Vous n'avez rien vu

L'each n'avait rien vu venir. Du tout. Son âme était pure, les préjugés et a priori, quels qu'ils soient, passaient loin d'elle, ne l'effleuraient jamais. C'eut été prendre le risque de gâcher une découverte, aventure, expérience.
Tôt dans sa jeune vie, ceux qui l'avaient préparé à ce monde lui avaient appris à distinguer les âges des humains, les comparer au sien, pour savoir comment se positionner par rapport à eux, comment les aborder. Les humains les plus jeunes se distinguaient facilement, avec leur petite taille. Les plus âgés avaient un visage tout plissé, comme certains chiens. Le vrai défi se situait lorsqu'entre la fin de l'âge juvénile et le début de la maturité l'âge se distinguait mal, la place dans la société également.
En plus de cela, Max peinait véritablement à reconnaître les positions hiérarchiques. Par défaut, Eurynome était supérieur, et les autres étaient au même niveau que sa monture. N'était-ce pas dans l'ordre des choses ? Aussi quand ses pas avaient croisé ceux de ces humains, sans doute de son âge, qui écoutaient de la musique en plaisantant, ils n'avaient pas hésité une seule seconde à se porter plus encore auprès d'eux. C'avait été une bonne chose ! C'étaient là des camarades très amicaux et accueillants ! Bon, ils avaient une drôle d'allure avec ces couvres-chefs, avec les habits un peu larges, leur parler étrange, mais Max faisait encore trop de découvertes chaque jour pour se permettre d'établir une notion de normalité et s'y référer. De tout le groupe, sa silhouette devait paraitre pour plus étrange encore. Ce fut sa déduction devant certains regards appuyés en sa direction lorsque son sourire étirait ses lèvres, lorsque la musique agitait ses hanches. Ces regards eurent tôt fait de l'inquiéter. Le secret devait rester secret, et en son esprit naissait l'idée gênante que sa nature puisse être découverte. Alors son sourire se faisait plus discret, ses mouvements plus contenus. Qui que soient ces humains, ils avaient visiblement des codes qu'il fallait connaître avant de les aborder.

Le souci du secret poussa Max à se séparer d'eux. À sa surprise, l'un de ces humains suivit ses pas. Soit. Il fallut que l'humain tente de coincer l'each contre un mur pour que ce dernier prenne peur, et la fuite.
Les rues ici se faisaient fréquentées. Courir, c'était se faire remarquer. Secret, secret... Un coup d'oeil rapide en arrière. L'humain était toujours là. Il fallait le semer. Sans réfléchir davantage, Max se jeta dans le bâtiment le plus proche, qui semblait être... Un magasin. Les magasins se reconnaissaient à leurs portes, ouvertes. Sitôt que ses deux pieds se furent posés à l'intérieur, l'each comprit que ce magasin-là était du type spécial des magasins où les humains mangeaient. Les tables, l'espace, le lui indiquaient. Oh, l'erreur était toujours possible, mais cette hypothèse-là était à son goût la plus probable.
Pas le temps de palabrer ! Se cacher ! Son regard parcourut rapidement les lieux. L'instant suivant, sa silhouette traversait à folle allure la salle et se glissait avec une grande agilité sous une table, de l'autre côté des jambes d'une demoiselle. Si son plan était bien calculé, le tissu tombant dont elle était vêtue parviendrait à le cacher à son opposant si ce dernier venait d'aventure à le suivre jusqu'ici, et l'y chercher.

C'est ainsi, donc, qu'Ayzebel eut à ses pieds la silhouette androgyne de l'Each Uisge sous sa forme humaine. Une veste sombre, un haut à col en V, un pantalon relativement près de son corps, de longs cheveux bousculés par sa course, et un fin sourire sur les lèvres. Voilà l'apparence de cette bestiole, recroquevillée. Un doigt porté à ses lèvres, un murmure pour la sorcière:

"-Cachez-moi. On me poursuit. Soyez ma protectrice."

Voilà des pas, qui s'approchaient. L'Each en perçut le bruit avant la vision, et se recroquevilla davantage. Ils s'approchaient, non ? Peu importait l'identité, il fallait se cacher. Ah, ce corps-là, même plus petit, malingre et léger que son corps d'origine, restait trop grand pour lui permettre vraiment de disparaitre derrière les jambes de l'humaine !

C'est fou jusqu'où les gens pouvaient aller pour l'argent.
Mais pour Ayzebel ce n'était pas tant l'avarice, c'était une nécessité pour elle qui était à deux doigts de tout perdre. Assise sur un diva dans un coin de la Géhenne, la sorcière fixait le vide alors qu'à son bras tendu un vampire était accroché, les crocs plongés dans sa chair. Rien de bien folichon et la moue tendu et pâle de la femme laissait transparaître son absence totale de plaisir à se faire ainsi pomper... Seul passait dans sa tête les billets qui lui seront donné après le repas de luxe que s'offrait le parasite. Lentement, sa main glissa sur la cuisse de la sorcière, remontant doucement avant qu'elle n'intercepte son geste et lui souffle d'un voix glaciale.

« Tu connais la limite à ne pas franchir. Notre contrat est clair à ce sujet, alors retire ta main avant que je ne te l'arracher pour te la planter dans le cœur. »

Le vampire leva le visage, sa bouche ensanglanté esquissant un sourire joueur et sournois. Foutu sangsue... Rien ne semblait les atteindre. L'homme se leva doucement, lui donnant son argent et s'éloigna alors qu'Ayzebel replia son bras et se leva doucement. Un vertige la prit, il faut dire aussi avec ce qu'elle venait de faire sucer.... Marchant lentement et d'un pas mal assuré jusqu'à une table, elle s'y assit en se laissant choir dessus puis plaqua une serviette en papier sur la morsure. Pivotant le visage, elle observa Seth derrière son comptoir. Enfin Seth... C'est ce qu'il était pour les humains et une partie des créatures du monde de l'envers, mais elle... Elle savait que derrière ses grands yeux bleu et ce sourire mesquin se cachait une puissance déchue : Samaël. Fut un temps où ce nom biblique l'aurait fait trembler, mais le voir ainsi derrière son masque humain à servir des cocktails avait un côté nettement moins effrayant.

« Samy... ? Une boisson sucrée s'il te plaît. »

Lui souffla t-elle avec un haussement d'épaule. Inutile de lui préciser quoi, il la connaissait assez maintenant pour savoir qu'un simple cocktail de fruits sans une goutte d'alcool était ce qu'il lui fallait après cette petite cure sanguine. Ayzebel s'était faite à la présent du déchue, tout deux étaient ce qui était l'image d'une très vague amitié basé sur une relation de cynisme et de mesquinerie, de coup bas et de défis foireux à la Géhenne. La sorcière ne lui faisait pas confiance mais Samaël avait cet art de lui changer les esprits à chacune de ses visites lorsqu'elle ne se supportait plus les crocs des vampires.... Comme à cet instant. Détournant le visage, la libraire sursauta en voyant un jeune homme approcher vivement et plonger sous la table, profitant de la longue nappe sombre qui la couvrait jusqu'au sol. Sérieusement ? C'était qui se rigolo encore ? Crispée à l'extrême, la jeune femme se pencha et souleva un pan de la nappe pour fixer l'inconnu qui lui sourit, la suppliant de l'aider en le cachant. Arquant un sourcil, Ayzebel garda le silence et se redressa doucement, relâchant le tissus et s'enfonça confortablement dans son siège avant de croisé les jambes de façon naturel. Il avait des soucis ce petit... La Géhenne était un bon endroit pour se cacher... Ou pas. Ce fut à ce moment que des fripouilles entrèrent dans le bar, semblant chercher quelqu'un du regard. Des petits jeunes mal fagoté, ce que l'on nommait grossièrement des racailles. Celui qui semblait être à la tête de ce petit groupe s'approcha de la table de la femme seule qui déjà, braquait sur lui son regard clair, maquillé de noir. Il fut rapidement rejoins par ses camarades qui observait l'endroit et les clients qui observaient la scène calmement.

« Hey la gazelle ! Dis, t'as pas vu une tantouse passé là ? Genre c'te taille là, des ch'veux longs et qui ressemble à une gonzesse avec des nichons en moins ? »

Perplexe face à un tel langage, Ayzebel arqua un sourcil en soutenant le regard du jeune homme qui renifla bruyamment en plaçant sa main un peu en dessous de sa joue pour désgner une taille approximative. Secouant la tête doucement, la sorcière posa la serviette sur la table et tira sa manche pour cacher rapidement la trace de morsure. Le secret devait être préserver à tout prix et ces trois humains ici n'était vraiment pas bon signe. C'était comme si tout le monde avait cesser de respirer dans le bar, observant, attendant.

« Zyva tu te fout de ma gueule putain ! C'est quoi ton problème la gothique à me regarder comme ça ? Baisse les yeux quand j'te parle ! »
« Je doute monsieur, que votre attitude puisse donner naissance à un quelconque respect à votre égard. Mais peut-être désirez vous faire une démonstration de votre... force, à l'extérieur ? »

Ce fut au tour du garçon mal élever de se retrouver perplexe. Cette femme n'avait pas peur de lui et il était prêt à lui montré qu'il valait mieux pour elle de faire preuve de soumission. Il rit en cœur avec ses trois amis et lâcha.

« Popopoooo ! Dis donc meuf, tu... tu veux te battre ? Sérieux ? Mais t'es au courant que je vais grave te défoncer ? »

Ayzebel décroisa les jambes et se leva doucement.Seigneur, elle n'avait vraiment l'intention de se battre évidemment, du moins... pas indirectement. Elle pivota le visage vers le barman et souffla gentiment.

« Samy... ? Tu peux garer un œil sur mes affaires le temps que je conduise ces messieurs à sortie ? Tu es un ange, merci. »

Lâcha t-elle sur le ton de l'humour à peine voilé. Contournant la table, elle marcha simplement, subissant les regards des vampires, sorciers et autres créatures présente. Déjà des sourires apparaissaient, des rires se faisaient entendre. Que d'amusement.... Ouvrant grand les portes du bar, Ayzebel s'éloigna de quelques pas, observant la rue déserte et la pénombre de la nuit qui ferait une merveilleuse couverture pour les yeux et oreilles indésirable. L'homme ajusta sa casquette sur son crâne, agitant ensuite les mains en guise d'échauffement puis la sorcière pivota doucement vers lui.

« Allez meuf, vas-y, je te laisse mettre le premier coup si tu veux, regarde, je me défends même pas ! »

Lâcha t-il, railleur en écartant les bras. La sorcière s'approcha, ses lèvres d'un rouge foncé s’étirèrent en un sourire qui sonnait faux. Face à lui, elle serra le poing et frappa. Du moins c'est l'impression qu'elle donna. Le geste du rapide, vif et s'il avait touché sa cible aurait sans doute fait mal... Mais en réalité le poing ne toucha jamais la joue de l'homme.... Seul la magie le fit. La télékinésie le frappa de pleins fouet et l'homme s'écroula au sol, inconscient. Ayzebel lâcha un rire bref avant de fixer les deux amis et mimant le geste de leur chef de bande lâcha d'un ton de la rue.

« Alors quoi ? Wesh gros, vous avez plus envie de vous battre ? »

Satisfaite de voir leur expression totalement choqué et effrayée, la sorcière désigna rapidement l'inconscient et souffla.

« Allez, prenez votre ami et partez d'ici avant que je n'appelle la police. »

Les deux garçon se baissèrent, aidant leur copain à se remettre debout puis filèrent à travers la ruelle en le soutenant. Ayzebel soupira, secouant la tête puis passa à nouveau les portes qui se fermèrent par magie sur son passage et s'approchant de la table, elle s'accroupit et souleva la nappe sombre avant de tendre une main à la créature.

« Viens, tu ne crains plus rien à présent.... »

Confortablement juché sur un coin de son comptoir, comme il en avait l’habitude, le déchu explorait la salle de son regard désinvolte, laissant ses mains aux articulations fines servir les verres sans que ses prunelles n’aient besoin d’accompagner les gestes.

Il avait sans mal repéré l’inconnu qui s’était engouffré dans le bar comme s’il avait le diable aux trousses, mais seule l’apparition du petit tas d’humains qui avait suivi la créature lui avait arraché un sourire sincère.

Lorsqu’il les vit se diriger vers la table occupée par Ay’, le sourire de Seth se mua en ricanement tandis que ses prunelles rivées sur la scène luisaient de la satisfaction caractéristique de celui qui sait qu’il va passer un bon moment.

La sorcière n’était pas sans ressource, et il avait hâte de voir à l’œuvre son répondant légendaire, qu’il provoquait avec plaisir chaque fois que l’occasion se présentait.

Ow, priceless, murmura-t-il pour lui-même lorsque l’agression de la bande se concrétisa.

Il riait toujours lorsque la requête de la sorcière lui parvint, abimant son sourire et le changeant en rictus.

Sa condition d’ange lui déplaisait presque autant que le fait de voir ses pouvoirs se faire la malle.

Il répondit toutefois par un hochement de tête complice et s’approcha nonchalamment de la table, sous laquelle se réfugiait toujours l’origine de cette distraction bienvenue.

Sans savoir de qui il s’agissait, le déchu avait bien l’intention de le remercier pour l’arrivée des mortels, dont la bêtise crasse n’avait de cesse de lui rappeler que la vie sur terre n’était somme toute pas si misérable.

Il attendit le retour d’Ayzbel, et lui tendit gracieusement le lait fraise qu’il lui avait préparé, tout en indiquant le dessous de la table d’un mouvement de menton moqueur ainsi que la créature qui s’y trouvait

« Jolie démonstration de tes muscles bien entraîné, Ay’. Eh bien, tu ne me présentes pas ? »

L'Each resta à sa place, dans une position recroquevillée et un silence soigné au point d'en couper sa respiration, ou la réduire à quelques microsouffles insuffisants. De l'inquiétude ? Pas tant que cela. Le visag de l'humaine attachée de force à sa protection lui avait inspiré confiance et, de son point de vue, le résultat de sa petite entreprise ne faisait aucun doute. Les humains allaient passer leur chemin, puis l'oublier. Pas touche au Secret.
Tendant l'oreille, ayant ouï et reconnu la voix de l'un des humains, Max haussa un sourcil de surprise. Tantouse, tantouse… Un mot paré d'une impression de déjà-vu, mais sans que la signification lui revienne. La description que l'on fit de sa noble personne avait de quoi vexer: sérieusement, la taille et les cheveux ? quid de son adorable visage visage, son teint parfait, ses yeux d'ambre, son nez savamment arrondi au bout, sa voix unique ? Il allait falloir apprendre à soigner les descriptions à ceux-là ! Et cette histoire de nichons… Max baissa les yeux sur son propre corps. Un atout qui l'aidait aussi bien à séduire humains qu'humaines, et de tous bords. Un précieux don de ses parents que cette androgynie. Pourquoi alors en parler d'un ton aussi méprisant ?
Comme prévu, l'humaine tint bon, malgré la voix forte de son vis-à-vis, malgré leurs différences de gabarit. Un bon caractère, quelle bonne pioche ! Elle s'avança même jusqu'à proposer ses poings. Une inconnue, prête à le défendre ! Max ne put s'empêcher de sourire sous l'effet de la flatterie et de l'espoir. Cela voulait dire un potentiel repas ! Oui mais non. Elle le sauvait, tout de même, ce n'était pas très respectueux de manger les gens bons. Rah ! Dilemme ! Mais il fallait bien se sustenter ! À voir, mais plus tard. Car là où ses hypothèses avaient établi que l'humaine jouait simplement de bluff pour mettre un terme à la motivation de ses agresseurs se trouvait une véritable volonté. Les pas d'éloignèrent. L'Each songea à sortir de sa cachette pour observer la suite des événements, curieux. Mais… Trop risqué. Ici était son abri.

Il fallait le reconnaitre: ce dessous de table était très confortable ! Chouette décoration, en tout cas. La nappe, le pied de table sculpté, le sol… Pas désagréable à l'oeil. Bon, pas de ciel au-dessus de sa tête, et pas d'eau, l'Each n'aurait sans doute apprécié cet endroit que l'espace d'un bref instant. Les sons lui parvinrent, étouffés, de l'extérieur. Les hypothèses se créèrent dans son petit crâne, mais peu assurées cette fois. Quand à nouveau les pas bien reconnaissable de sa protectrice lui revinrent, Max ne sortit pourtant pas de son antre, occupé à caresser du bout du doigt le pied de la table, sculpté. Son sens du touché était terriblement plus fin sous cette forme, et cela avait un rendu des plus drolatiques sur certains objets. Ses doigts pouvaient apprécier les plus fins reliefs, leurs textures…
Lorsque le tissu remua, lorsque la main lui apparut, son premier réflexe fut de se tendre comme ayant voulu approcher son museau soyeux de la main pour la renifler. Eh, quoi ! C'était normal ! Aux enfers, c'était un code entre son dresseur et lui pour saluer ! Un regard inquisiteur se posa sur l'étrange dame. Se pouvait-il qu'elle sache ? Si elle savait, et qu'elle l'avait défendu… Cela voulait dire qu'elle en était aussi. Nan, c'était une hypothèse saugrenue.

L'each sortit plus ou moins laborieusement de son antre, apprécia le soudain espace autour de lui sans que cela soit conscient. Son regard parcourut les environs, découvrit ce qui n'avait pu être observé plus tôt. Les clients, la décoration… Et, auprès d'eux, un humain bien serviable puisqu'il apportait à Ayzebel ce qui devait être un paiement pour la protection de Max. Bah, c'était logique, non ? En tout cas cela parut très logique pour la créature du coin, qui admit immédiatement cela pour vrai. À sa remarque, un grand sourire éclaira le visage de la "tantouse", désormais assise, les coudes bien posés sur la table.

"- Est-ce que c'est vous, Samy ?" Un ton tout enjoué, qui s'adressa ensuite à l'humaine. "Et vous… Ay, c'est ça ? Ce n'est pas courant comme nom, non ? En tout cas, merci beaucoup, je vous suis plus reconnaissant que ce que vous pouvez imaginer ! Je n'imaginais pas que vous iriez jusqu'à vous battre pour moi, c'est très dévoué de votre part !" Presque frétillant de bonheur, ajoutant: "Permettez que je vous offre à tous les deux quelque chose à boire ?"

Prenant place sur sa chaise de plus belle, la sorcière soupira doucement. Se faire pomper par un vampire et faire usage de magie juste derrière.... C'était un mauvais mélange. C'était comme si une voiture lui avait roulé dessus à pleine vitesse. Fatiguée, la sorcière fut prise d'un vertige mais son sauveur vint à son aide lorsqu'il déposa un verre de lait-fraise très frais devant elle. Loué soit ce déchus et c'est avec un regard pleins de gratitude qu'elle le fixa, glissant la paille entre ses lèvres. Samaël avait beaucoup de défaut mais parmi ses quelques qualité, on lui trouver celle de savoir prendre soin de sa clientèle et surtout de savoir faire les meilleur lait-fraise du monde. Et pour quelqu'un comme la Tenak qui n'avait pas eu d'enfance, cette boisson était comme un vin de messe, autant dire que chaque gorgée était bienfaitrice, apaisant à la fois son estomac et son esprit.

« Merci Samy.... Comme toujours, rien ne vaut ton lait-fraise pour me redonner le moral. »

Un discret sourire fut offert au déchus puis la femme posa son regard sur son protégé qui lui semblait particulièrement enjoué. Pour quelqu'un qui avait manqué de se faire passer à tabac, il semblait joyeux, heureux de tout. Quel étrange petit bonhomme que voilà.... Glissant à nouveau sa paille entre ses lèvres, la sorcière le dévisagea longuement avant de lâcher un rire bref et amusé. C'était mignon cette façon qu'il avait de vouloir les remercié, quand à Samaël, comme toujours il avait le mot pour rire.

« Mais j'ai beaucoup de force Samy, n'en doute pas un instant. »

Rétorqua la jeune femme sur le ton de l'humour. Évidemment qu'elle n'avait pas assez de force pour mettre inconscient un homme en un seul coup, tout était placé dans cette illusion. La télékinésie, bien utilisé, faisait des merveilles. Tirant la troisième siège, la sorcière indiqua au déchus de prendre place. Après tout pourquoi pas ? Ayzebel avait vraiment besoin de se détendre ce soir, quoi de mieux qu'une nouvelle rencontre et du temps avec …. un ami. Posant son regard sur le jeune femme, Ayzebel sourit et lui souffla.

« Mon nom est Ayzebel... Ayz' n'est qu'un surnom.... Et j'accepte ton verre volontiers, mais en ayant déjà un entre les mains, je te propose donc de m'offrir ce lait-fraise, qu'en penses-tu ? »

Ce jeune homme lui rappelait un enfant. C'était absolument adorable... et même elle, avec son cœur de glace, ne pouvait qu'apprécier une telle présence.

« Samy, chéri ? Dis, tu veux bien servir la même chose à ce jeune homme ? Je suis sûr que ton lait-fraise va grandement lui plaire. »

Portant à nouveau son regard sur l'inconnu, la sorcière esquissa un très vague sourire en coin et plongea ses yeux d'un vert très clair dans les siens et souffla.

« Et toi alors, quel est ton nom ? Et d'où viens-tu... ? »

Samy. Le déchu pinça les lèvres sous l’appellation qui l’agaçait profondément tout en notant mentalement d’en parler à Ay’.

Il ne fit aucune remarque toutefois, soignant pour le moment son air affable et le sourire narquois qu’il adressa à la sorcière pour toute réponse. Sans plus s’occuper d’eux, il retourna vers le comptoir afin de servir une seconde dose de boisson lactée, qu’il ramena et posa délicatement sur la table, devant l’inconnu.

Ay’ lui ayant demandé son nom, il attendit patiemment la réponse, projetant son esprit en diverses conjonctures. Encore un protecteur du Secret ? Se demanda-t-il avec une once de déception.

Mieux valait en apprendre davantage avant de se laisser flétrir toute envie de faire plus ample connaissance, mais le déchu faisait confiance à son instinct qui lui répondait actuellement par l’affirmative.

Avec un sourire ambigu, il reporta son attention sur le phénomène du jour, et questionna du bout des lèvres sans paraître vraiment désireux de connaître la réponse :
« Alors, qu’est-ce que tu es ? Qu’est-ce qui t’amène et surtout, on ne t’a jamais appris que les humains faisaient de très mauvais jouets ? »

Il ricana à la fin de sa phrase, appuyant ses propos d’une moue amusée. Ses paroles et les mots directs qu'il mettait sur chaque situation provoquaient souvent d'amusants résultats, récolant indignation ou surprise totale selon ceux à qui il les adressait.

De ce qu’il avait pu voir, le nouveau n’était pas encore tout à fait au fait des us et coutumes des humains, ce qui rendait l’expérience d’autant plus intéressante.

Pour autant, il lui fallait savoir d’où il venait et quel serait son rôle dans la configuration actuelle avant de décider s’il l’apprécierait ou si, au contraire, ce nouvel ajout à la faune déjà installée ne serait qu’une énième épine dans son flanc.

Si Max avait beaucoup d'humour, aucune douce plaisanterie ne fut décelée par ses soins dans la remarque de sa sauveuse quant à sa propre force. C'est que, n'ayant vu l'humaine en action, ayant tout juste ouï le bruit lointain des altercations, l'each ne pouvait se permettre ce jugement qui aurait permis de déceler une ironie quelconque. Difficile, ceci dit, d'affirmer que c'était véritablement une erreur de ne pas remarquer ce trait d'humour. Qui sait, peut-être que rire bien trop fort aurait provoqué la venue rapide et brutale d'un poing sur le visage merveilleux  de la monture d'Eurynome. Il était des gens si susceptibles en ces bas-mondes…

Ayzebel, donc. Boh. "Ay", c'était presque avoir visé juste ! L'each eut un sourire fier, puis un mouvement de tête affirmatif. Soit, ce verre serait payé par ses soins ! Enfin, surtout par ceux de son maître. Détail. Les sous étaient dans sa poche, avec la demande du maître d'en disposer comme bon lui semblerait. Ce serait donc bien sa main, son oeuvre, qu'une telle offre. Son regard suivit Samy, alors que ce dernier préparait le lait-fraise. Jamais encore Max n'avait pu goûter cela. C'est que, chez Elie, les boissons étaient… Différentes. Et généralement, l'each se cantonnait à l'eau (qui était une véritable récompense, dont on pouvait se servir pour l'appâter).

"- Eh bien je suis…"

Le verre se posa sous son nez, lequel remua un peu, à la recherche de l'odeur de ce mélange. Ah, oui, il faudrait rapprocher son museau pour sentir. Foutus sens humains. Timidement, l'each prit le verre en main. Samy l'interrompit dans ses pensées.
"Qu'est-ce que tu es", "les humains"… Oh. Ça puait, comme l'aurait dit Sarah. À tous les coups, ils savaient Mais qu'avait pu faire Max pour trahir sa condition de créature ? Un manquement à l'étiquette humaine ? Mais c'était compliqué ces histoires, aussi ! Comment ils faisaient, les petits humains ? Mais le théâtre était dans les compétences de Max, d'un certain point de vue. De son désarroi, rien d'apparent. Le lait-fraise fut porté à ses lèvres pour avoir une raison socialement acceptable de ne pas répondre tout de suite, et réfléchir. Lorsqu'à nouveau, dans un son net, le verre retrouva la table:

"- Max Adams. Neveu d'Elie Mortimer. Vous le connaissez ?" Si tel était le cas, peut-être comprendraient-ils qu'effectivement, oui, ils n'avaient pas face à eux un humain du commun des mortels, mais une créature sans souci pour son espérance de vie. "Je viens d'un endroit un peu perdu, plus au nord. Ca ne fait pas longtemps que je suis ici, je ne connais pas encore bien les gens…" Un sourire amusé, mais peut-être légèrement carnassier, à Samy: "Tous font sans doute de très bons jouets, mais pas tous de la même façon !" Un éclat de rire, pas spécialement très bruyant, mais très franc. Oh son expérience était risible, puisque passée. Et nul doute que si ces temporaires amis croisaient à nouveau sa route… Max saurait comment se jouer d'eux. "Mais ça va. Je me sens bien ici. Il y a de l'eau, des chevaux… Que demande le peuple ?" Ecartant légèrement les bras, d'un air d'énoncer une évidence. Reprenant le verre, le portant à nouveau près de ses lèvres: "Et vous ? Cela fait longtemps que vous êtes là ? Enfin, si ce n'est pas indiscret… On a tous nos secrets, pas forcément habiles à révéler en public." Un sourire en coin, sourire fier, à nouveau. Ils seraient vite fixés quant à la nature de chacun... Et la pensée de chacun quant au Secret.

Glissant la paille entre ses lèvres, la sorcière aspira longuement, avalant le lait-fraise particulièrement frais qui lui fit un bien fou. Qui aurait cru que cette simple boisson destinée aux enfants avait un tel pouvoir sur le moral. Mais après s'être fait pomper par des vampires affamés, tout devait avoir ce petit quelque chose de merveilleux. D'un œil attentif, elle observa le nouveau venu qui observait sa boisson,peu habitude à ce genre de chose. Samaël quand à lui ne fit pas dans la dentelle et encore moins dans la discrétion en mettant immédiatement en doute l'humanité du jeune homme. Ayzebel le toisa, un regard accusateur avant de lui adresser un coup de pied dans la jambe pour le faire réagir. Non mais quel idiot ! Et si ce Max avait été un humain ? Bon d'accord, certaines choses le trahissait, notamment sa façon de parler, de s'extasier sur tout ou encore de se cacher sous une table... Mais aurait aussi put être un simple d'esprit ! Posant un nouveau son regard sur Max, la femme le fixa un instant, cherchant dans sa mémoire. Elie Mortimer ? Inconnu au bataillons...

« Désolé Max, je ne connais personne de ce nom là. »

Ainsi les humains faisait de très bon jouet ? D'accord, celui-là n'était donc même pas un sorcier, double évidence. Alors qu'était-il au juste ? Là était toute la question puisque le jeune homme à l'air androgyne n'avait même pas répondu à Samaël lorsque celui-ci avait posé la question. Simple oublie ou bien acte volontaire pour se protéger ? La libraire soupira doucement, saisissant sa paille et et remua son lait avec en douceur avant de sourire en entendant la dernière question de Max. Étaient-ils là depuis longtemps? Oh que la tentation était grande … Et déjà Ayzebel esquissa un sourire sournois, saisissant l'occasion pour taquiner son ange déchus préféré.

« Samy n'est pas là depuis longtemps... Il est tombé de très.... très très... trèèèès... Haut. Et ils y a laissé quelques plumes au passage. »

La sorcière pivota le visage, observant les grands yeux bleus de l'ange avant de lui adresser un clin d'oeil malicieux. Il n'avait pas apprécier, trouverait sans doute quelque chose à lui coller au visage. C'était leur façon à eux de se montré leur amitié. Si on pouvait appeler ça une amitié, évidemment. Ayz esquissa un sourire en coin et lâcha.

« Moi je suis né ici. Et toi Max, si tu nous disais ce que tu es et d'où tu viens précisément ? Ici tu n'as aucun humain, tu n'as pas à craindre quoi que ce soit. »

A part la mauvaise langue de Samaël mais ça c'était encore autre chose. La sorcière glissa à nouveau la paille entre ses lèvres et se mit à siroter sa boisson tranquillement, observant les deux hommes à tour de rôle. Cet échange risquait d'être fort plaisant.

Le déchu accueilli la réponse de la créature avec un sourire quelque peu dédaigneux.

A vrai dire, il en était au point où il hésitait entre prendre Ay’ à part pour lui demander si son nouvel ami ne souffrait pas, par le plus grand des hasards, d’un léger retard mental, et poser directement la question à l’intéressé. Cruel dilemme que celui-ci, et les minutes filèrent sans qu’il ne puisse se décider.

Le regard d’Ay’ lui tira une moue de satisfaction et il y répondit par un haussement d’épaules faussement contrit. Il n’était pas du genre délicat dans ce genre de situation, et si elle ne l’avait pas encore remarqué, il était plus que temps de pallier à cette dangereuse lacune.

Il retrouva rapidement son rictus mécontent toutefois lorsque le rappel de sa chute fut amené sur le tapis, et foudroya la sorcière du regard, comme pour la défier d’en dire davantage.

Il commença à lever la main, dans une imitation de geste visant à lui envoyer son verre au visage, puis se ravisa en écoutant sa réponse. La conversation commençait à l’ennuyer sérieusement, et plus encore le fait de voir sa curiosité naturelle contrariée.

Debout à côté de la table, le déchu posa ses deux poings sur cette dernière, observant successivement les deux clowns qui lui tenaient compagnie, et secoua doucement la tête comme pour nier l’évidence. Il tenait à Ay’, au moins un tout petit peu, et le second l’intriguait. Pour autant, il était plus que temps d’en venir au fait et de cesser ces faux-semblants si agaçants.

« S’il avait été humain, nous l’aurions simplement dévoré, lâcha-t-il à l’intention d’Ay’ sans détourner le regard du petit nouveau. Samaël, pour te servir, mais pas à ton service, précisa l’ange avec une mimique mi-figue mi-raisin en s’adressant cette fois à l’intéressé. Quant à elle, la puissance de ses sorts te ferait sans doute dresser ta crinière sur la tête… ou pas ? questionna-t-il en revenant promener ses prunelles céruléennes sur la sorcière. Regarde autour de toi, la chose, on est tous plus ou moins frappés dans le coin, pour ça que ta présence passe plus ou moins inaperçue depuis que tu es entré dans ce bar. En attendant, je ne connais pas de Mortimer, mais j’aimerais tout de même savoir qui demande protection sous mon toit.

Il se tut, attendant patiemment la réplique qui ne tarderait sûrement pas maintenant que les choses semblaient plus claires.

Comment ?! Elle ne connaissait pas Elie ? Hérésie, au bûcher, sorcière ! Comment pouvait-on ignorer l'existence de celui qui était le centre de celle de Max ? L'each avait dévisagé l'humaine avec plus d'insistance, à la recherche d'un indice, quelque chose pour indiquer qu'elle mentait, ne voulait juste pas en parler en public… L'indice ne vint pas. En revanche, son manège cessa pour passer à autre chose dès que son souvenir lui rappela que tous ne savaient pas qu'Elie était le nom de scène d'Eurynome. Oui, sans doute connaissaient-ils mieux le démon de la mort sous ce nom-là. Tant pis. Puisqu'ils étaient en public, ils ne pourraient aborder le sujet ainsi. Simple règle de prudence.
Max pouffa de rire dans son verre, dut le poser pour ne pas se retrouver avec du lait-fraise sur le museau. Bon, ce fut fait un peu tardivement, mais un revers de poignet eut tôt fait d'éponger les dégâts. C'est que là, tel que décrit, on eut dit que Samy était un ange déchu. Et dans la tête de Max, cela donnait l'image d'un ange qui tombait, perdait des plumes, et se retrouvait face-contre-comptoir, avec un "sproch" défait de toute élégance céleste possible. Rien de bien flatteur, et c'était sans doute parce que l'image avait été commune à leurs trois imaginations que ledit Samy foudroya la plaisantine du regard. Max l'aimait bien, cette humaine. Elle était cool. Elle savait ce qui était important.

La suite de la conversation surprit davantage l'each, qui passa son regard tout autour de lui. Que des gens du Secret ? Vraiment ? La prudence soufflait à Max de ne pas se fier aux seuls mots, mais puisqu'ils étaient deux à le dire… Oh, le "comment" ne lui vint pas trop à l'esprit. Avec la magie, on faisait tant de choses… Un répulsif à humains n'avait rien d'incroyable. Mais si tout ça était vrai… C'était vachement bien ! Plus besoin de se cacher, un endroit où être soi-même, et disserter librement de la meilleure façon de cuisiner les humains (au bain marie, à la vapeur…), de ce satané Réanimateur, des futures lettres à Santa… Vraiment, un lieu de liberté ! Et avec tous ces nouveaux visages, de quoi s'occuper, pour sûr ! Mais pourrait-il y inviter Isha ?
Un regard sur l'un, un regard sur l'autre. Ok, Samaël, un vrai ange déchu. Max eut un sourire en coin en repensant à l'image de l'ange tombé, déplumé, le nez aplati contre le comptoir. Et sa sauveuse, une sorcière… Max aimait bien les sorciers. Ils savaient faire plein de choses, on pouvait penser à plein de nouveaux jeux avec eux. Deux personnes presque bien. Samaël… S'il était tombé, était sur la bonne voie. Techniquement, pas de raisons de leur cacher la vérité. Aux autres, peut-être, mais eux… Cela paraissait peu probable qu'ils ne soient que des humains un peu jetés.
Mais si tel était le cas… Max jouerait le même jeu.

"- Eh bien, tu fais bien de parler de crinière. Je suis Each Uisge. Les chevaux qui vont noyer les gens pour les manger, v'voyez ? D'ailleurs, si vous avez des morceaux d'humains imbibés d'eau, je prends volontiers !" C'avait été murmuré à moitié, en se penchant vers eux. Sur le même volume, de la même manière: "Et pour parler sincèrement, j'ai eu peur, tout à l'heure, que ces humains aient compris que je n'étais pas des leurs. En ce moment, avec ces histoires de Réanimateur... Je suis un peu paranoïaque sur tout ce qui peut nous dévoiler aux humains." Ses fins doigts jouèrent distraitement à se laisser glisser le long du bord de son verre. "En même temps, c'est compliqué, leurs histoires. Surtout que ça ne fait que quelques années que je suis là." S'ils avaient su que leur interlocuteur avait sept ans…! En tout cas, Max souriait. Maintenant, ces histoires l'amusaient.

« Allons Samy, ne boude pas, ce n'est pas de ta faute si tu es tombé si bas. »

Oh la petite garce qui en rajoutait une couche ! Ravie de sa petite blague vaseuse, Ayzebel esquissa un sourire en s'enfonçant confortablement sur sa chaise. Pauvre Samaël, toujours à se faire enquiquiner par son amie... Mais il le lui rendait bien. Qui aime bien châtie bien dit-on... Glissant vers lui un regard en biais, la jeune femme lui lança un clin d'oeil malicieux. Après tout elle n'avait pas tord, il était tombé bien bas. Qu'est-ce qui avait poussé un ange à quitter la grâce du seigneur et la douceur du paradis pour venir ici sur terre à perdre ses pouvoirs, son immortalité pour échouer dans un bar et coincé dans le corps d'un humain ? C'était complètement stupide. Ou alors il aimait le goût du danger, probablement. Ou bien... Ou bien c'était vraiment le pire crétin qu'elle connaissait. Oui, à bien y réfléchir cette option semblait la plus plausible.

Écoutant les paroles du barman, Ayzebel manqua de s'étouffer avec son lait fraise quand il mentionna sa magie. Non mais il était dingue ou quoi ? Elle ne u que depuis trois ans, c'est à peine si elle saurait guérir un moustique ou faire tomber les cheveux de quelqu'un. Oh tiens, en voilà une bonne idée. Portant à nouveau son regard sur Samaël, elle le fixa, l'imaginant avec le crâne chauve et luisant. Bonjour le ridicule de la chose. Perdu dans ses pensée, elle lâcha un rire moqueur avant de s'arrêter net et détourner le regard. Non pas qu'elle avait eu l'air stupide à cet instant à rire sans raison, mais tout de même. Terminant sa boisson,la jeune femme repoussa le verre tout en écoutant parler la créature. Ainsi il était de cette race de créature aquatique. Elle avait déjà lu des choses sur les Each Uisge, mais de là à en voir.... et sous forme humaine, c'était d'autant moins courant. La sorcière esquissa un vague sourire et lui murmura.

« N'écoute pas cet emplumé, je ne suis pas une sorcière puissante... Je n'en ai pas besoin, il cherche juste à t'intimider. »

Avec douceur, Ayzebel posa sa main sur celle de Max et l'étreignit doucement avec un geste maternel. Elle le relâcha rapidement, ne s'attardant pas sur ce geste de gentillesse puis elle se leva doucement et saisit son sac à main puis darda froidement son regard clair sur son ami. Maudit soit-il, cet ange....

« Je ne te remercie pas pour ton hospitalité, Samy. Cependant face à tant de bonne humeur, je préfère rentrer chez moi. »

Elle se pencha et déposa un baiser sur la joue de Max, y laissant une trace de rouge à lèvre puis fixa de nouveau Seth qu'elle fusilla presque du regard, passant devant lui. Non, il ne méritait pas de bisous, il avait été bien trop vilain.

« Bonne soirée à vous... Max, heureuse d'avoir fait ta connaissance. Seth, j'essaye encore de trouver ta dignité malheureusement je crois que toute la magie du monde en serait pas suffisante pour cela. »

Voilà qui était fait. Calmement, la sorcière prit le chemin de la sortie, refermant la porte du bar derrière elle et disparut dans la noirceur de la nuit. Éreintée par cette soirée, elle avait bien besoin de repos. Entre les vampires qui l'avaient pomper, l'usage de magie et le mauvais caractère de l'ange... Elle en avait eu pour son grade. Cependant elle savait une chose, malgré son horrible caractère, la sorcière savait Max entre de bonne main près de Seth qui serait largement en mesure de le surveiller et même de l'aider pour le reste de la soirée.

Un jour, Ay’, je te tuerai. Ou, plus vraisemblablement, je laisserai libres les pulsions qui me poussent sans cesse vers toi, alimentées par une attirance malsaine. Oh, tu n’y couperas pas.

Ainsi pensait le déchu, sa fausse colère attisée par les propos de la sorcière. Elle le cherchait, il n’en doutait pas un seul instant, mais elle ne pensait certainement pas si proche du châtiment en question. Le rire de la sorcière lui arracha un regard soupçonneux qu’il lui adressa, avant d’être littéralement happé par les informations données par l’each. Oh, vraiment, quelle intéressante créature, se dit-il tout en se demandant quelle serait la meilleure manière d’utiliser ce fait à son profit. Il n’eut pas le temps de pousser plus loin son raisonnement à peine commencé que la belle changea d’humeur, lui faisant arquer les sourcils tout en lui provoquant une moue dont l’étonnement était sincère. Visiblement, il avait raté quelque chose, à moins que ce ne soit un coup des hormones d’Ay qui la fasse passer aussi brutalement de son ton sucré à cette froideur toute aussi attirante. Sans relever, le déchu haussa une épaule, tout en glissant un sourire contrit vers Max, comme pour s’excuser de l’éclat de son amie. A aucun moment la bourde qu’il avait commise ne lui revint en tête pour lui faire comprendre le changement de comportement de la sorcière, aussi se remit-il à la dévisager sans gêne, avec un mélange d’intérêt et d’hésitation.
« Et bien bonne soirée, très chère » se permit-il alors qu’un nouveau sourire venait lui retrousser les lèvres. Quelle que soit la raison du départ d’Ay’, il pourrait bien s’en préoccuper plus tard. Il la laissa donc partir sans rien ajouter, reportant son attention sur Max, avant de réaliser, bien trop tardivement, ce que l’absence de la sorcière impliquait. Un tête à tête avec la créature venue de nulle part ne l’intéressait pas plus que ça, et l’idée même que son précieux temps lui soit arraché contre son gré sans concertation préalable ne lui convenait pas, aussi ne tarda-t-il pas à dévisager l’Each sans aménité :

« Comme tu as donc pu le constater, tous ici sont au courant. Tu n’as pas à craindre de bourde, même s’il est malvenu de dire certaines choses à voix haute. Les consommations sont pour moi, alors prends ce que tu veux, tu seras servi. En ce qui me concerne, je ne consomme pas d’humains, j’ai à faire, le bordel qui règne en ville arrange certes mes affaires d’un point de vue financier, mais me cause d’autres inconvénients plus personnels. »

Il termina sur un clin d’œil exagéré, faisant ensuite mine de s’éloigner pour prendre congé. Max était intéressant, et plus encore les éventuelles opportunités qu’il traînait possiblement dans son sillage, mais pour l’heure, l’ange qui n’en était plus un devait s’occuper de cas plus urgents que l’éducation survolée d’un être nouvellement arrivé.