Grillée (Haley)

Elle tenta de taire sa respiration, lourde, elle était trop bruyante, elle n’y arriverait pas…C’était trop dangereux de se déplacer ainsi en tentant de ne pas se faire prendre. Elle était habituée de courir, mais elle n’était pas habituée d’absorber l’information en un temps record avant de se cacher dans l’armoire du propriétaire des dossiers qu’elle avait fouillé. Elle avait entendu des pas et avait eu le temps de refermer la chemise avant de se cacher dans l’endroit le plus près. Heureusement qu’elle était assez petite pour être discrète dans relativement n’importe quelle cachette, mais se réfugier derrière le bureau n’était certainement pas une bonne idée. Le classeur était visiblement ouvert et le dossier était sur le bureau, c’était ridicule, elle n’avait jamais été aussi mauvaise. Et pourtant elle avait tout fait dans l’ordre, suivre l’homme sans se faire remarquer, réaliser qu’il cachait la clé de son bureau sous le paillasson et prendre l’occasion en main. La jeune fille retint sa respiration, espérant qu’il n’était que de passage, qu’il avait oublié quelque chose et qu’il partirait ensuite.

Un livre mal placé, instable entre l’étagère et le vide, L’ouvrage tomba sur sa tête, la laissant relâcher sa respiration devenant rapidement saccadée. Le corps de Meade sursauta et entraîna l’étagère dans une chute bruyante et fatale : Elle était prise la main dans le sac c’était certain. Camille tenta de calmer sa respiration, espérant que l’homme croit à une chute soudaine de son meuble instable, ou un fantôme, pourquoi pas? N’était-elle pas elle-même loup garou…Immobile, la jeune fille tentait d’ignorer la douleur des ouvrages lourds sur ses bras, et les étagères qui avaient glissé sur son dos. Elle s’en sortirait avec quelques ecchymoses, en espérant ne pas s’être blessé et devoir des explications. De toutes manières elle serait tombée en faisant son jogging si jamais elle devait répondre à des soupçons. Tombé…Dans une chaise…Oui voilà.

L’armoire se souleva de son corps, la laissant sur le ventre, la tête sur le côté, le cœur battant la chamade comme une enfant qui allait se faire gronder, mais ses yeux croisèrent un visage bien différent de celui qu’elle s’attendait à croiser. Familier, malgré tout, la jeune fille eut un regard presque suppliant, prenant une éternité à se relever, c’était le regard que ses frères avaient appelé les yeux de chien battu.

-Vous allez me dénoncer?

Une autre journée de travail terminée, Haley pouvait enfin rentrer tranquillement chez elle. Avant de sortir de l’hôtel de ville, elle prit soin de donner de l’eau à ses plantes et à s’assurer qu’elles ne manqueraient de rien. Son bureau était probablement celui qui détonnait le plus de tous les bureaux avec la tonne de végétation qui s’y trouvait, mais c’était cette façon qu’elle avait trouvée pour rendre l’endroit plus agréable. Travailler entre quatre murs, mais quel ennui!

En sortant de l’enceinte, elle salua d’un signe de la main un collègue et s’arrêta un instant. Il avait une de ces têtes, vous savez celle qui annonce la fin du monde ou quelque chose qui s’en rapprochait énormément. Elle s’approcha doucement de lui.

- Quelque chose ne va pas? Lui demanda-t-elle.

Les yeux de l’homme devinrent bien grands lorsqu’il remarqua que c’était la maire qui lui adressait la parole. Pendant un instant, elle crut qu’il allait prendre ses jambes à son cou et s’enfuir le plus rapidement possible. Quelques secondes passèrent et après un long soupir, il lui expliqua ce qui se passait. On avait promis qu’on s’occuperait du cas d’un client et que tout serait réglé aujourd’hui, mais voilà qu’avec les délais, entraves administratives et tout, ce ne pourrait pas être fait. Et alors? Ce n’est pas comme si c’était le premier qui attendrait pour obtenir ce qu’il voulait. Mais voilà le problème c’était qu’il avait déjà attendu et homme grincheux qu’il était, dans toute son influence, son mécontentement se ferait entendre. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres, celui qui signifiait « Comment puis-je t’aider, mon cher? ». Haley avait donc fait des œuvres supplémentaires pour clore rapidement ce dossier.

Documents sous la main, la fée sonna à la porte de l’homme. La maire avait pris la décision d’y aller elle-même afin de désamorcer personnellement sa colère, s’il y a. Sa demeure était sur son chemin de toute façon. Elle attendit et rien… Aucune réponse ne vint. Cognant à la porte, voilà que cette dernière glissait, laissant entrapercevoir le hall d’entrée.

Haley allait demander si quelqu’un était présent lorsqu’elle entendit un grand fracas. Entrant sans attendre, elle se dirigea vers la source du bruit et remarqua l’armoire qui s’était écroulée sur le sol. Elle fronça les sourcils de stupéfaction : une chevelure blonde se cachait parmi les livres et autres objets. Il y avait quelqu’un là-dessous! Posant ses documents sur le bureau, elle s’accroupit et releva le meuble afin d’en libérer sa prisonnière. Elle lui laissa doucement le temps de se relever.

C’est un regard soucieux qui croisa celui de Meada, évaluant rapidement si elle était blessée. Ses traits se durcirent ensuite et la reine prit une expression sérieuse malgré l'air piteux qu'on lui offrait.

- Et pourquoi ne le ferais-je pas? Lui répondit-elle.

Ce n’était ni un oui ni un non, la fée laissa sous-entendre qu’il était possible qu’elle ne la dénonce pas. Mais cela, c’était à la blonde de parlementer en sa faveur. Sa curiosité piquée, Haley se demandait bien pourquoi elle était là.

- Tu es blessée, jeune fille? Demanda-t-elle à défaut de connaître son nom. Elle avait parlé d’une voix soucieuse. Tu dois savoir qui je suis, n’est-ce pas? Ajouta-t-elle.

C’était d’abord et avant tout son état qui lui importait. Ensuite, la maire pouvait l’aider ou lui nuire. La réponse se trouvait dans le camp de Meade.

Meade déplaça les mèches de cheveux épaisses qui s’étaient placées devant son visage, contrôlant partiellement la tignasse rebelle qui de toute manière ne servait à rien de coiffer. Tout ce qu’elle pouvait faire était dégager son visage en espérant ne pas être trop déconcentrée. Elle baissa rapidement la tête lorsqu’elle comprit la réponse qu’on lui avait donnée, elle avait fait une bêtise et n’allait pas s’en tirer en faisant les yeux doux. La jeune fille prit appui sur le sol, déplacant les livres et feuilles qui faisaient obstacle en elle et ce premier, puis se redressa avant de bouger un peu ses articulations. Son épaule droite lui faisait un peu mal, elle n’arrivait pas encore à la bouger complètement mais pouvait aisément se relever, laissant ses yeux danser entre les tonnes de choses qu’elle avait échappées par terre. Un sentiment de honte et de culpabilité l’envahissait, alors qu’elle ne tentait que d’avoir plus ample informations sur qui elle était…Et si possible, qui elle pouvait devenir. Elle trahissait les siens, ils ne la pardonneraient pas et elle ne savait quelles conséquences lui étaient réservées pour ce genre de bêtises…Il ne s’agissait pas d’être privée de sortie ou même de passer la nuit en prison.

-Je vais bien…Merci de m'être venue en aide.


La tête baissée et renfermée sur elle-même, elle avait prononcé ces mots presque en grommelant, mais sa politesse envers une personne beaucoup plus importante qu’elle retenait un air bougon qui se voulait beaucoup plus calme. Cela se voyait sur son visage qu’elle savait qu’elle s’était mise dans de beaux draps.

-Je sais…Ils m’ont souvent montré votre visage, Madame Ambrose.


Elle entreprit de relever la lourde armoire qu’elle avait fait tomber par terre, heureusement elle ne l’avait pas endommagée, mais elle devait replacer les tablettes qui n’étaient pas collées, mais fixées sur quatre petit dispositifs de métal. Elle ramassa quelques livres, puis vit enfin le titre de la recherche qu’elle voulait lire, à travers les feuilles éparpillés et les pages qui n’étaient pas en ordre. Accroupie, elle attrapa les feuilles qui étaient semblables à celle qui portait le titre de l’objet qu’elle convoitait. Puis elle se releva, montrant le titre à la mairesse :

-Tout ce que je voulais…c’était lire cela. Parce que c’est qui je suis…et je cherche une impasse.

Qui était cette jeune femme qui se tenait devant elle? Haley la fixa d’un regard qui se voulait sévère et ses traits ne se détendirent pas malgré qu’elle fut soulagée d’entendre qu’elle allait bien. Elle prit quelques secondes supplémentaires pour s’assurer que c’était réellement le cas, car il était si facile de mentir. À la voir se relever ainsi, malgré ce que disaient ses paroles, il semblait que le choc n’avait pas été sans heurt. À quel point? La maire serait étonnée d’apprendre qu’elle ait quelque chose de cassé, mais l’apparition de vilaines ecchymoses ou de courbatures semblait plus probable.

Elle semblait honteuse de ses gestes et à la voir baisser ainsi la tête, la fée ne faisait pas face à une jeune insolente qui pensait que tout le monde lui était dû. Peut-être était-ce qu’une façade et qu’en réalité, elle jouait le rôle de la fautive pour l’amadouer. Mais c’était mieux ça que de se faire crier au visage, de se faire menacer ou de se retrouver face à un gamin qui croyait être capable de l’intimider. Quoique ceux-là, elle les trouvait bien drôle et réussissait toujours à avoir le dernier mot. Ils comprenaient assez rapidement qu’il fallait respecter la maire, et reine des fées.

- L’important, c’est que tu ailles bien. Tu as un nom? Demanda-t-elle doucement.

Aucune idée de qui il s’agissait lorsqu’elle mentionnait que « ils » lui avaient souvent montré son visage. La question s’effaça de son esprit lorsqu’elle vit la blonde relever l’armoire qu’elle avait fait tomber. Sans même hésiter, Haley s’était approchée pour l’aider. À son tour, elle ramassa des tablettes qu’elle replaça ainsi que les livres éparpillés sur le sol. Son attention fut ensuite attirée par ce que l’inconnue lui montrait et elle détailla le titre « Loup-garou ». Elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils, perplexe.

- Ce document est si important que tu veuilles entrer par infraction dans cette demeure? Demanda-t-elle, étonnée.

À qui faisait-elle face? La fée ne comprenait pas trop ce qu’elle faisait ici et pourquoi elle tenait tant à ce document. À moins que… ? Oui, c’était possible… On finissait bien par comprendre que rien n’était impossible.

- Alors? Qu’est-il écrit? S’enquit-elle.

C’était une façon détournée pour lui dire qu’elle ne lui tiendrait pas rigueur si elle jetait un coup d’œil à cet objet tant désiré. Ce n’est pas de l’argent ou des biens qu’elle était venue voler, mais plutôt des informations. Qu’avait le propriétaire de la demeure à cacher? C’était quelque chose que Titania désirait également savoir tout d’un coup.

Elle sembla un peu surprise, étais-ce vraiment tout ce qui importait à la fée? Qu’elle aille bien? Pas de représailles, d’appel précipité à la police, de demande du numéro de téléphone de ses parents pour les prévenir qu’elle avait fait une bêtise? Meade eut envie de répondre simplement, Oui, j’ai un prénom. Elle n’avait pas envie de le révéler, ayant l’impression que cela allait jouer en sa défaveur plus que l’aider. ''Meade…’’ prononça-t-elle timidement en replaçant l’armoire, en profitant pour ramasser quelques livres. Tout était à sa place, mais elle n’avait aucune idée de l’ordre que l’homme avait donné à ses documents. Il allait donc assurément se rendre compte que tout avait été déplacé. Évidemment, elle devait demander des explications, ne pas le faire serait illogique et presque inquiétant. Elle haussa les épaules, laissant ses yeux vagabonder sur les feuilles qu’elle n’avait pas déployées. Ses yeux lisaient le nom de sa race sans que ses mains osent bouger, étrange ironie de songer que son père serait fier de ses manières à ce moment, alors qu’elle venait de commettre une de ces bêtises… ''Je ne sais pas…encore. Je crois qu’il ne comprend pas. Peut-être qu’il a oublié qu’il a une conscience. ''En avait-il déjà seulement eu une? ''Il est en colère, lorsque j’essaie de comprendre. Il n’arrive pas à concevoir que j’y pense, il voudrait que je ne pose pas de questions… Mais s’il voulait que je sois une arme, il aurait fallu qu’il me forme ainsi. '' Mais le père de Meade l’avait outillé pour devenir une espionne, bien que c’était plus ou moins utile en tant que louve, ça pouvait l’être pour survivre au sein du secret. Probablement une force, plus développée qu’une autre, pour compenser cette peur que la petite louve soit inoffensive. ''Il est en colère…Je ne sais pas si il sait pourquoi. Mais il n’aime pas ça, ce que je ressens, si ce n’est pas de l’incompréhension…c’est de la peur, ou de l’inquiétude. Si j’avais simplement demandé à cet homme de me parler un peu plus de ses études, mon père aurait pu faire sa petite enquête. Il peut réagir un peu impulsivement parfois et je ne suis pas certaine de la réaction qu’il aurait eu…’’ Cet homme était le premier à dire que les morts qu’il causait étaient légitimes, elle ne se doutait pas qu’il n’aurait pas de difficulté à abattre un innocent juste pour un élan d’impatience, mais elle le voyait souvent injustement comme le grand méchant loup. La petite louve ne disait pas plus précisément qu’elle cherchait un antidote à ses blessures, mais elle disait la vérité, sans entrer dans les détails.
La jeune fille cligna des yeux, elle lui permettait de regarder? Un mince sourire se dessina sur ses lèvres avant qu’elle ne se mette à fouiller les feuilles de ses mains nerveuses. Loup garou, ritualiste, légendes et origines. Elle posa le doigt sur ce qui l’intéressa lorsqu’elle dénicha le mot ''maudit’’. Une sorte de grognement chuchoté s’échappa de ses lèvres, en lecture diagonale, rien ne retenait son attention… ‘’Rien qu’on ne puisse m’apprendre…’’ soupira-t-elle. Elle aurait peut-être dû rester chez elle et ne pas faire autant de grabuge pour…rien. '' Vous comprenez pourquoi je ne veux pas que mon père apprenne ce qui s’est passé? ‘’ Puis, avec hésitation, elle leva la tête, regardant la reine dans les yeux. ''N’y-a-t-il rien que vous voulez savoir concernant les maudits? ''