Troll farceur et humains farcis | Terminé

Last-End était une étrange ville, à ses yeux. Une ville bien anglaise, avec un décorum anglais et des habitudes anglaises.  Il n'en avait pas l'habitude, lui qui avait jusque là vécu aux Etat-Unis.  Tout était plus petit, ici, à ses yeux. Et tout était curieux, en un sens, bien qu'il ne s'attacha pas à tout ce qu'il découvrait. La nourriture, par exemple, était franchement étrange parfois... Il n'avait mangé un plat typique qu'une seule fois et ça lui suffisait. En revanche, l'ambiance particulière du marché des trolls lui plaisait assez. C'était autrement plus intéressant que la tranquille ville mortelle. Plus vivant et authentique également. On criait, on jurait, on s'échangeait des nouvelles des quatre coins du monde, on négociait âprement... la foule était extrêmement dense. Son ancien lui ne l'aurait jamais supporté. Il aurait été contraint de s'isoler au plus profond de ce labyrinthe puant et d'y rester à tout jamais. Mais sa nouvelle existence ne le soumettait plus à ce genre d'impondérables. Et c'était tant mieux, parce qu'on comptait sur lui. La nouvelle boutique, leur nouvelle échoppe Européenne attirait déjà les foules, et les employés qu'il chaperonnait ne savait déjà plus où donner de la tête deux heures seulement après l'ouverture officielle.

Et lui aussi, d'ailleurs. Il était présentement entrain de traiter avec une chose à moitié cheval, du moins était-ce ce qu'il en comprenait, au sujet d'une cargaison extrêmement fraîche à remettre directement à la personne qui l'avait commandée. Problème numéro un : il ne savait absolument pas de qui il s'agissait, le nom qu'on lui donnait n'était pas dans ses registres, généreusement remis par son père. Problème numéro deux : La chose n'avait pas de pattes pour prendre le coffret. Problème numéro trois : le prix qu'on lui proposait pour la cargaison en question était véritablement impossible à accepter. Non, il ne pouvait pas accepter de se faire entuber comme ça. Pas question. Si on commençait déjà à essayer de les truander, il n'en avait pas finit. Alors il le retenait, et se faisait entêté. Et évidemment ça ne plaisait pas, mais ça il n'en avait strictement rien à faire. Nonchalamment appuyé contre le comptoir de bois, cigarette aux lèvres et sourcils froncés, il continuait de répondre à chaque réplique, avec détachement mais sans rien lâcher à la chose chevaline... du moins jusqu'à ce qu'on vienne les interrompre. La porte d'entrée, de bois et de verre, vola littéralement en éclat, tandis que le corps projeté contre elle et responsable du massacre attérissait lourdement sur les marches de pierres.

Isha cligna des yeux, se redressa enfin, et planta là son client pour s'approcher de la catastrophe, autours de laquelle les clients s'attroupaient dans l'espoir de voir une belle bagarre. La petite créature qui surgit dans l'embrasure détruite avait l'air belliqueuse. Pour autant, l'humain s'intéressait plus vaguement au fait que sa boutique était déjà ravagée alors même qu'ils n'avaient ouverts que deux heures plus tôt. Ça ne présageait rien de bon pour son avenir. Au lieu de bois, il allait devoir commander de la maçonnerie lourde. Et sans doute rapidement. Enfin bon, il ne se rendrait pas malade pour autant à ce sujet. S'interposant, il lui fallut un long moment pour convaincre la chose gesticulante, et il eut en plus besoin d'un traducteur pour pouvoir se faire comprendre. Lui qui espérait être un peu tranquille... Lorsqu'enfin ce fut terminé et qu'il eut organisé ses employés pour essayer de satisfaire les clients, et embauché des trolls pour s'occuper des dégâts, il alla dans l'arrière boutique voir où l'on avait collé ce pauvre projectile involontaire. S'accoudant dans l'embrasure de la porte, il changea de cigarette tout en observant le gamin qui ne devait pas être beaucoup plus vieux que lui. Voir plus jeune.

« Et bah... » Finit-il par lâcher, avec une bouffée de fumée. « T'as l'art de faire des entrées, toi. Il te voulait quoi, le truc bizarre ? Même avec un traducteur on a pas réussit à le savoir. Enfin t'en fait pas, jlai fait partir... » S'avançant finalement, il se laissa tomber dans la chaise à ses côtés et l'observant, joue sur le poing, laissant sa cigarette se consumer. « Tu me dis quelque chose. Mais j'arrive pas à le replacer. Tu veux pas que je te fasse quelques tresses et que je les teignes en rose pour voir si ça va me revenir ? Ou peut-être avec des barrettes barbies... »

Léger sourire blasé aux coins des lèvres, le regard légèrement torve. Et bien, c'est qu'il avait prit son temps pour réaliser, l'équidé. « Ah bon, vraiment ? » Pourtant ça lui allait si bien les barrettes barbie et le rose fuchsia. Il ne comprenait absolument pas où pouvait bien se situer le problème qu'il semblait avoir sans le vouloir soulevé. Fronçant légèrement les sourcils il sortit de sa poche une barrette à l’effigie de la célèbre poupée, faisant mine de jouer avec. Ne se sentant pas le moins du monde affligé par le souvenir des déboires de Max par sa faute, il était parfaitement capable de recommencer... et avec l'âge, il serait certainement plus adroit et imaginatif quand à ce qu'il ferait des crins du pauvre poney. Oh oui, il avait notamment apprit à manier le fer à lisser et le sèche cheveux, depuis, ainsi que les couleurs synthétiques. Que son petit poney lui laisse donc sa crinière et elle ressortirait aussi colorée qu'une animation sortie tout droit d'un dessin animé pour petites filles.

« Bah ouai, totalement » Comment ça il n'était pas objectif ? Rien à faire. Il l'imaginait très bien. « ça aurait de la gueule. Quoi ? Tu veux que je lui tresse les cheveux à lui aussi ? » Pas de souci avec ça. Il n'avait même pas sourcillé à la mention d'un prince démon. Après avoir vu tout ce qu'il avait vu, et vécu tout ce qu'il avait vécu, dans une vie comme dans l'autre, savoir que Max travaillait pour un seigneur démon était comme apprendre qu'il pleuvait souvent en Angleterre. C'était... obvious. Mais qu'est-ce qui ne l'était pas, avec lui ? Bonne question, qui n'avait pas encore de réponse. Pas ça, en tout cas. Il libéra une bouffée de fumée odorante, blanchâtre, dans l'air, et cligna simplement des yeux. Il se contenta de se redresser pour lui rendre son accolade, tenant sa cigarette entre deux doigts, et affichant un grand sourire posé. « Ouai, j'ai plein de choses à te raconter... t'imagine pas » Il se rassit finalement, posant ses deux pieds sur une autre chaise, croisés et pouffant légèrement de rire.

« Non, je préfère les oreilles » Est-ce qu'il comprenait qu'on parlait de morceaux de corps humains ? Oui parfaitement, mais il s'en fichait éperdument. Là encore, il avait prit l'habitude, avec les trolls. « Alors ? » Il fit tomber la cendre de sa cigarette dans un cendrier en grès. « Tu étais simplement venu pour t'acheter des douceurs ? Moi qui pensait que c'était l'ouverture du magasin qui t'avait attiré... toi ou ton maître en fait. Je ne te cache pas que la clientèle d'Eurynome est plutôt attendue ici » En équilibre précaire sur ses appuis, avachit et les cheveux rependus un peu partout, il observait l'équidé qui grignotait. C'est qu'il lui donnait faim l'animal... Est-ce qu'il n'avait pas quelque chose sous la main pour manger un peu lui-aussi ? Hm, bonne question encore une fois. Mais il avait la flemme de se relever sur le moment, alors tant pis, il lui faudrait patienter un peu. « Mais ça peut attendre, de toute façon on a un sacré succès à peine arrivés. Tout le monde s'arrache nos marchandises »

Léger sourire « Tu sais, si les affaires de mon père marchent bien, je vais rester ici jusqu'à la fin de ma scolarité, et peut-être même après. On pourra de nouveau se voir.... et tu pourrais me faire visiter les environs, non ? » Il tira sur la cigarette, expira une lourde fumée encore une fois puis posa la tête sur le dossier de sa chaise. « Ouai... l'Angleterre est un coin bizarre. Je n'ai pas encore l'habitude, et c'est pire à l'université. Ici, j'ai l'impression que les nôtres se planquent encore plus que chez moi... » Haussement d'épaules « Enfin bref, c'est pas intéressant »

Max ouvrit de grands yeux devant la barrette rose sortie tout droit de la poche d'Isha. Non. Sérieusement. Baladait-il toujours cet accessoire, au cas où soudainement le besoin se faisait sentir d'em-barbie-er quelqu'un ? Mais… Mais quel sadique ! Cette idée fit rire l'each aux éclats. Oh, non… Et l'idée d'Isha agressant un pauvre étranger dans la rue à coups de rose ! Il y avait là de quoi amuser Max pendant plusieurs années, et lui décrocher un sourire même les jours les plus sombres. Pour les jours plus sombres que les jours les plus sombres, ce serait le remède: envoyer Isha rendre les passants plus roses. Quel délicat supplice ! Quelle vision des plus agréables ce serait que ces arraches-rétines collés de force à des innocents !
De même, Max pouffa de rire en imaginant son noble et digne maître également vêtu de rose. C'était certain: se voyant avec ses cheveux décorés par Barbie, son maître serait resté de marbre avant de pousser un long, très long soupir, emprunt de lassitude. C'est que Max commençait à le connaître, son maître !

Puisqu'Isha ne voulait pas d'orteils, ça en faisait plus pour lui. Max commença à en sucer un, attendant tranquillement qu'Isha lui raconte l'histoire de sa vie depuis leur dernière rencontre, lui qui racontait si bien. Au lieu de cela… L'interrogatoire vit ses rôles inversés. "Euh…" "Que pour les douceurs" aurait été réducteur, même si c'était la seule action concrète que l'each avait prévue. Du reste, c'était surtout le sentiment de n'être plus cachée qui était recherché, la découverte et le divertissement. Mais c'était plus compliqué à dire. En tout cas, ça l'était pour Max, qui n'eut pas le temps de trouver ses mots. La clientèle d'Eurynome ? Qu'était-ce à dire ? Par Lucifer, Isha savait toujours aussi bien où mettre du suspens, et de quelle façon ! Mais que vendait-il donc, ce grand fou ? Des âmes ? À tous les coups, c'étaient des âmes. Dans leurs petits bocaux, prêtes à être utilisées…
Max joua du bout du doigt avec la fumée expirée par Isha. "Les environs ? Tu parles bien de Last-End ? Gourgandin, ne me dis pas que tu es à Last End et que je ne t'y ai pas encore vu !" Un bruit humide se fit entendre: Max venait d'arracher un bout d'orteil, désormais mastiqué avec application. "Attends, maintenant que je t'ai retrouvé, pas quechtion de te lâcher ! Mais bien chûr que je te ferais visiter ! Je commence à vraiment bien connaître l'endroit. Tiens, si tu veux voir des détenteurs du Secret, y a un Pub… "La Géhenne". Tu pourrais essayer d'y aller." Max s'installa un peu mieux, remua sa chaise pour venir poser également ses pieds sur la chaise qui accueillait ceux d'Isha. "Mais en ce moment, avec les histoires que fait le Réanimateur… Ceux qui tiennent au Secret se font tous petits. C'est mon cas. J'essaye de m'obliger à ne pas partir noyer quelques personnes, mais…" Un mouvement de menton, pour indiquer son sachet d'orteils. "Pas facile. Du coup je venais ici pour les petites douceurs, pour ne pas avoir à me cacher, pour admirer les dernières inventions des trolls…" Un haussement d'épaules, puis un sourire: "Avec toutes ces conn'ries, j'ai pas passé beaucoup de temps ici… Mais ça on s'en fout ! Dis-moi plutôt, petit cachottier: que vends-tu donc ? Y a pas eu un seul clampin en ce bas-monde pour me tenir au courant de tes affaires, j'te jure… Mais si tu veux davantage encore de clients, je peux peut-être te dégoter ça ! Allez, dis-moi tout: ce sont des âmes ? Des âmes toutes fraîchement arrachées à leurs propriétaires ? Tu les as prises à tes camarades d'études qui t'ennuyaient ?" À nouveau, l'each pouffait doucement. "Tu pourrais au moins me faire faire le tour du propriétaire, que j'admire ta réussite, nan ?"

Simple sourire pourtant amusé, un peu goguenard aux entournures, semblant se moquer. Hochement de tête et réponse affectée : « Si tu parles de la ville située en Cornouailles, centre du monde de l'Envers et siège du Cénacle alors oui... j'y suis » Croisant de nouveau les bras, il fit mine de réfléchir, puis hocha la tête en reprenant : « Oui... oui il me semble bien qu'on m'ait donné Last-End comme nom du patelin en question. Alors oui, j'y suis ! » Arrêt sur image, petit sourire, et regard malicieux. Et oui, il était à Last-End!Bon, lui, ça ne le transcendait pas vraiment, à bien y réfléchir. Il aurait tout aussi bien pu aller à Bangkok ou Singapour... La seule différence, s'était les affaires qu'il ferait ici pour le compte de son paternel. « Je ne suis pas là depuis longtemps, et j'ai été extrêmement occupé... tu n'imagines pas la logistique qui peut entourer un déménagement outre atlantique quand ton père te met carrément sa filiale dans la valise » Au sens presque propre du terme puisqu'il s'était pointé à l'aéroport avec des âmes en bocaux. Le pauvre type à la douane avait eu du mal avec sa collection de bocaux vides. Ça devait être du aux menaces terroristes... Il avait bien faillit lui expliquer qu'il ne risquait pas grand chose en l'état, mais s'était ravisé, au final. L'autre n'aurait pas comprit.

Pouffant légèrement de rire, il glissa : « Bien... personne ne veut me servir de guide, à l'heure qu'il est. Et j'espère bien, que tu ne me lâcheras pas. Tu sais c'est quand même en partie pour te revoir que j'ai accepté de m'enterrer en Angleterre ! » Non parce que sérieusement, centre du monde du Secret ou pas, cette ville... n'était pas la plus attractive du monde, pour un jeu homme à la tête farcie d'épopées. Et puis, avec la petitesse des lieux, les relations sociales avaient parfois quelque chose d'étouffant qu'il ne faisait qu'entrevoir à l'heure actuelle. « Hmm » L'histoire des actes d'Anthony Evans avaient conduit à une tension partout dans le monde, au delà des limites de Last-End. Pour autant, Isha ne se sentait que moyennement concerné. Son intérêt pour l'affaire était plus professionnelle que personnelle, à l'aune de son passé. Dans sa vie précédente, il avait été humain, un humain tout ce qu'il y avait de plus classique jusqu'à ce qu'il tombe sur les aînés et que son existence bascule dans la folie. Il avait été fou oui... mais il avait accepté. Alors peut-être qu'au final, il y avait moyen de concilier tout le monde si la magie venait à être dévoilée. Il ne le lui dit pas, cependant. Si cela arrivait par malheur aux oreilles du Cénacle, il aurait des soucis.

Grand sourire matois : « Des âmes oui. Mais elles n'appartiennent pas à mes camarades de classe, non. Aucun n'a une âme intéressante, à l'heure actuelle » Il se redressa, lentement, clope au bec « Une âme, c'est comme un bon vin. Il faut la choisir avec minutie et la travailler, la dorloter. Il faut qu'elle ait le temps de mûrir. Les âmes de jeunes adultes sans la moindre spécificité ne sont pas intéressantes. Celles que je vends là font partie d'une cuvée que mon père a commencé à travailler voilà trente ans. On en vend de plusieurs gammes, mais j'ai déjà plusieurs grands crûs millésimés qui pourraient trouver de sacrés acquéreurs... et à des prix juteux » Il se releva complètement de sa chaise et s'étira. « Vient, je vais te faire voir si tu veux » Et il se mit en tête de lui faire voir une partie du propriétaire. En commençant par la cave, évidemment. Ils descendirent par une porte dissimulée dans un sombre recoin de l'arrière boutique, le long d'un escalier de pierre. Là, en bas, il y avait des rangées de différents objets contenant des âmes. « Les plus bas de gammes sont autours de nous » fit-il en montrant des étagères scellées à barreaux, remplies de bouteilles et de bocaux de verres. « Et plus tu va au fond... plus elles sont puissantes et haut de gamme »

Ils arrivèrent tout au fond, dans une toute petite niche contenant des coffrets de bois gravés. Il en tapota un avec douceur, dans la chiche luminosité. « Tu vois ça ? Ça ce sont les meilleures. Et ça vaut des millions... » L’entièreté de la cave faisait plus de quarante mètres carrés, mais cette petite niche à elle seule vibrait d'une puissance dissimulée. Il referma rapidement le cloître restreint et revint dans la partie la moins délicate de la grande cave, attrapant l'une des bouteilles derrière les barreaux. « Tiens tu veux essayer ? »

Max eut un rire semblable à celui d'une hyène lorsqu'Isha affirma qu'aucun de ses camarades n'avait d'âme intéressante. Voilà qui était bien fait pour eux ! Ils n'avaient qu'à être à la hauteur d'Isha. De même, l'each pouffa légèrement lorsqu'il fut question de dorloter les âmes, songeant que c'était peut-être là la raison pour laquelle son humain favori le choyait tant. L'hypothèse ne demeura pas longtemps: son âme était celle d'un être des enfers, ce n'était sans doute pas ce que les clients ici pouvaient rechercher. Les grands crûs qu'Isha évoqua captèrent à nouveau l'attention de l'each. Vraiment ? Si sa définition du grand crû correspondait à celle de son Maître, ils allaient devoir parler affaires ! Ce fut sans hésitation que Max s'engagea à la suite de son ami, descendant prudemment l'escalier de pierre.
Un petit "oooh" admiratif suivit son entrée dans la cave. L'each déambula sans souci au milieu des divers contenants, se rapprochant de certains pour en tâter la matière, tester un peu le poids. Devant les coffrets, un temps d'arrêt fut marqué, pour laisser place à la fascination, à l'attrait que produisait cette puissance pourtant contenue. Comment Isha faisait-il pour ne pas succomber à la tentation, à les manipuler toute la journée ? Max rêvait déjà de pouvoir goûter au contenu de ces coffrets… Et en offrir un à son maître. Nul doute qu'il serait très, très content. Peut-être même qu'il en oublierait quelques bêtises de sa monture. En tout cas, Max voyait déjà le regard de son maître s'illuminer, son sourire s'agrandir, la fierté teinter sa voix, et…

"Des millions ?!" S'exclama une voix brusquement sortie de ses rêveries, s'étranglant à moitié avant de laisser échapper un rire. "Merde alors, moi qui voulait en faire un cadeau à mon maître… Je vais devoir vendre mon âme avant !" Par chance et par sagesse, Eurynome dosait avec minutie l'argent de poche octroyé à sa monture. Cette dernière ignorait d'ailleurs l'étendue du pouvoir d'achat de son cavalier. Pouvait-il dépenser des millions pour une âme sans compter ? Ou n'avait-il jamais accordé d'importance aux divers systèmes monétaires, récupérant par lui-même ce dont il avait besoin ? Il travaillait au sein du système capitaliste humain, sans doute devait-il avoir de l'argent, mais… Combien ? Max nota vaguement de questionner Sarah à ce sujet, ce pouvait être intéressant. Mais dans l'immédiat, la réponse n'importait que peu: pas question de réclamer davantage à Elie, encore moins pour ce qui devait être un cadeau. Ces notions-là, au moins, avaient été intégrées. "Remarque, je peux vendre ma soeur, aussi…" Une vague histoire d'un jour où, alors qu'ils se baladaient tous deux, Max avait cru reconnaître en une jument sa mère, ou sa soeur. Mais en s'approchant… Il s'était avéré que ladite créature n'était même pas each uisge. Max suivit à nouveau Isha, avec un pincement au coeur qui n'était, dans les faits, que frustration. Aussi quand l'humain lui proposa une bouteille, bizarrement, cela allait un peu mieux. "Oh bah avec plaisir !" Max s'en saisit. "Je t'en prendrai quand même une pour mon maître, je pense. Ca lui ferait une surprise. J'espère avoir assez… Tu penses pouvoir me fournir quoi avec ça ?" Sa main retira de sa poche les billets et pièces qu'il lui restait, pour les tendre à Isha.

Mais avant que ce dernier ait pu répondre, l'each avait ouvert la bouteille, pour absorber l'âme d'un trait. Une étrange saveur… "Oh bon sang, Isha ! Tu m'as donné un hippie ? J'me sens… Un peu high !" Légèreté, subtil flou dans ses perceptions. "Rassure-moi, tu n'espérais pas m'étourdir pour t'en prendre à ma si jolie crinière, hein ? Et pourquoi toujours la mienne ? Pourquoi pas la tienne d'abord !" Un instant, l'each s'essaya à diverses techniques pour récupérer la barrette de la poche d'Isha, et la lui mettre. Pas d'insistance néanmoins, dès que la défaite fut en vue, l'abandon, et une voix autrement plus sérieuse: "Mais… Pour en revenir à nos âmes ! Je n'ai que peu d'argent, mais… Peut-être pourrais-je t'acheter des âmes contre des services, non ? Allez ! Il y a bien quelque chose que je peux faire pour toi ?" Max affichait son plus beau sourire. Son sourire normalement usé pour séduire ses proies.

Apparemment, le prix le surprenait. Son pauvre équidé. Bon certes, les meilleures âmes coûtaient vraiment les yeux de la tête, et pour cause... une seule vente pouvait nourrir tout un village africain pendant plusieurs années. Ou envoyer un étudiant dans la meilleure université du monde s'il le voulait. Cela dit, il s'agissait des meilleures âmes, évidemment, les âmes de moins bonnes qualités ne valaient pas tant même si le prix en restait élevé. Mais ça, il ne fallait pas s'attendre à ce que ça change vu le boulot que c'était que de trouver les âmes, les arracher, les emprisonner et les faire mûrir. Et ils étaient l'un des seuls groupes à avoir le savoir faire nécessaire à la réalisation de ce genre d'articles de luxe. Isha renâcla de rire un bref instant à l'exclamation. « Je suis pas certain que ton âme soit suffisante tu sais, en toute sympathie » Il aimait beaucoup Max, mais il fallait le dire, son âme ne valait rien. D'ailleurs il n'était pas tout à fait certain que les démons avaient des âmes. Aux dernières nouvelles, c'était un trait humain et rien d'autre. Enfin bon, même si c'était le cas, on demandait des âmes humaines, pas Each.

« T'as une sœur ? Elle aime le rose ? » Quoi ? Chacun ses priorités ! Le rose, c'était important ! Mais bref, il ramena son petit poney vers l'entrée de la cave et lui présenta une bouteille. Il la lui laissa et regarda ce qu'il lui montrait des restes de son argent de poche. Ah oui quand même... Son regard alla de l'Each à l'argent, finit par bifurquer vers les bouteilles. Hm. Il la voulait pour son maître. Il pouvait rester pur marchand et ne lui donner que ce qui correspondait à la somme qu'on lui présentait : pas grand chose. Ou il pouvait aussi faire un geste commercial et lui donner une belle âme en espérant que son démon de patron apprécierait et en voudrait davantage. Rapidement, il fit en son esprit l'inventaire de ce qu'il avait en stock, mais fut tiré de ses réflexions par Max. revenant brièvement à lui, il pouffa de rire au commentaire. « Juste un peu ? Dommage, j'adorerais te voir danser le charleston sous ta forme de poney » Il ricanait, amusé, des soubresauts dans les épaules et les joues qui faisaient mal. « J'ai pas besoin de ça, pour m'en prendre à ta crinière ! J'ai juste à attendre que tu dormes, tu le sais déjà... »

Taquin, mais il joua avec une mèche de ses propres cheveux « Bah moi je m'en fiche, tu veux me faire des tresses ou des couettes ? Ou un palmier peut-être » Comment ça il serait atroce ? Mais non, ça serait très drôle ! Il se refusa à lui remettre la barrette pourtant. Nan si on voulait l'orner, c'était avec des poulpes avant tout. Vivants ou pas. Il tenait le petit objet hors de sa portée, un léger sourire aux lèvres, un éclaire de malice dans les prunelles. Et en voyant Max abandonner, vint lui caresser les cheveux pour le consoler, mimant un petit câlin. Ce n'était pas le premier qu'ils partageaient. Quand il était jeune, très jeune, il adorait câliner la bête démoniaque pleine de poils. La proposition le fit rire à nouveau et il se détacha en retournant vers le fond de la salle. « Oui, il y a des choses que tu peux faire pour moi. Mais bon, disons que pour cette fois, ce serait un échantillon, pour que ton maître puisse jauger de la qualité» Il prit sur une étagère scellée une petite fiole haute d'une quinzaine de centimètres, en verre irisé. Elle était jolie gravée, comme un fruit fantastique.

La ramenant, il la tendit à Max « Tient, regarde ça. C'est une âme de très bonne qualité sans atteindre les millions. Celle-ci, j'en demanderais en prix minimum dix mille » Il observait le flacon avec fierté « C'est une bonne cuvée. Elle appartenait à une jeune fille, au départ. L'une de mes propres créations, je la travaille depuis plusieurs années. Elle s'est améliorée à une vitesse étonnante » Au moins, les cuvées de son père ne seraient pas entamées.

Max s'était vite métamorphosé en sourire sur pattes lorsqu'Isha avait ri, avant de lui proposer l'échantilon. Son maître allait être si heureux ! Et son regard s'était peu à peu rempli de paillettes, ayant avait vu qu'Isha se dirigeait vers les âmes hors de prix. Oh, non, il n'y pensait pas ? Si…
Ses papattes sans sabots se saisirent de la fiole avec une révérence toute religieuse, après avoir coincé les sachets qui contenaient ses précédentes courses entre son bras et son corps. Plus qu'une âme, elle contenait la fierté et le bonheur d'Eurynome ! Et éventuellement, peut-être, la bonne marche des affaires d'Isha. Car dans le coeur de Max, c'était certain: Elie était SI important que le voir se fournir chez Isha ne pourrait que lui attirer une foule de clients avides d'âmes de qualité ! L'each dévora des yeux les gravures et les reflets du verre, les parcourut du bout des doigts, appréciant pour une fois que les sens de sa forme humaine puissent être aussi précis. Lorsque le prix parvint à ses oreilles…

"- DIX MILLE ?!"

Ses yeux avaient failli sortir de sa tête sous le coup de l'émotion. Dix mille… Pas besoin d'avoir fait les grandes écoles humaines de mathématiques pour savoir qu'ils étaient là très loin de ce que Max aurait pu proposer avec son argent de poche, ces pauvres billets et piécettes qui se battaient en duel dans sa poche. Son regard fit quelques allers-retours entre la fiole et Isha, comme pour vérifier qu'ils parlaient bien de la même fiole, pour le même effet.

"- …Wah. C'est énorme ! Avec ça, si mon maître ne prend pas une carte de fidélité chez toi, je ne sais pas ce qu'il faudra faire !" Caressant la fiole, l'admirant sous toutes ses coutures, Max ajouta: "Par contre il faudra que tu me trouves une baignoire, ou quelque chose pour que je puisse retourner directement chez mon maître. Si je me balade dehors avec un tel trésor, je vais me faire agresser par tout ce qui passe ! Et ça compromettrait un peu nos plans…" Déjà que pour quelques orteils les autres étaient prêts à lui bondir dessus, visiblement…
Pas question de partir tout de suite, cependant. Cela, l'each l'indiqua à sa façon, cherchant un pan de mur où s'adosser confortablement. "Mais dis donc, tu ne voudrais pas m'en dire plus sur cette jeune fille ? Je connais mal le travail des âmes, mais… Je suis sûr qu'il s'agit du genre de détails dont mon maître raffole." Un sourire, à nouveau. Plus carnassier cette fois. Peut-être parce qu'une partie de lui devinait la vérité derrière les mots d'Isha et se réjouissait à l'avance de ce qui allait être entendu. Isha racontait si bien ces histoires-là, il saurait rendre plus croustillants encore les détails qui l'étaient déjà ! "Comment as-tu travaillé cette âme, poulpichou ?"

Et oui, dix milles. Il pouffa de rire, amusé par la réaction de l'équidé. En apparence, il était un jeune homme comme tous les autres, et sa famille était une famille américaine relativement classique... mais ils brassaient des millions et des milliards avec leur affaire. Evidemment, si quiconque commençait à mettre le nez dans leur commerce, ils risquaient des problèmes, mais pourquoi viendrait-on fouiner par chez-eux ? Et même si on le faisait, ils avaient bien des amis pour les protéger. Avec ce geste, il comptait bien s'en assurer un nouveau. Dix milles, oui... le chiffre ne le faisait même plus frémir. Il avait l'habitude. Mais pour Max, ça pouvait sembler exorbitant, et ça devait l'être en un sens. Pourtant, il était certain que le maître de son ami quadrupède avait des réserves de liquidités bien fournies, et il voulait les faire travailler. C'était le business après tout ! « Et bien tu sais, c'est ce que j'espère ! J'ai bien besoin d'un gros client régulier! ça soutiendrait le fond de commerce » Il fallait mettre les petits plats dans les grands le plus vite possible pour asseoir leur monopole avant que quelqu'un n'essaye de le leur piquer.

Il eut un léger sourire à le voir ainsi admirer ce qu'il lui offrait. « Ne t'en fait pas, je devrais pouvoir te trouver ça. Et si je ne le fais pas, je te ferais escorter par mes hommes de main. Qu'on ne dise pas que je ne prend pas soin de mes clients » Et cela aiderait à les positionner par rapport au reste du marché. Il était hors de question que l'on se permette d'attaquer ceux qui sortaient de chez lui, ou il n'aurait jamais de clients, quelle que soit la qualité de la marchandise qu'il vendait. Ils devaient comprendre qu'il n'allait pas laisser cela arriver. « Mais tu ne comptes pas m'abandonner pour le moment, si ? Ce serait bien rapide, après ton entrée fracassante dans mon magasin ! » Non, effectivement, Max ne semblait pas s'apprêter à repartir. C'était très bien ainsi. Il appréciait sa présence. Il l'avait toujours apprécié. Souriant face à la demande, il s'installa sur un grand tonneau, s'adossant également au mur et croisa les jambes pour s'installer aussi confortablement qu'il le pouvait. « Je devrais avant ça te parler de comment je l'ai acquise, non ? »

De toute façon il le ferait : « C'est une histoire relativement simple, en vérité. La petite a rencontré un démon des croisements, après la mort de ses parents. Elle a souhaité qu'ils reviennent mais n'a obtenu du démon qu'une vie sur deux et a choisit sa mère.... condamnant son père, par la même occasion, à une éternité de souffrance en enfer. Mais ça, elle ne l'a pas comprit avant le moment où elle mourut, déchiquetée par l'âme devenue sauvage de son géniteur » Il attrapa une esquille de bois et se mit à jouer avec pour s'occuper les mains. Il poursuivit : « J'ai obtenu l'âme en question en plumant le démon dans un jeu de casino. Il n'était pas content, évidemment, mais j'avais fait en sorte de lui graver sa promesse de fair play dans le corps, histoire qu'il ne vienne pas me jouer de tour » Son sourire s'élargit « Tu aurais vu la tête de cet imbécile, quand il s'est rendu compte que j'avais usé d'une statuette de jugement... on aurait dit qu'il venait d'avaler un cactus ! » Il secoua légèrement la tête, hilare à ce souvenir.

« Après ça, j'ai passé plusieurs années à gagner la confiance de l'âme. Je suis devenu son ami, et je me suis mis à cultiver son espoir de s'échapper... Elle y croit encore. Je passe beaucoup de temps à parler avec ces âmes » Pendant un long moment, il décrivit les années de travail psychologique sur l'âme enfantine. Donnant quelques détails qui, il en était certain, plairaient à l'équidé. Il y avait tant à dire de la candeur enfantine, encore à peine effleurée... elle n'attendait plus qu'une chose : que son sauveur vienne la libérer. Quelle serait donc son horreur lorsqu'au crépuscule de son existence, elle comprendrait qu'on ne venait pas l'aider mais la dévorer...

Quelque part, Max n'avait jamais grandi. Écoutant Isha, un grand sourire vint se dessiner sur ses lèvres. La voix de son ami était rassurante, à sa façon, et ce sans que l'each en soit conscient. L'humain savait dessiner des scènes dans les esprits. Max vit la petite humaine à la chair encore tendre et à l'âme encore pure, face au démon. Il la vit, sans que ce soit évoquer, rechigner à choisir, tant cela lui déchirait le coeur. Une image ravissante, et si amusante ! Mais moins que celle de sa mort, par son père. Là, Max ne put réfréner un gloussement, particulièrement satisfait d'une telle tournure, tout émoustillé de l'image qui s'était créée. Le rire qui suivit était lié au démon qu'Isha avait plumé, et à sa métaphore à base de cactus. Cette fois-ci, l'amusement de Max était teinté d'admiration. Il était trop fort, son Isha !
Il était trop fort, et il connaissait trop bien Max. Les détails qu'il lui offrait étaient, effectivement, un délice pour la créature païenne. Chaque élément qui s'ajoutait rendait l'histoire plus savoureuse, car l'accumulation, lorsque l'on commençait à se dire qu'elle avait touché le fond, n'était que meilleure. C'en était au point où Max frétillait de plaisir, observant de temps à autre la petite fiole avec une expression entre l'amour transi et le prédateur alléché. Si cela n'avait pas été pour son maître, si cela avait été pour… Un Earl, par exemple, ou pour un autre démon… Peut-être que sa volonté n'aurait pas suffit, et que la fiole aurait été absorbée par la monture plutôt que par le destinataire. Eurynome ignorait à quel point son each lui était dévoué, sans doute.

"- Je comprends mieux pourquoi tu en demandes au moins dix mille. Ca va être difficile pour moi de ne pas y toucher, tu sais ?" L'each pouffa de rire, caressa les reliefs du verre. "Mais je le ferai. Eurynome en vaut la peine." Un bond, et Max se rapprocha d'Isha, juste devant lui. "Par contre, parlons sérieusement: tu fais le plus beau métier du monde !" L'énergie coulait dans ses veines bien trop vite, trop fort. C'était là l'effet produit par une histoire aussi émoustillante. Ne tenant plus en place, la monture d'Eurynome chercha à son tour un tonneau, pour finalement en trouver un, sur lequel elle se percha, croyant imiter là ces êtres bizarres qu'étaient les primates, quand sa position faisait plus penser à un oiseau, accroupi, les deux pieds à plat sur le couvercle, sans doute dans un équilibre qui ne tenait que parce que son poids n'allait pas vers l'avant dudit tonneau. "Il y a quoi là-dedans…? Ah, oui ! Le plus beau métier du monde, donc. Tu sais que je raconte à ceux qui me demandent que je suis étudiant pour travailler auprès des chevaux ? J'ai pas trouvé mieux comme identité d'emprunt pour le moment. Sans savoir lire, c'est un peu… Compliqué." Ses mains tapotaient le tonneau façon instrument à percussion, sur un rythme entendu lors d'une précédente journée, dans un magasin du monde des humains. "Mais je ne fais rien de mes journées, en vrai. Peut-être que je pourrais t'aider, de temps en temps, non ? Allez… Tu as bien besoin d'un vendeur ! Ou d'un livreur ! Comme ça tu fais livraison par baignoire assistée, ou par rivière, selon les créatures…! Un grand sourire, tout enjoué, et des yeux qui papillonnaient pour convaincre son humain favori.

Ah mais non ! Ça n'allait pas s'il sifflait l'âme à la place d'Eurynome ! Et puis en plus il devrait gérer un poney ivre mort... quoi que... dans ce cas, Max serait une proie sans doute parfaitement docile pour servir de tête à coiffée. Ça valait presque le coup de voir l'âme sacrifiée. Mais au pire, il pouvait obtenir le même effet en le bourrant d'âmes inférieures. « Oui, je sais » répondit-il nonchalamment, continuant de monter tout un plan pour réussir à l'avoir à sa merci. Qu'est-ce qu'il lui ferait ? Hm... Il lui teindrait les crins, pour commencer. En rose, avec des poix de couleurs et des petits papillons. Et avec des pochoirs de Grinch. Ensuite, il lui ferait de petites tresses, des couettes, et il lui raserait une partie des poils pour faire un peu plus punk. Ou alors il raserait avec des formes. Ça pourrait être amusant aussi. Et puis pour finir, il mettrait des petites perles et de la dentelles. Il lui vernirait les sabots, lui mettrait du rose à lèvres... et il n'arrivait pas à s'empêchait de ricaner légèrement. Impossible, c'était plus fort que lui, il voulait voir la réaction du poney en se réveillant de sa petite cuvette.

« Pourquoi pas oui... je pourrais t'embaucher, il y a toujours des choses à faire, dans un magasin pareil » Et il venait de trouver une idée parfaite « Si tu travailles bien, je te payerais. Et si tu travailles vraiment très bien je te ferais un petit avantage en nature.... disons, avec assez d'heures et de retour sur investissement... une belle âme ? » Et hop ! C'était dans la poche. Il doutait de voir l'équidé refuser. Mais pour rendre cela plus innocent, et parce qu'il n'avais pas en tête le seul tunning d'Each, mais aussi de lui faire un peu plaisir parce qu'il était son ami. « Je pourrais t'apprendre à lire aussi, tu sais ? Ce n'est foncièrement pas difficile en fait. Et ça pourrait te servir dans plein de situations. Ça te plairait ? » Installé sur son tonneau, il observait l'équidé en essayant de redevenir un peu plus sérieux. « Et puis comme ça tu pourrais aussi lire ce que j'écris. Tu n'aimerais pas ? » Certes, lire ne lui posait pas de problèmes, il aimait le faire, mais il aimait tout autant être lu... pas par tout le monde, mais il aimait.

« Tu pourrais même écrire, toi aussi »

Il hocha la tête, acquiesçant. Oui comme lui. Ce n'était pas comme s'il avait quoi que ce soit de vraiment spécial à écrire des histoires, n'importe qui pouvait le faire, du moment que l'on prenait le temps de le faire correctement, de se donner réellement pour ce passe-temps. Dès l'instant où quelqu'un avait quelque chose à dire et faisait l'effort de le coucher à l'écrit, en des mots, de lui donner un ton et une dimension, alors il était à reconnaître. Il était bien simple de critiquer aveuglément les écrits, de les lires sans saisir véritablement l'essence que l'on y avait porté. Pourtant la plus grande critique avait moins de valeur que le travail fournis pour le plus médiocre des écrits. Alors oui, pourquoi ne pourrait-il pas tracer ses propres histoires, lui-aussi ? Il était mignon, à réagir comme ça, avec ses paillettes dans les yeux. Ce n'était pourtant pas tant que cela... enfin, il voulait bien comprendre que pour son ami poney, ce fut différent, évidemment. Il le serra un bref instant contre lui, en le voyant l'accoler. Souriant, il l'observa sans inimitée. « D'accord, avec plaisir alors ! » Voir la demeure d'Eurynome serait sans nul doute une superbe occasion de poser des marques. Et d'en savoir un peu plus. Sur beaucoup de choses. Mais ça il ne le dirait pas vraiment. Pas qu'il n'avait pas confiance, mais ça ne regardait personne d'autre que lui.

« Pourquoi ne pas m'aider à travailler ? C'est que j'ai beaucoup à faire tu sais, une pair de mains en plus ne ferait pas de mal dans la boutique » Notamment pour les livraisons. Comme Max l'avait très justement affirmé, son statut d'Each allait lui être très utile. Il n'était pas du tout de ceux qui crachait sur quelque chose d'utile quand il l'avait sous la main, encore moins quand cela lui simplifiait tant la vie. Il lui fit signe de le suivre et le raccompagna en haut avant de fermer la porte de la cave derrière eux. Hors de question que quelqu'un vienne forcer sa précieuse réserve. Ils repassèrent ensuite dans la boutique elle-même et il dirigea le poney pour lui montrer ce qu'il y avait à faire pendant que lui-même retournait s'occuper des clients qui l'attendait et qu'il ne pouvait pas confier à quelqu'un d'autre sous peine de le regretter.