il était profond et ancré. Son propre frère avait auparavant théorisé qu'il provoquait, à ce titre, la neige et la glace qui au sein de la ville et de la campagne environnante perduraient. Il n savait si c'était la vérité, mais quoi qu'il en soit, un signe ou un autre ne pouvait que lui échapper. La magie était encore à ses yeux chose nouvelle et pleine de mystère. « Aucunement, je serais plutôt curieux en vérité » Et puis, s'il venait à s'offenser ainsi, il craignait de faire son Ordralfabetix, ce qui serait un comble. Ne voulant pas être mangé, il devait bien admettre que l'effet de l'âme sur lui avait au moins cela de positif qu'il dégoûtait de potentiels prédateurs. La pensée resta suspendue dans son esprit tandis qu'il la pondérait, mains dans les poches en suivant le loup. Son aura n'était pas saine. En même temps, elle n'était pas naturelle, forcément… mais sa langue le brûlait de poser davantage de questions, alors qu'il se retenait. Il n'aimait pas couper la parole aux autres à moins d'y être réellement forcé. N'avait-il pas déjà plus d'une fois affirmé être bien élevé ? Il y avait pourtant fortement à douter qu'ils puissent jamais se revoir dans quelques circonstances que ce soit, à moins bien entendu de s'entre-apercevoir au détour d'un combat le jour du 31 s'il décidait de se battre aux côtés de ses alliés.

Un sourire lui releva un instant le coin des lèvres, avant de se dissiper tandis qu'il lui dédiait un regard mi-amusé mi-désabusé. Non… la solitude n'était pas toujours un choix, parce que le choix n'était pas universel, contrairement à ce que tant d'individus, lui compris, pouvaient bien affirmer. Parfois, le choix était une illusion, un beau rêve ou une sentence. Seul un être en haut de la chaîne alimentaire pouvait se targuer d'affirmer que le choix était un incontournable. «  L'est-elle réellement ?  » Il n'avait alors pu s'en empêcher, dans le creux de la conversation. «  Comment pouvez-vous affirmer ce qu'est, ou n'est pas, l'homme ? Avez-vous été confident d'une quelconque vérité confiée par ce qui nous a créé ? Ne vous y trompez pas, moi aussi, j'affirme parfois ce que peut être ou non l'humanité… mais soyons réalistes, qu'en savons-nous vraiment ? Quelle preuve irréfutable nous fut donc donnée, que nous pensions à de telles vérités ?  » Une fois encore, un sourire dansa sur ses traits, cette fois acide et fermement désillusionné «  Nous sommes aussi peu légitimes à ainsi nous exprimer que le Cénacle quand il affirme que les créatures de la magie ne sont pas naturellement faites pour vivre dans la lumière. Qu'en savons-nous en dehors de ces diktats et de preuves faussées par leurs mains et les événements ?  » Sa voix paraissait à la fois agonisante, volée d'un souffle vital, et pressée d'une passion effrénée, le besoin cynique, brutal et impérieux mais tout aussi essentiel d'une réponse réelle à l'injustice première.

Le vent, en réponse, rugissait, fouettant le paysage désolé d'une bise cruelle et féroce, immodérée. Il ne remarqua le cinglant du vent sur sa peau qu'en voyant Imrinn le couvrir de sa taille. Il se courba sensiblement pour transformer le grand corps poilu en un mur de protection. Pourquoi… la question que tout le monde lui posait. C'était elle, sa vieille amie. Tout le monde voulait savoir pourquoi il faisait cela, pourquoi ainsi, maintenant… «  Ce n'est plus l'heure des demi-mesures. Je suis médecin de profession, Imrinn… c'était ma passion. Je n'ai jamais conseillé une action radicale si je pouvais l'éviter, mais le monde de la magie est malade. Pardonnez ma grossièreté, mais il est malade à en crever. Nous n'avons plus la possibilité de le travailler de l'intérieur, nous n'avons pas assez de temps pour cela. Si je me résolvais à suivre cette voie, la moitié de ceux qui agonisent disparaîtraient entre temps. Nous en sommes arrivés là, oui… alors je fais ce que je dois faire, je prend mon rôle de médecin et j'expose la solution qui révolte tout le monde et qui fait se récrier. Mais en fin de compte, si l'on veut se sauver, c'est la seule manière de faire  » Contrairement à son éclat précédent, il parlait alors avec gravité, et un sens de résignation désolée mais non moins déterminé. L'image d'un homme décidé à faire ce qu'il pensait bon pour les siens, quand bien même ceux-ci le haïraient. Il se redressa sensiblement, le regardant dans les yeux et assumant pleinement ses choix.

«  Le Secret est ce qui nous tue, c'est le pouvoir du Cénacle… et aussi du Vatican. Ce n'est plus une protection, depuis longtemps, c'est un mouroir. Les nôtres ne peuvent même pas se défendre contre les chasseurs de l'Autorité. Les chasseurs agissent presque impunément, et sont même encouragés quand ils sont de la section Iscariote. Mais quand les nôtres essayent de se défendre, le Cénacle vient les condamner car ils mettent le Secret en danger. On leur demande ni plus ni moins que de mourir et de ne pas faire de vague. Ce n'est pas ce que j'appelle une protection, et c'est comme ça depuis trop longtemps. Ce n'est qu'un des nombreux exemples de la folie de toute cette situation, et il y en a beaucoup trop, il est grand temps que cela s'arrête… Quand à qui je suis….  » Il eut un sourire plus doux, les yeux apaisés «  Personne, je suppose. Juste un homme, juste un médecin dans la masse. Mais je suis aussi le seul à avoir eu le courage de dire à voix haute ce que les autres chuchotaient si bas avec crainte  » Il haussa les épaules «  Je serais aussi probablement leur tête de turc quand tout sera finit. Je prendrai sur moi la responsabilité de tous les autres, je serais condamné pour eux tous, et ils passeront à la phase de reconstruction sans plus se jeter la pierre. C'est du moins ce que j'espère même si cette dernière partie est sans doute largement sujet à caution...  » Il soupira lourdement et se passa les doigts sur la lèvre inférieure.

«  Bien sûr, un nouveau gouvernement devra se former, mais je vous avoue que je ne sais vraiment pas de quoi il aura l'air...  »  


Dim 8 Jan - 16:03
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Imrinn MacLéod
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Le temps n'était plus à la contemplation, telle fut la conclusion qui vint à l'esprit de l'ancien sorcier lorsque les mots du Réanimateur s'essoufflèrent. Cette attente passive, considérée comme délice aux philosophes oisifs, ce luxe longuement cultivé au cour des derniers siècles ; il ne lui était plus accordé. Malgré ses espoirs forgés à l'usure de ses innombrables décennies de combats menés et de fuites organisées, le doyen du clan Macléod contemplait à présent une vérité qui n'était pas pour lui plaire. Il goûtait encore à l’âpreté d'une révélation douloureuse : la réalisation qu'un monde, son monde, était à l'agonie. Les paroles du jeune mortel n'étaient peut-être pas objectives, elles n'étaient en tout cas certainement pas absolues et pourtant, de toutes les voix qui s’élèveraient au 31 Mars pour donner leur avis sur la question, celle du Réanimateur porterait non seulement le poids de sa propre conscience, mais aussi celle de centaines voire de milliers d'autres cœurs et volonté outrées, plaintives et suppliantes. Comment pouvait-on refuser de les écouter ? Un changement devait être fait : le Cénacle est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Alors par les Dieux, pourquoi rien n'était engagé !? Pourquoi l'Envers était-il à l'agonie, un fait dont Imrinn ne doutait pas une seule seconde. Pourquoi laisser le Vatican dominer aussi sûrement l'Endroit et mener la partie dans cet immense échiquier sur lequel, tous, se trouvaient ?

Il était captivant, en un sens, de réaliser combien une seule question pouvait mener à tant d'autres. Quant aux réponses, le Loup du Gévaudan savait qu'il ne les obtiendrait pas en restant reclus à l'abis de son Nemeton. Il ne les obtiendrait pas aujourd'hui non plus, peut-être jamais même. Une longue inspiration vint à gonfler son poitrail dont les poumons se gorgèrent du parfum humide de la neige, mais qui se poignardèrent d'autant d'échardes gelées et lui arrachèrent un frisson sourd, violent. Les oreilles s'étaient couchées à l'arrière, soumises à la déception éprouvée. La queue, jusqu'à présent si fièrement élevée au dessus de l'échine, s'était courbée entre les postérieurs pour trahir combien les aveux du bipède pesaient dorénavant sur les épaules de la Bête. Ses cils, comme son regard, se détournèrent avec accablement pour fixer le lointain, à la silhouette des bois qui se révéla aussi trouble que l'issue du conflit à venir. Iscariote, le Secrétaire Général, le Vatican et les membres du Concordat. Combien aimerait-il récolter auprès de tous la version de cette Histoire, engranger différents savoirs, partager sa vision et tenter de trouver, dans le nœud des rancœurs et des querelles, un moyen pour que tous cohabitent. Il ne pouvait, avec son éducation de Druide, se contenter d'un seul avis ! Il lui en fallait plus, toujours plus. Malheureusement, certains lui resteraient inaccessibles tant qu'il serait sous cette apparence. Sa quête de vérité, pour autant qu'il puisse la considérer, était confinée aux frontières de Las End... enfin, pour le moment.

« - Elle l'est toujours. »

Les mots tombèrent, abruptes. Le vent vint aussitôt à les emporter sans que la créature ne semble encline à s'expliquer plus en avant. Ses yeux, aux reflets tourmentés par ses propres pensées, continuèrent inlassablement à scruter une ligne d'horizon stérile, faite de blanc et par instant ; du noir cruel de quelques roches aux angles épargnés par le linceul immaculé. Enfin, après une longue réflexion, il reprit d'une voix sourde d'émotions contenues, se refusant d'épancher, de trahir, ses propres hantises. Il appartenait au passé, il en avait cruellement conscience hors le Réanimateur cherchait résolument à se tourner vers le Futur, à regarder une issue, à dresser ses principes pour les générations futurs. Les histoires d'une vieille créature comme lui n'étaient pas pertinentes à l'heure actuelle. Peut-être une autre fois, comme il l'avait proposé un instant plus tôt, quand il obtiendrait des réponses supplémentaires, quand il aurait à nouveau foi dans son propre jugement, dans ses connaissances. Il reprit donc, le ton sourd d'une ferveur similaire à celle entonnée plus tôt par Anthony :

« - La médecine, j'entends... Elle est toujours votre passion. Il est inutile de la conjuguer au passé... inutile de se mentir : elle est toujours là et jamais elle ne s'éteindra. »

Un autre silence, uniquement agrémenté du hurlement lacérant d'un vent plaintif. L'immense loup s'arracha finalement à la contemplation des landes enneigées pour baisser la gueule en direction de l'humain. Il l'observa gravement, trouvant dans les yeux usés de cet homme, l'écho de ce qu'il fut lui-même jadis. Il trouva le reflet, la résignation quant aux choix qu'ils s'étaient abrogés et aux conséquences que ces derniers leur imposeront jusqu'au rendu de leur ultime souffle. Malgré les siècles, malgré l'évolution d'une humanité affamée, les mêmes problématiques n'avaient de cesses de revenir et, à chaque fois, les mêmes sacrifices devaient être fais. Un sourire sans joie, retroussement las de babines, échappa à la créature dont la voix se fit à peine plus haute que le blizzard grondant autour d'eux :

« - Une passion ne se jette pas comme on le ferait d'une chemise usagée. Il s'agit du brasier qui alimente votre âme, votre cœur. C'est cette passion pour la médecine qui vous a poussé à agir. C'est elle qui vous incite à venir soigner l'Envers au péril de votre confort, au prix de cette vie que vous aviez dans l'Endroit. C'est une noble cause dans laquelle vous vous engagez et je ne doute pas que votre sacrifice, vain ou fructueux, apportera un nouveau souffle. Après tout, avec les terribles conséquences qu'il engendrera, j'espère qu'il sera suffisant pour chasser le miasme qui saisit l'Envers. Moi même, jadis, j'ai... »

Il s'interrompit, un soupir venant museler sa voix à l'image de la buée qui nimba sa gueule comme le scellé de ses propres aveux. Son regard vint à se ternir, scrutant un point, un souvenir que lui seul pouvait voir. Ce furent d'autres secondes d'un silence lourd, pesant, avant que l'immense créature ne vienne à se redresser et n'engage une nouvelle marche. Ses pattes crissaient dans la poudreuse tout juste déposée, sa fourrure se couvrait de blanc, son bouclier parfois dressé pour contenir une bourrasque trop forte qui aurait pu le faire chanceler sur ses appuis. Il les éloigna ainsi de la forêt et leur fit gagner la pente douce d'un léger promontoire rocheux. La nuit approchait, le froid se renforçait.

« - Anthony, j'entends vos paroles. Je tiens à ce que vous le sachiez. Je ne peux cependant y apporter ni crédit, ni les réfuter... Il me serais présomptueux et irresponsable d'agir autrement. »

Il tourna la tête vers l'orée des bois qu'ils longeaient, apercevant les silhouettes graciles de quelques cerfs et biches. Étouffant son besoin de chasse et de sang, il poursuivit en revenant porter son attention sur le chemin qu'il s'octroyait au hasard.

« - Cela fait plus de quatre siècles que le monde supporte ma carcasse, cependant je me suis depuis bien trop longtemps détourné des instances qui régissent l'Envers. Je n'ai ainsi plus le droit d'être porteur d'un quelconque avis sur les questions actuelles. L'Humanité, comme le Cénacle, que je connaissais jadis, n'existent plus. Leur évolution s'est poursuivie tandis que moi ? Ha, je me fossilisai quelque part au Groenland, jouant le rôle d'une divinité mineure au regard candide de quelques tribus Inuits. Avoua-t-il avec un sourire étrange aux babines, une petite lueur amusée et nostalgique au fond des prunelles. Ainsi, une part de moi voudrait que vous ayez tort, que votre parole ne soit que venin et mensonges, mais si je peux bien me targuer d'une chose : c'est de n'être ni stupide, ni naïf... et du peu qu'il m'ait été donné de voir depuis mon retour, j'ai bien peur que vous ayez raison... Ah ! Cruelle ironie que voilà ! »

La créature s'arrêta lorsqu'ils arrivèrent aux bords d'un petit promontoire. De ces quelques dizaines de mètres à la hauteur des Landes, ils avaient une vue imprenable sur Last End. La ville s'étendait en croissant de lune sur les rivages anglais. Les lumières des rues étaient déjà là, offrant sur la toile du paysage enneigé l'impression d'une tiare d'or et d'argent scintillante. Poitrail en avant, les oreilles à nouveaux dressées et les pattes bien ancrées dans la croûte givrée, il contemplait la cité avec un mélange de curiosité et de cynisme. Combien il aimerait parcourir ces rues et ces allées ! Combien aimerait-il se mêler aux humains, récupérer son retard et partager ce qu'ils avaient probablement tous oubliés. Combien avait-il soif d'apprendre et de s'entourer à nouveau... Un soupir, encore, musela sa gueule d'une buée tiède dont les gouttes cristallisèrent à l'orée de sa gueule. Ses fautes n'étaient pas remboursées, il devait encore payer... Un rire, bref et semblable à un aboiement rauque, secoua la Bête du Gévaudan.

« - Il fallait que de tous, ce soit l'enfant des Hommes qui vienne à nous éveiller de notre torpeur. Monsieur Evans, s'il vous plaît : n'oubliez jamais, même au plus fort du combat que vous allez mener : vous êtes dévoué à l'humanité. J'ose croire que même aujourd'hui, ceux qui s'engagent dans le médicale, doivent prêter un serment. Alors s'il vous plaît, n'oubliez jamais qui vous êtes, ni d'où vous venez et surtout... n'oubliez jamais le chemin que vous avez choisi d'emprunter et des personnes qui vous auront accompagné. »

Il l'observa avec intensité et plaqua le sommet de son crâne contre le torse de l'humain, fermant un instant les yeux alors qu'il écoutait le battement de son cœur et se gorgeait de son odeur, ne voulant oublier ni l'un, ni l'autre. Ce fut un contact bref, le temps d'un souffle avant qu'Imrinn ne se redresse et ne tourne son museau à nouveau vers Last End. Il eut l'ourlet d'un sourire en coin et lui coula un regard sans baisser la tête, semblant le toiser avec humour depuis sa hauteur. Le loup retrouva cependant bien vite son sérieux et se mura dans un autre silence pensif. Il sautait d'un sujet à l'autre de façon archaïque, suivant le cours de ses réflexions en dépit de la logique ou du cours de leur conversation jusqu'à présent. Craignait-il ou non de perdre son interlocuteur, Imrinn semblait décidé à poursuivre ainsi.

« - Je veux savoir « pourquoi ». J'ai... soif de savoir, un trait hérité de ma longue formation de jadis. Et vous, Anthony Evans, vous venez d'éveiller en moi une inextinguible envie de connaître la vérité quant au comment de toute cette situation. Soigner les symptômes est un premier pas, certes... mais je ne sais pas si la source est réellement le Cénacle. Lorsque j'étais jeune, l'Humanité et l'Envers étaient déjà en guerre, le merveilleux des légendes n'existait plus et les hommes devenaient superstitieux sous l'égide de l'Église et des religions monothéistes. Pourquoi ? Quelles étaient leurs motivations réelles !? Qu'y gagnaient-elles ? »

Il coucha une oreille en une mimique d'interrogation presque adorable tant elle était stéréotypée dans les cartoons. Il pencha la tête, ajoutant une touche supplémentaire au tableau adorable de cet énorme loup affichant une moue suppliante vers les nuages sombres et les tourbillons tourmentés de la neige.

« - Je veux savoir comment le Cénacle a pu laisser l'Envers agoniser. Quelles actions les ont mené à pareilles décisions. J'ai besoin de savoir ! L'on n'a eut de cesse de me répéter de regarder dans ce que vous appelez inner-test... le inter-nest ? Enfin bref ! Ce réseau impalpable où tout le monde accède ou transmet des informations aussi vite que la pensée. Je ne fais cependant pas confiance à cette... chose. Si tout le monde y a accès, tout le monde peut y dire n'importe quoi... »

Il souffla sèchement par la truffe, l'air contrarié et impatient, pour la première fois depuis leur rencontre : Imrinn semblait piétiner.

« - J'obtiendrais mes informations de vive voix et avec les concernés, dussé-je me rendre aux portes du Vatican ou à celles des Enfers... Aussi, lorsque tout ceci sera terminé, j'aimerai vraiment avoir une nouvelle conversation avec vous. Ne mourrez pas avant que l'occasion puisse se présenter, je vous en serais gré. Je pourrais ainsi vous donner enfin mon avis sur la question. »

Jeu 9 Fév - 18:54
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Anthony Earl
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Anthony Earl

Ça faisait mal, hein ? Quand on était contraint et forcé de regarder la vérité en face et de l'accepter, de cesser de se confondre en philosophies biaisées, en excuses et en circonvolutions oisives qui ne porteraient jamais une once du malheur et de la tristesse qu'était la réalité. Oui, ça faisait mal. Très mal, même, c'était cruel et dur que de devoir énoncer tout cela, et en même temps, qui d'autre l'aurait fait ? Qui, à part lui, aurait pu diagnostiquer ce mal et l'annoncer ? Et pourtant il aurait mille fois préféré, de façon fort lâche d'ailleurs, annoncer des centaines de cancer et autres tumeurs plutôt que prononcer cette condamnation, cet arrêt de mort qui semblait presque impossible à contrer quant bien même il avait décidé de tenter de l'enrayer. C'était égoïste de sa part que de soupirer après le défaut de cette tâche, vouloir la laisser à quelqu'un d'autre, pouvoir rentrer auprès de sa femme, de sa fille, et ne plus jamais souffrir de la pensée de ces milliers de créatures qui se rongeaient depuis des siècles et s'éteindraient, sans l'ombre d'un instant de compassion à leur égard de la part de ce monde, dans quelques temps à peine. Une vie de mortel ou deux, tout au plus, pour les stades les plus avancés. Et il avait ses défauts, ses travers, comme n'importe qui d'autre, comme il avait cette seule et pénible qualité, si tant est qu'elle en soit vraiment une, de se sentir forcé à accomplir son devoir, et à ne pas se détourner, en dépit de tout ce que cela lui infligeait. Il ne pouvait pas être assez lâche pour abandonner, et assumait la souffrance que cela lui rapportait. En fin de compte, quand il devrait périr et répondre de son âme devant quoi que ce soit qui le jugerait par la suite, il aurait cette seule reconnaissance en sa faveur, celle de ne pas avoir cédé, de ne pas s'être plié à la bassesse pour des besoins et des aspirations personnelles. Quoi que Pryam pourrait jamais en dire.

« Peut-être. Jamais est un mot piégeux à employer, n'est-ce pas ? »

Il eut l'ombre d'un sourire fatigué, ne pouvant présager le futur, tout en acceptant que, peut-être, ce fut effectivement ce même amour de la médecin qui lui avait permit d'ouvrir les yeux. En vérité… c'était cela oui. Et peut-être en conservait-il quelque chose. Aucune part de soi ne mourrait jamais vraiment, contrairement à ce que l'on pouvait aisément croire. Des traces subsistaient toujours. Il aurait fallu de bien terribles forces pour créer une autre situation. Bonnes ou mauvaises. Il continuait d'observer le loup sans bouger, sans fuir son regard car il n'avait rien à lui cacher. Il ne faisait pas cela pour la noblesse, la gloire, ou toute forme de reconnaissance auréolée de positivisme car en fin de compte, comme il l'avait dit, il serait le méchant de l'histoire et sa disparition fermerait cette page de l'Envers, ou était-ce du moins ce qu'il espérait profondément. Cependant, il était, en un sens, apaisant de s'entendre confirmer ce que lui-même pensait et ce à quoi il s'accrochait autant qu'il le pouvait. Malgré toutes ses bravades, à l'intérieur, il restait toujours quelque chose de fragile et de délicat qui avait besoin d'être rassuré, car il était un être humain et non quelque machine auxquelles la logique suffisait. Sans le presser, devinant une fêlure semblable sans pouvoir en caresser les contours, il reprit sa marche en l'accompagnant, ne cherchant pas à le brusquer attendant simplement de savoir ce qu'il délivrerait ou choisirait de taire. Même la raison pour laquelle il le ferait ne lui serait pas demandée, elle ne le regardait pas. Les tourments intérieurs, et le jardin qu'on entretenait au creux des pensées était un lieu privé qui ne devait être pénétré de force.

Haute silhouette sombre dans la tourmente, il semblait glisser au travers d'elle avec l'aise d'un élémentaire dont la bise hurlante aurait été le berceau, et pourtant ses yeux au bleu douloureux ne portait aucune agression en eux. Quand le loup s'exprima à nouveau, les traits du Réanimateur se parèrent d'une douceur presque paternelle malgré la différence d'âge, et offrant un contraste saisissant avec la curiosité enfantine et ses petits gestes francs et frais qui faisaient sa gestuelle et son expressivité corporelle.

« Ne vous en faites nullement, Imrinn, je ne vous demande rien »

Non, il n'avait jamais rien demandé, c'était peut-être pour cela que tant de créatures avaient finies par rejoindre ses rangs, comme on l'affirmait. Ses rangs… Les rangs de ceux qui souhaitaient voir les choses changer, surtout, il était simplement leur porte parole, l'audace qu'ils n'avaient eut, cet élan qui criait qu'il fallait en finir. Mais oui, il ne demandait rien, il laissait ses paroles faire leur chemin, car malgré tout ce que l'on pouvait affirmer, il était impossible de bloquer ce qu'elles portaient. Cela s'insinuait lentement, et cela revenait périodiquement jusqu'à produire des doutes ou un franc et tyrannique rejet. Mais cette entité n'était pas réellement du Concordat, quoi qu'elle affirma, elle n'était pas de ceux qui oppressaient le monde de l'Envers… aussi doutait-il qu'au fond de lui, Imrinn ne soit pas déjà en train d'adhérer à tout cela. A ce besoin de renouveau. Il n'avait pas besoin de demander. Si le besoin d'agir se faisait pressant, alors il viendrait. Sinon ? Rien du tout. Il n'était pas du genre à reprocher l'inaction, elle avait tellement de sources, compréhensibles, si elles n'étaient toutes acceptables. Lui-même n'avait pas agit, pendant longtemps, il n'était pas une colombe immaculée pour lancer la première pierre. Il ne tomberait pas dans ce travers-là. Alors, silencieux une fois encore, il le laissa se décider à parler, ne réagissant que d'un cillement des yeux lorsqu'il fut conforté dans sa position et dans son jugement de ce que la créature était. Sa réponse fut un simple hochement de tête, sobre. Que dire de plus ?

Ses pas cessèrent en rythme, et il porta un instant le regard vers la ville, s'offrant le luxe d'une pensée morose mais emplie de tendresse pour sa fille qui aurait certainement été émerveillée par le paysage féerique qui s'étendait au devant d'eux. « Pas qu'à l'humanité... » fit-il avec douceur, sans détourner les yeux de ce qu'il observait. Non, il n'était pas dévoué qu'à l'humanité. Il s'était dévoué à toutes les entités qui souffraient, tant les hommes que les autres. Ça aurait été faire la même erreur que ses ancêtres et que tout le Concordat, en ne s'occupant que des humains. Il avait prêté deux serments, le premier quand il était sortit major de sa promotion de faculté de médecine, Hippocrate, puis… après ce terrible jour, environ trois ans auparavant, quand il avait juré de ne plus fermer les yeux sur ce qui se passait derrière le voile de l'illusion magique. Il ne voulait laisser personne en arrière. Il ne pourrait le supporter. S'il lui avait fallut choisir entre les habitants de la magie et l'humanité, il se serait retiré de l'équation… il n'aurait pas choisit, et ne le ferait jamais. On ne pouvait demander pareille ignominie.

La gorge serrée par ses pensées, il s'était perdu dans la contemplation du paysage et de ce qui s'y dissimulait, cette misère que Last-End avait toujours nié. Et, perdu qu'il était, il ne sentit pas l'approche du loup, seulement son contact, le faisant sursauter, tandis qu'il baissait les yeux sur la grosse tête poilue collée à lui. Incertain, le visage peint de sa perplexité, il le laissait gauchement faire sans se permettre de lui gratouiller l'oreille, se disant qu'il se vexerait certainement de pareil traitement. Que faisait-il exactement ? Immobile, il attendit, espérant sinon une explication, au moins l'inhérente compréhension de quelque chose, dans son attitude lupine, qui le renseignerait. Imperceptiblement, et sans le vouloir, il frissonnait. La chaleur du corps lupin agressait son épiderme gelée et provoquait en lui une vague d'inconfort qu'il ne savait pas bien expliquer. Son être était froid, bien qu'il n'en ait nullement conscience, ses signes vitaux réduits au minimum dans le calme retrouvé, son cœur d'une lenteur presque alarmante, mais aux battements puissants comme un tambour lointain, son souffle élevant son torse de façon presque invisible. Il sentait la neige, la glace et le vent piquant d'iode, et quelque part, pour un esprit suffisamment alerte, quelque chose qui n'était pas tout à fait terrestre, ni tout à fait physique…une odeur qui n'en était pas tout à fait une, aux accents d'une lugubre certitude. Le parfum de la tragédie.

Puis le loup recula, laissant le Réanimateur embarrassé et gauche, se massant la nuque d'une main pour se donner contenance. Ses mots l'aidèrent à retrouver sa posture et son sérieux. « Tout dépend… Qu'y gagnait qui ? Les religions monothéistes ou l'humanité ? » Mais déjà, le loup poursuivait et Anthony pencha la tête à défaut de le pouvoir d'une oreille pour exprimer à son tour son interrogation. Et son visage se peignit d'ironie et d'un amusement grinçant qu'il ne cherchait pas à contenir dans son amertume. Ah la grande question. Lui aussi il aimerait bien connaître le tréfonds du fond des choses, de tout cela, savoir exactement où et comment cela avait commencé, quel geste, quelle parole, quelle pensée, avait été le déclencheur, le tout premier maillon de la longue chaîne. Le point de départ de cet immense effet papillon qui courait probablement jusqu'à la disparition du monde de la magie tel qu'il existait à l'heure actuelle. « Internet » corrigea-t-il avec une douceur patiente, comme il corrigeait sa fille quand elle prononçait mal un mot, puis poursuivit sans sembler noter sa propre attitude tant elle était naturelle. « Je doute que l'on trouve vraiment la réponse sur la toile, même si des éléments s'y trouvent sans doute, comme ils se trouvent dans nos livres et nos traités. J'ai toujours davantage vu internet comme un outil aidant au mécanisme de la logique et de la déduction, mais qui ne le remplaçait pas et ne donnait, en fin de compte, jamais la réponse finale. C'est ce que j'essayais aussi d'inculquer à mes étudiants… mais évidemment, la plupart me voyait simplement comme un vieux raseur avant l'heure. Et oui, on peut parfois y trouver n'importe quoi »

Il soupira, et s'assit à même la neige, sans prendre gare, mais après tout il fallait bien que son bouclier le serve non ? Souriant avec abandon, il poursuivit :
« J'aurai cette nouvelle conversation avec vous avec plaisir. Mais ne vous faites pas tuer non plus de votre côté en cherchant, voulez-vous ? Vous auriez du mal à me parler ensuite. En plus je ne suis pas nécromant malgré mon sobriquet... »
Non, il n'était pas nécromant même si l'affirmation était un tant soit peu biaisée par le manque d'informations dont elle s'entourait. Il y avait beaucoup plus à dire à cela que ce qu'il laissait paraître, mais tout comme Imrinn avait ses secrets et ses fautes inavouées, lui avait les siennes, et ses regrets. Et il n'était pas encore prêt à parler ouvertement de tout cela. La seule fois où il l'avait fait, ça n'avait rien apporté de bon et il ne souhaitait pas recommencer. Ce n'était de toute façon nullement nécessaire, et ça ne le serait jamais à moins que l'improbable ne se produise. En attendant, il l'enfermerait. Pour s'occuper les mains autant que fixer son esprit, il se mit à faire un bonhomme de neige miniature, à défaut des gros dont il avait l'habitude d'orner le jardin de la maison de campagne familiale avec sa fille quand ils séjournaient là-bas, du temps où il était simplement un médecin comme les autres. C'était là quelque chose, une de plus, sur lequel il avait tiré un trait volontairement.

« Cela fait quelques années que j'ai arrêté la médecine. Du moins que j'ai raccroché mon titre. Je suis devenu professeur à l'Université de Last-End. Ce n'était pas le plus folichon, j'aurai pu aller ailleurs si je l'avais voulu, mais j'ai choisi de rester ici. Souvent, mes étudiants me demandait pourquoi j'avais arrêté, ce qui m'avait poussé à venir enseigner plutôt que sauver des vies. Je répétais la même ânerie, quelque chose à propos d'avoir senti que c'était le bon moment pour moi de changer de carrière. Je ne me souviens même plus vraiment… j'épiçais ça avec quelques vagues allusions sur la famille que je voulais faire passer en premier ou un besoin de calme et ça suffisait »

Un vague sourire amusé lui dansait encore sur les lèvres.

« Pour les filles, j'étais le professeur plutôt agréable à regarder et gentil, mais pas assez attirant car pas assez de mystère. L'être humain aime le mystère, des explications simples, paisibles et toutes faites n'aident pas à entretenir de l'attirance. Je m'en amusais beaucoup. Certains de mes collègues cherchaient le regard de leurs élèves parfois même sans le savoir. Un besoin involontaire. Une forme d'orgueil pervers. Il n'y a pas besoin d'aller dans les bas fonds d'une ville pour trouver de la crasse interne »

Il eut une moue du bout des lèvres, jouant de la bouche, incertain et désillusionné par tout ce qui se jouait pour qui aimait observer et comprendre, toutes ces petites morts, ces pathétismes de vies devenues vides et vaines, privée de substance par un monde qui formatait et accentuait les fêlures de l'esprit. Tout le monde en avait. Tout le monde était atteint à un point ou un autre. Une nouvelle fois, il se passa la main sur la nuque, un geste naturel, et dissipatif.

« J'ai arrêté de pratiquer parce que je ne m'en sentais plus capable. J'ai perdu ma dernière patiente de manière tragique, et je porterais son deuil jusqu'à ma mort… » Il s'interrompit une seconde, les dernières syllabes avaient été tremblantes et faibles, comme si sa voix menaçait de se rompre. Pourtant lorsqu'il reprit, il avait retrouvé son calme et sa neutralité, même si l'on sentait qu'il s'y forçait. « C'était une petite fille, pas plus d'une dizaine d'années. Elle était terriblement malade et personne ne savait ce qu'elle avait. J'ai rejoins l'affaire après une crise de la petite, ils avaient manqué la perdre. J'ai rapidement compris que son affliction n'était pas naturelle. C'était une affliction magique, le genre de saloperie qui traîne dans le marché des trolls ou les flacons des Bellone, des Earl, des Al'Akrabe.. » Imperceptible, la note d'accusation, de réprobation, accentua sa voix. Il s'en rendit compte, s'interrompit de nouveau puis reprit, semblant décidé à conserver autant de neutralité qu'il le pouvait. « Je ne pouvais pas l'aider. Personne ne pouvait l'aider. Cette maladie était entrain de la consumer de la plus horrible façon qui soit, et tout ce que l'on pouvait faire c'était y assister, impuissants. A la fin j'avais envie de me laver la bouche à la javel chaque fois que je devais rassurer les parents, tellement je me sentais sale et hypocrite. Lorsque ça a été presque finit, étrangement, elle semblait aller un peu mieux. Une apparence trompeuse… Je me suis installée à côté d'elle, je ne craignais rien, il y a quelque chose dans mon corps qui neutralise les maladies magiques... »

Il y eut un silence, Anthony s'avérant incapable de continuer sur l'instant, la gorge trop nouée, même après tout ce temps, une barre en travers des tempes. Il baissa la tête, frôlant du doigt le petit père noël avant de se détourner de lui. La vision, douce-amère, lui donnait des haut-le-cœurs. Il lui fallut de longs instants à inspirer et expirer avant de pouvoir parler de nouveau :
« J'ai essayé de la réconforter. Je lui ai raconté qu'il existait réellement des créatures magiques, et que quand elle mourrait elle ne disparaîtrait pas, elle ne serait pas engloutie par le vide et elle ne souffrirait pas. Elle retournerait simplement à… à la terre, ou même aux anges. Qu'elle serait bien. Et elle... » Un sourire plus nerveux qu'autre chose lui fendit le visage, de nouveau, il avait du mal à formuler ses pensées. « Elle m'a sourit, toute pâle, et m'a dit que je n'avais pas besoin d'inventer des histoires pour l'aider. Que tout cela n'existait pas et qu'elle… qu'elle était prête à mourir... »

Après cela, seul le vent hurla.


Ven 3 Mar - 20:36
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Imrinn MacLéod
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Imrinn MacLéod
Son regard ne quittait pas la courbe cotonneuse des nuages, chape gluante de blizzard qui n'avait de cesse de déverser sur eux toute sa colère et sa mélancolie. L'hiver s'étendait au delà du raisonnable, dépassant la limite qui lui était allouée dans le cycle immuable de la Nature et de toute chose en cette planète. La neige tourbillonnait, cinglait et repeignait le monde d'un linceul glacial. Pour autant, ils étaient tous les deux là, dressés face à la tempête avec un immobilisme trompeur car l'énergie de leur essence bouillonnait en leur esprit. Échauffés dans le cœur d'une discussion singulière, la Bête et le Réanimateur ignoraient le climat avec ce mépris égal à celui qu'ils recevaient pour chaque bourrasque trempée de flocons acérés qui les échevelait.

L'analyse faite sur cette étrange science qu'était l'Internet fit douter Imrinn de la pertinence de l'outillage dont l'Humanité ne cessait de vanter les louages. Les images captives dans les petites boites l'avaient déjà alertés sur la débilité progressive qui étreignait les mentalités actuelles, enchaînant l'individualité et proclamant un moule social né du seul besoin de quelques pontifes capitalistes. Mais si l'on venait à douter de ces médias, pouvait-on encore se référer aux livres et aux parchemins ? La corruption d'information était monnaie courante, même au 17ème siècle ! Est-ce que la paranoïa devait influencer à ce point la confiance et la croyance que l'on devait préserver pour autrui ?

Oreilles plaquées en arrière, le grand loup continua de fixer l'obscurité avec une profondeur de réflexion qui atteignait des abysses encore jusque là ignorés par sa pensée. Il s'était définitivement trop isolé au cours de ces dernières décades, perdant pieds face à la mondialisation de l'Humanité et ses nouvelles coutumes. Il espérait pour autant être capable de raviver au cœur de chacun la braise d'anciennes valeurs, de celles qui avaient permis à l'Homme d'atteindre l'âge des Lumières et la beauté des philosophies, des découvertes et des nouvelles sciences. Peut-être jouait-il d'arrogance en se croyant capable de changer quoi que ce soit ou peut-être était-il seulement trop naïf.

La boutade cependant le fit sourire et chassa un peu le miasme de ses réflexions. Il n'escomptait pas mourir de si tôt, même s'il ne doutait pas que la quête dans laquelle il s'engageait mériterait dix fois sa propre vie s'il parvenait à en atteindre la finalité. Savoir le « pourquoi » de toute cette guerre, découvrir la source du mal qui saignait ce monde depuis des siècles : cela n'avait sans doute pas de prix. Et puis, s'il venait à mourir à qui raconterait-il ses découvertes ? Babines vaguement retroussées en un pâle sourire, le loup hocha du chef avant d'inspirer profondément, poumons brûlés par le froid qui s'insinua en eux. Ses pensées s’égayèrent au grès des bourrasques, le perdant dans une contemplation expectative de ce qui l'attendrait au 31 Mars.

Le tremblement dans la voix du Réanimateur, cette infime brisure dans ses paroles, vint à le ramener brutalement au temps présent. Pris d'un sursaut, il se raidit de la tête aux pattes avec un regard surpris en direction du mortel. S'il avait écouté son histoire à propos de son passé et de sa période en tant que professeur, ne comprenant que peu ce passage par son manque de connaissance sur l'époque et les mœurs, Imrinn sentit son cœur se serrer à la suite. Tout cela n'avait été qu'un prélude à cet aveu, une confession aussi douloureuse pour l'ex-médecin que pour l'ancien druide. Deux êtres dévoués à son prochain, nés en des époques différentes, mais guidés par le même vœux et le même désir.

Silencieux, gorge nouée et truffe frémissante de larmes qui ne pourraient jamais gagner ses grands yeux émeraudes, la Bête détourna la tête quelques instant et ferma les paupières pour voiler l’émoi qui sourdait en ses iris. Au silence qu'il fallu pour l'humain de calmer ses haut-le-corps, la créature en profita pour calmer ses propres palpitations. Queue basse, presque rentrées entre ses postérieures, échines légèrement courbée malgré une posture noble et fière conservée par habitude, le loup noir accusait le deuil d'une âme innocente. Instinctivement, il revit les yeux mouillés de larmes de Meade et la fragilité de son esprit, de ses espoirs. Une enfant jetée en pâture à un mal qui ne la concernait pas, payant le tribu d'une malédiction séculaire et devenue obsolète...

Quand le récit reprit, gagnant en intensité pour chaque phrase arrachée aux lèvres du Réanimateur, Imrinn finit par exhaler un long soupir mélancolique. Il ne pouvait qu'imaginer le traumatisme qu'avait du vivre cet homme en confrontant pareil situation. Il comprenait mieux sa rancœur, son désir d'ouvrir le Secret à l'Humanité toute entière. Il ne savait cependant si un tel vœu offrirait au monde une Utopie ou plutôt une Dystopie. Mais l'ancien druide avait bien conscience que pour satisfaire le plus grand bien, il faudrait forcément stigmatiser une minorité. N'était-ce pas la même logique qu'appliquait le Cénacle ? Oh combien cela serait ironique !

« - Je suis désolé... »

Un souffle dans le vent. Un long regard attristé vers le petit bonhomme fait de neige.

« - Désolé que vous ayez du confronter la laideur de notre monde et en ressortir avec un tel traumatisme. Désolé que notre société n'ait rien appris ces derniers siècles et qu'elle n'ait rien retenue des événements qui la secouèrent si brutalement. J'aimerai vous aider, pouvoir rectifier ces erreurs grossières dans le sens où l'exécution d'une action responsable envers cette enfant aurait du être une évidence. Une responsabilité de notre part. »

Il ferma les yeux et baissa la tête, courbant la nuque au point où sa truffe vint à se perdre dans l'épaisseur de son collier de fourrure. Assis avec le dos droit, pattes avant profondément enfoncées dans la couche crissante de neige, il garda à son tour un silence mitigé. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix sonnait avec mélancolie et amertume.

« - Le Cénacle fut créé jadis pour nous protéger des êtres humains, ceux dénués de magie et d'une quelconque compréhension de notre peuple. Nous avons réuni les plus puissants d'entre nous afin de diriger les créatures magiques, leur offrir un havre de paix, une protection contre le Vatican et ses traques incessantes. Nous devions servir notre peuple, ceux qui avaient accepté de nous donner le pouvoir de décider à leur place. Nous avions leur confiance, nous nous devions de la respecter. »

Il coucha davantage encore les oreilles et leva la tête vers la silhouette fantomatique de Last End, ses lumières vacillantes sous les bourrasques toujours aussi épaisses et gluantes de neige et de pluie grêleuse. Son regard dansait au rythme des sifflements lancinant de la tempête, suivant les étoiles électriques qui pavaient les rues et les boulevards dans la nuit agitée.

« - Cette enfant aurait dû être prise en charge par un sorcier ou une créature dissimulée dans l'Endroit pour justement traquer ce genre d'anomalies. Protéger les êtres humains de nos maux, qu'ils soient causés volontairement par quelques détracteurs et monstres incontrôlables ou par des maladies et artefacts détournés... cela aussi devait être de notre devoir en tant que membres du Cénacle. Nous devions nous assurer que les Hommes nous oublient ou du moins, que nos actes cessent d'alimenter leur peur instinctive à notre égard. Nous devions aider... à retrouver cette harmonie perdue depuis si longtemps. »

Il serra les mâchoires, faisant grincer sa dentition au couvert de ses babines pourtant agitées de quelques soubresauts de colère.

« - Fut un temps où les Hommes et les créatures, les Dieux et les sorciers, vivaient tous en harmonie. Il y avait parfois des tensions, il y avait des guerres, bien entendu. Il ne s'agissait pas d'une utopie, loin de là... mais si nous nous battions, ce n'était pas des êtres humains uniquement contre des êtres surnaturels. Cette dissociation n'était pas pertinente alors. Les Dieux étaient à leur âge d'or, la sorcellerie dépendait d'eux et nous étions là pour les servir et veiller à ce que les Hommes ne se perdent pas dans la peur et l'obscurantisme. Nous étions des philosophes, des guides... En créant le Cénacle, nous voulions retrouver le goût de ces jours perdus. Renouer avec nos origines, dans l'espoir de sortir de cette ombre de peur et de mysticisme. »

Imrinn poussa un autre long soupir et secoua du chef avec dépit. A quoi bon ressasser le passé ? Il était inutile de soupirer après ce que l'on avait perdu depuis si longtemps. Les expériences, quelles soient nées des défaites ou des victoires, devaient être les seules choses à retenir de l'Histoire afin de ne pas reproduire les erreurs commises. Avec ce qu'il se tramait d'ici quelques semaines, chacun devrait apprendre cette règle de la plus violente et la plus définitive des façons. Après la guerre au Siège, quand ils observeront le charnier des morts et entendrons le râle des blessés... peut-être comprendront-ils combien il était important d'agir en commun face à la véritable menace de l'Envers.

« - Je m'égare encore... Je ne cherchais point à excuser les actes de mes paires. Simplement à expliquer ce que nous aurions dû être... ce que nous aurions dû préserver. Si je ne peux imaginer ce que vous avez traverser, je comprends votre réaction et votre souhait. »

Il le regarda avec une tendresse paternelle et pressa un instant sa truffe contre son épaule, soufflant sur la fibre du vêtement, le poussant un peu en un simulacre d'accolade. S'il lui donnait un coup de patte dans le dos, il l'enverrait probablement bouler au bas de leur observatoire improvisé ! Ce qui serait fâcheux et couperait court à leur conversation.

« - Je regrette que nous nous rencontrions en pareille situation. J'aurais aimé vous rencontrer plus tôt, Anthony. Vous rencontrer avant d'avoir donné ma parole à Lord Earl, alors peut-être aurais-je pu vous raccompagner en tant qu'ami et me tenir à vos côtés le 31. »

Il se redressa pour plonger son regard dans le sien, les orbes vibrantes d'intensité.

« - J'espère qu'une fois libéré de ma dette, vous m'accepterez à vos côtés et ne me tiendrez pas rigueur. »

Un sourire doux amer étira les babines de la créature qui se releva totalement et vint s'étirer dans la neige poudreuse, baillant à s'en décrocher la mâchoire tandis que sa langue se courbait à l'intérieur de sa gueule béante. Il s'ébroua ensuite, déneigeant son bouclier ainsi que sa fourrure avant de regarder en direction de la forêt et des Landes. Il pouvait sentir la présence de la meute dans les environs : ils avaient fini la chasse et l'attendaient pour débuter le repas.

« - Vous devriez rentrer. Ne revenez plus dans cette forêt. Je ne suis pas le seul à pouvoir faire parler les Corbeaux, ce n'est plus un endroit sûr pour vous. Et... essayez plutôt de vous mettre à la sculpture sur bois ou os. Voire le travail du cuir, les matières « vivantes » sont les plus exquises à travailler de ses mains. Elles évoluent avec le temps, se patinent et s'embellissent si vous les entretenez bien. »

Sur ces mots, il s'éloigna dans le blizzard et rapidement sa haute silhouette se fit avaler par les bourrasques blanches. Ses traces de pattes s'estompèrent à leur tour et il ne resta de la Bête du Gévaudan que les hurlements mélancoliques et poignant de sa meute, chant nocturne appelant leur alpha et protecteur à eux.

Mar 11 Juil - 11:25
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Vous connaissez l'histoire de l'homme qui murmurait à l'oreille des loups ? | Imrinn
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