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 [DIEU] Merrill MacTavish

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merrill mactavish - Eithne
she takes you to the other sidcete of the world just when she opens her eyes



♜ NOM : MacTavish - Tu n'as guère choisi ce nom, c'est même plutôt l'inverse. De part des prières, une dévotion et des vies partagées, tu as appris à vivre selon ce nom et ce qu'il implique. Tu t'es même sentie à nouveau mère alors que tu prenais soin de ce clan comme s'ils étaient tes propres enfants. Désormais, il n'est plus grand chose, un peu à ton image, mais garder ce nom était une évidence. Ce nom que tu te fais une certaine fierté de prononcer, parce que gorgé d'histoires et d'espoir, même si personne ne s'en rend compte. Plus encore, ce nom est également ce qui te lie à tes deux frères. Frères qui, à l'origine, ne sont que des voisins de panthéon, des camarades divins. Pour la protection de chacun au long des années, des voyages, les deux mâles se sont prétendus frères, du clan MacTavish. Toi, tu as revêtu ce nom en épousant l'un deux. Mais les siècles passent, les vies aussi, comme celle de votre enfant qui n'est plus. Tu ne peux pas dire que l'amour n'est plus, ce serait un mensonge, car ton amour pour lui est toujours présent, si ce n'est pas plus fort. Il a seulement changé. D'un amour passionné, tes sentiments comme les siens ont évolué vers un véritable lien familial. C'est ainsi donc que tu portes ce nom, souvenir d'un clan aussi déchu de sa gloire que tu l'es, peut-être fondation de nouvelles choses à venir.
♜ PRÉNOM : Merrill - Il n'y a pas grand chose à dire de ce prénom que tu as choisi car il te plaisait, et qu'il en fallait impérativement un. En revanche, ce serait mentir que de prétendre que tu n'y attaches pas d'importance. Au fil des années à te faire nommer ainsi par les gens, connus ou inconnus, des gens qui ne savent pas quelle est ta véritable identité, tu as finis par nourrir un sentiment contradictoire à l'égard de ce simple mot qui semble te définir dans ce monde. Tout d'abord, une sorte d'affection, parce qu'il est joli à prononcer comme à entendre, parce qu'il est aussi doux et délicat que les traits de ton visage. À côté de cela, il y a l'exaspération, cette injustice qui cogne au creux de tes reins de ne pouvoir utiliser ton véritable nom, cette envie de hurler que non, tu n'es pas Merrill. Que tu es tellement plus que cela.
♜ NOM ETERNEL : Eithne - Boann - Etain - Tu répondais autrefois à bien des noms, et bien des croyances. Fille du chaos primordial, la douceur dont tu es dôtée contraste avec tes origines et ce que tu aurais pu être. Délicate, tu représentes la féminité divine par excellence, comme en témoigne ton enveloppe charnelle. Cheveux dorés, pupilles avelines, ton sourire et la grâce de tes gestes en charment plus d'un. D'une. A l'écho du pays dont tu es la représentation poétique, tu es pleine de surprises et rares sont ceux qui connaissent tes mystères.
Secrets de poésie, de forge et de baumes, tous lié par le feu de l'illumination. L'inspiration ardente des bardes, la braise soufflante des forgerons, le brasier de la vie qui s'écoule dans les veines. Tu es avant-tout créatrice, conservatrice, bien loin des champs de bataille, des massacres sanglants et des hurlements guerriers. Tu chantes la vie autant que tu la préserves, mais cela ne fait pas de toi une de ces entités naïves dont on peut se fourvoyer. Ta douceur n'empêche pas ta méfiance, ta finesse n'apaise pas ta violence quand celle-ci est nécessaire. Offrir la mort n'est pas quelque chose d'aisé à ton coeur, mais ta main n'hésite pas à faire don de ce présent morbide si la situation l'exige. Doives-tu en panser ton âme durant des siècles.
Mais de plus en plus, depuis ta chute, depuis que le monde t'oublie, tu as du mal à rester douce. Élégance et grâce sont toujours les maîtres mots de ta personne, mais la rancoeur de n'être plus qu'une légende oubliée dont on ne trouve guère deux lignes dans les livres empoisonne ton coeur. Venin qui s'y influe lentement, mais sûrement au fil des siècles, bien que tu te fasses violence pour en ignorer l'écho macabre. Tu ne veux pas céder à cela, cette soif de pouvoir, cette nausée de regrets.
♜ RACE : Créature - Divinité celtique. Voilà ce que tu étais autrefois, Merrill, quand tu répondais encore pleinement aux multiples prénoms dont t’acculaient tes fidèles, tes croyants. Aujourd'hui, cela ne veut plus dire grand chose. Déesse oubliée, affaiblie. Brisée. Les seuls qui croient en toi désormais, sont tes frères, tout comme tu continues de croire en eux. Mais un jour tu n'en doutes pas, vous retrouverez votre lumière.
♜ ÂGE : 29 ans - C'est tout du moins l'âge que tu revêts physiquement et que tu prétends avoir en l'annonçant d'un air distrait lorsque l'on te pose la question. Évidemment, ces années ne sont rien en comparaison de ta longue existence et des tableaux qui en décorent le mur des souvenirs. Du sol au plafond, des souvenirs à ne plus savoir qu'en faire, à part les regarder avec nostalgie.
♜ DATE DE NAISSANCE : 3 avril 1987 - C'est là la date du calendrier chrétien que l'on peut voir sur tes papiers d'identité. Il en fallait bien, pour t'intégrer à cette société et à ce monde si différent du tiens et de tous ceux que tu as put traverser, fouler des pieds et embrasser du regard. Ta véritable naissance ne peut être relatée de mémoire d'homme et à vrai dire, cela t'importe peu. Le commencement n'a aucune valeur à tes yeux, contrairement au chemin que l'on emprunte pour s'en éloigner, grandir. S'élever.
♜ PROFESSION : Employée à la librairie MacTavish "Sous le kilt du cerf" depuis peu. Avant cela, tu occupais un poste d'infirmière en pédiatrie. D'aussi loin que tu te souviennes, Merrill, tu as toujours été mère. Au sens figuré, puis au sens propre. Et même si un massacre ensanglanté t'a ôté ton seul véritable fils, tu n'as pas cessé d'être mère. Et tu t'occupes des enfants des autres, comme s'ils étaient les tiens. C'est pour cela qu'au fil des siècles, des vies, tu as atterri dans la branche pédiatrique de la médecine. Autrefois, tu soignais véritablement les enfants du monde, les enfants des autres, les enfants animaux, divins, magiques, mortels. Désormais, tes pouvoirs étouffés, amoindris, tu ne peux plus te le permettre. Alors tu te contentes de ce que ton enveloppe charnelle et la ville te permettent de faire. Aimer, apporter des soins comme le font les mortels. C'est frustrant. Exaspérant. D'en voir certains mourir sous tes mains alors que d'un geste, d'une parole, tu aurais pu chasser le poison, guérir des blessures. Redonner vie et espoir. Aujourd'hui encore, cela fait partie de toi. Bien que le droit d'enfanter te soit interdit. Tu as quitté ton poste d'infirmière à la fin de l'année dernière. Après que l'on t'ai fait avorter de force. Tu ne pouvais pas revenir en ces lieux où ton chef t'as dénoncée. Côtoyer tous ces enfants est désormais torture. Alors tu restes à la librairie, avec tes frères, et Avalon. Ta famille.
♜ PAYS D'ORIGINE : Irlande - Douces plaines verdoyantes. Vagues qui s'écrasent dans un flot d'écume contre les falaises noires. Le ciel qui s'embrase de orange alors que le soleil descend vers l'horizon, enflammant les nuages. Les cours d'eau et les sources pures, berceau de légendes et de magie. Voilà ce que tu représentes sur le plan poétique, symbole de beauté et de richesses anciennes. Voilà d'où tu viens, Merrill. Et jamais tu ne l'oublieras.
♜ SITUATION FAMILIALE : Mère Célibataire - Tu fus pourtant bien plus que cela, Merrill. Épouse, mère, ces mots, aujourd'hui, ne semblent que souvenirs d'un lointain passé, bien que la personne reliée à ces deux conditions fasse toujours partie intégrante de ta vie. Les années eurent raison de ton mariage avec Lug, transformant la passion en affection presque pure. Après tout, vous avez tout vu l'un de l'autre, et cela n'empêche pas votre amitié profonde aujourd'hui. Lien étrange mais indestructible d'avoir tout partagé avec ce dieu que tu vois aujourd'hui comme un véritable frère. Il t'aura tout offert, la vie et la mort t'auront tout repris. Et si autrefois tu partageais sa couche, aucune jalousie ne résulte de cette époque et tout comme Lug est libre, tu l'es aussi. Même si tu utilises cette liberté avec parcimonie, tu sais qu'elle est en ta possession et c'est suffisant.
Tu vis en sa compagnie et celle de Cernunnos. Vous vous présentez, à défaut d'une triade divine, comme une triade familiale. Deux frères aînés, une petite soeur. Parfois tu sens l'envie dans le regard des gens, les pupilles de ces gens qui n'ont pas compris que la famille n'est pas forcément celle que l'on nous impose, mais celle qu'on choisi.
Depuis quelques années, cadeau de Cernunnos, ton enfant est à nouveau près de toi. Aujourd'hui dans un corps de jeune fille, il n'en reste pourtant pas moi ton enfant. Tu aimes Avalon autant pour ce qu'elle est, que pour ce qu'elle porte en elle. Même s'il n'est jamais facile pour elle de le croire.
♜ TRAITS DE CARACTÈRE : Merrill. Tu es un mur. Un mur de pierre qui se fissure sous les coups, pour ensuite les renvoyer au centuple. Au sens figuré, car si cela t'es déjà arrivé, tu n'aimes guère à lever la main sur autrui. Mais pour autant, tu ne te laisses pas faire, petite blonde. Déesse oubliée au tempérament de feu caché sous une épaisse coquille. La contradiction. Tu es comme ça Merrill, trop de passion, ça te dévore. Dans toutes tes vies. Divines ou humaines. Privées ou professionnelles. Ton boulot actuel, résultant de plusieurs vies à t'occuper des autres avant toi-même, c'est ton second mariage. Tu ne pourrais pas vivre sans, et pourtant tu y risques souvent ta propre santé. Tu ne supportes pas de rester sans rien faire, à observer la vie s'empoisonner et ronger des corps. Mais depuis ta chute, Merrill, tu ne peux vraiment plus guérir qui que ce soit comme il se doit. Alors tu compenses, à effleurer la mort la mort des autres en les apaisant de caresses, de mots doux et d'histoire. Ces petits êtres, bien que descendant d'une humanité qui ne se souvient guère de ton nom et de tes actes, tu ne peux pas les laisser seul. En souvenir de ton fils perdu, Merrill, mère oubliée, tu t'occupes comme ton enveloppe charnelle te le permets de la descendance humaine. Tu as ce besoin de maternité pour te sentir vivante, mais puisqu'il n'est plus question d'enfanter dans ce monde suintant le christianisme, tu te contentes d'être la mère de tous les autres.
Douce Merrill, tu es pourtant versatile. Tu es faite de feu et de glace. Tu es la douceur qui précède la violence qui est pourtant tienne, bien qu'enfouie au quotidien. Tu es la main qui essuie les larmes d'autrui. Tu fais la sourde oreille à tes états d'âme, parce que ceux des gens que tu aimes sont plus importants. Ton coeur est bien assez grand.
Immense, ton coeur. Et pourtant, depuis de nombreuses années, des décennies, ton coeur déborde. Il craque. Il explose d'amour. Chaque jour, chaque nuit. Chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure. Il afflue. Parce que pour lui, au fond, il n'y a qu'eux. Ceux pour qui tu serais prête à tout, car la mascarade fraternelle n'en est plus une désormais. Avec les années, les aventures, les moments partagés, ceux dont tu as pris le nom par précaution et en souvenir d'un clan qui a aussi eu droit à ton amour immense, sont désormais ta seule et véritable famille.
Tu es un mur, Merrill. Mais tu es surtout brisée.
Brisée par ce monde, par le Cénacle.
♜ OPINION SUR LE SECRET : Il y a encore peu de temps, ton opinion sur le Secret était contradictoire. Dans les premiers temps, cela ne t'importait peu, Merrill. Etait-ce du déni ? Sans doute. Plus le temps passe, moins tu supportes de ne paraître qu'une simple mortelle. Malgré l'affection que tu portes aux enfants de ce monde, parfois certains adultes, et en dépit du fait que tu sembles relativement bien intégrée dans la société moderne, tu ne peux nier cette sensation qui ronge le fond de ton âme. L'oubli. Cela te fait peur, et tu préfères ne pas y penser en général. Mais la réalité se heurte à toi chaque fois que tu croises le regard de tes frères, détrônés eux-aussi. Cernunnos semble le plus affecté, en proie à ses démons, s'isolant la plupart du temps. Cela te serre le coeur, et plus les évènements se déroulent, moins tu portes de pitié à ce monde et ses habitants. Pour l'instant, tu réussissais à garder la maîtrise de tes sentiments personnels au goût d'amertume et de cultes oubliés.
Désormais, tout a changé. Depuis que l'on t'as bafouée, amputée du droit d'enfanter, humiliée, les choses sont bien différentes. Tu n'as plus envie d'être conciliante. Ni gentille. Ni douce. Pas avec ces gens là, qui clament leur supériorité et vous crachent dégoût au visage. Pour l'instant, tu n'es pas en état, Merrill, encore trop faible. Du délitement. De l'avortement. Mais le jour viendra où tu leurs fera payer leur affront.
♜ CRÉDITS : Lily James - Rhumanesque




♜ LIVE :


« J'aurais aimé t'aimer comme on aime le soleil. Te dire que le monde est beau, et que c'est beau d'aime. J'aurais aimé t'écrire le plus beau des poèmes, et construire un empire juste pour ton sourire. Devenir le soleil pour sécher tes sanglots et faire battre le ciel pour un futur plus beau. »


Une clairière au milieu de la forêt. Puits de lumière. Au centre d'un cercle de pierre, trois divinités.
Le foulement discret, curieux, respectueux des cerfs se fait entendre tout autour de la clairière. Ils viennent assister à l'oeuvre de leur maître cornu. Les arbres eux-mêmes semblent écouter, attentifs, les feuilles silencieuses. Un silence presque religieux. Imperturbable.
Moment hors du temps.

D'abord, il y a Cernunnos. Bois majestueux, port de tête fier. Dans toute sa splendeur. Toute sa beauté révélée, ainsi immergé dans une nature immaculée. Son regard brille d'émotion.
Puis, face à lui sur la droite, se tient Lug. Plus lumineux que jamais. Tout comme son frère, il se tient dos droit face à l'honneur qui est le sien aujourd'hui, un sourire étirant ses lèvres, la malice pétillant au fond de ses yeux.
Enfin, aux côtés de Lug, et face à Cernunnos, toi. Eithne. Resplendissante comme tu ne l'as jamais été. Le menton légèrement relevé, sourire reflet de celui de Lug. Le bonheur qui prend sa source au fond de ton être semble se déverser par tes prunelles noisette, aujourd'hui presque parsemées de paillettes d'or.

Triade divine, vous vous tenez ainsi. Droits. Heureux. Fiers.
La nudité qui vous habille n'ôte rien à cette dignité. Tous trois dans le plus simple appareil, sous le regard de la nature et ses habitants. Face à vous-même. Il n'y a aucune honte. Aucune pudeur. Aucun secret.
Simplement la pureté. Celle d'une renaissance. Celle qui démontre la force de vos sentiments respectifs.

Les seules choses qui habillent un tant soit peu vos corps, sont des compositions végétales surmontant vos têtes. Couronnes de fiches branches entrelacées, de fleurs fraîches. Oeillets et orchidées. D'un blanc presque irréel. Contrastant avec les cheveux sombres des mâles, s'accordant avec les vagues de boucles blondes qui descendent jusqu'en bas de tes reins.

Cette union, Eithne, tu ne l'imaginais pas autrement. Seulement vous trois. Comme vous l'êtes souvent d'ailleurs. Au fil du temps, votre trio est devenu une évidence. Tu n'imagines pas ton existence sans Cernunnos. Encore mois sans Lug.
Lug, le Brillant.
L'amour que tu portes au dieu est indescriptible. Impossible d'y mettre de simples mots. Inexplicable par la parole. Voici donc venu le temps des actes. Le jour de l'union. Celle qui scellera vos longues vies, liera vos noyaux de la plus belle des manières. Celle qui marquera le renouveau. Un long chemin qui s'ouvre à vous.

Et toujours en compagnie de Cernunnos. S'il n'est pas dans sa nature de sceller les choses à jamais, il n'aurait sans doute laissé personne prendre sa place. Son honneur. Sa fierté d'unir les deux déités qui lui sont le plus proche. Le plus attaché.
Ni Lug, ni toi, n'aurez voulu d'une autre main pour unir les vôtres.
Destins entrelacés, envers et contre tous.

Le rituel est d'une simplicité presque étonnante, comparé aux rangs et importance des personnes qui l'accomplissent. Le partage d'une coupe où Lug boit une gorgée d'eau, Eithne en revanche, tu dois seulement y tremper les lèvres. Vient ensuite le partage du pain, que tu dois rompre pour en manger une bouchée et tendre l'autre à celui qui s'apprête à devenir ton époux. Vos doigts s'effleurent à l'échange du pain, vous tirant un sourire complice, Cernunnos vous observant d'un regard bienveillant.
Ceci étant fait, Cernunnos lève les bras jusqu'à la coiffe végétale qui orne son crâne en plus de ses bois toujours impressionnants, même quand on les voit régulièrement. De là, il détache une longueur de tissu, ressemblant à un large ruban de coton.

Tes mains rejoignent celles de Lug, vos regards s'accrochant sans pouvoir se lâcher dès que doigts s'entrelacent. Les joues rosies, Eithne, tu ne peux quitter le sourire que tu abordes depuis le début de la cérémonie. Le bonheur t'étoufferait presque.
Le tissu est disposé par Cernunnos, autour de vos mains liées, les alliant symboliquement. Même les cerfs semblent retenir leur respiration alors que leur dieu aux cornes festives garde ses paumes sur les mains liées pour prononcer quelques mots. Phrases soufflées avec un respect solennel.

Votre union est presque scellée alors.
Cernunnos ôte ses mains des vôtres, mais vous ne bougez pas. Immobiles un instant, vous entendez doucement votre ami, dieu et maître de cérémonie, quitter la clairière. Les cerfs le suivent, vous laissant toi et Lug à votre intimité.
Plus tard, vous rejoindrez Cernunnos. Vous boirez. Vous chanterez. Lug jouera des musiques de fêtes et toi, Eithne, tu danseras avec Cernunnos. Jusqu'à l'aube. Vous vous endormirez tous les trois, car le mariage qui vient de se dérouler n'entachera en rien votre amitié générale.
Mais pour l'instant, Eithne, tu t'abandonnes dans les bras de ton époux, ce dernier attendant à peine que la silhouette de Cernunnos disparaisse pour capturer tes lèvres avidement.
Vos mains toujours liées.



« Le ciel ne sera plus jamais aussi noir n'est aujourd'hui. Comme un soleil ensorcelé, tes yeux se perdent dans mes nuits. »


Nuages teintés de pourpre. Tu trébuches, Eithne, sur des cadavres de mortels dont tu n'as que faire.

« Cúchulainn ! »

Ta voix résonne dans le silence assourdissant du champ de bataille, déserté par la vie. Déserté par l'espoir.

« Cúchulainn ! »

Enfin, il te semble voir son armure. Qui se soulève difficilement sous sa respiration faible, agonisante. Tu fermes les yeux sous un soulagement incomplet. Tout n'est peut-être pas encore perdu...


Les cris de guerre et de souffrance remplacent les rires chatoyants. Les yeux ne se ferment pas sous l'effet des liqueurs, mais celui de la mort. Le début de ces combats ? Raison futile, avarice puérile. Dispute royale. Stupidité mortelle. Et voilà que de fil en aiguille, tu te retrouves, Eithne, à observer un combat qui ne devrait pas te concerner.
Et pourtant, il te concerne plus que tout. Au milieu des affrontements, ton fils, Cúchulainn. Consécration ultime de ton union avec Lug. Ton fils. Ton tout.
Les deux premiers jours, tu ne craignais guère pour ton enfant. Il faisait son chemin, faisant tomber les têtes. Presque invincible. Fierté maternelle. Soulagement divin.
Tandis que de l'autre côté, c'est ton statut de mère qui s'offusque, s'horrifie, alors que tu vois Findabair se faire livrer tour à tour à des généraux et des guerriers par sa propre génitrice. Echanges de service pour terrasser Cúchulainn. Si tu le pouvais, tu égorgerais la reine Medb de tes propres mains pour un acte d'une telle immondice. Comment peut-on traiter son enfant de la sorte, le livrer en pâturage à des hommes assoiffés par le sang et l'attrait d'une belle cuisse blanche. Innocence bafouée maintes fois. Tu détournes les yeux de ses évènements, Eithne, pour revenir sur ton fils qui affronte, pour la énième fois, cent guerriers. Il triomphe à nouveau, non sans blessures cette fois.

Tu sais, Eithne, que tu peux sauver ton fils. N'est-ce pas là ce que tu sais faire de mieux ? Mais ton rôle dans cet acte n'existe pas, et c'est presque suppliante que tu te jettes dans les bras de ton époux. Lug, le Brillant. Les mots sont inutiles alors que tu plonges ton regard dans le sien. Après tout, il te connait mieux que personne. C'est pourtant la première fois que tu lui offres un tel désespoir dans tes pupilles avelines. Supplique silencieuse, hurlement éteint. Tu refuses de perdre ton fils. Et si tu n'as toi même pas le droit d'intervenir aujourd'hui, Lug en revanche, en a le devoir.

C'est ainsi qu'avec le regard d'une femme éperdument amoureuse et le sourire d'une mère rassurée, que tu veilles sur le sommeil de ton fils. Sommeil qui, une fois les blessures soignées par Lug, dure trois jours et trois nuits. Le calme avant la tempête. Les autres pensaient-ils que le guerrier invincible était vaincu ? Quoi qu'il en soit, tu es là, Eithne, pour assister au massacre de Murthemme. Tu souffres, bien sûr, de voir ton Irlande dévastée. Comment ne le pourrais-tu pas ? Les épaisseurs de cadavres s'entassent, mais le blason ennemi à celui de ton fils sur leurs armures, apaise un peu ta peine. À tes yeux, il vaut mieux mille morts plutôt que celle de ton fils unique. Même si ces autres morts sont source d'autres peines maternelles. Égoïsme. Tu n'en as pas honte. Toutes les mères seraient du même avis. Pas la reine Mebd en l'occurrence, qui promet encore une fois la main et la vertu bafouée de sa fille. Nausée.

Ce massacre inquiète la reine qui, encore une fois en promettant la main de sa fille, ainsi qu'en faisant appel à la magie de ses druides et au plus glorieux guerrier de ses rangs, organise un duel. Tu ris, Eithne, malgré la magie et le valeureux Ferdiad. Tu ris d'une victoire qui, sans le savoir, ne sera pas tienne. Pendant trois jours, les deux hommes se battent. La nuit, chacun panse ses blessures. Au bout du troisième jour, le ton monde bascule. Le hurlement que tu pousses, Eithne, est si puissant qu'il résonne dans tout le pays comme un grondement, écho à celui de Cúchulainn quand l'épée de son adversaire pénètre sa poitrine. Dans un effort ultime, comme galvanisé par sa blessure, ton fils ôte la vie de Ferdiad.
Immédiatement, ton fils est emmené dans la source d'eau la plus proche où ont été  déposées des herbes médicinales par les Tuatha Dé Danann.
Si cet acte est bien loin de marquer la fin de la bataille, ton regard n'est plus tourné vers les massacres ni les cadavres qui s'amoncellent. Impuissante, face à l'inévitable, tu observes ton fils agonisant. Pendant plusieurs jours, c'est toi, Eithne aux multiples visages et talents, déesse et épouse de Lug, c'est toi qui te retrouve à prier. Comme n'importe quelle mère le ferait pour son enfant. Tes mots de poésie sonnent de plus en plus creux à mesure que l'issue fatale se rapproche.

Enfin, la bataille finale. En dépit de tout, tu détournes ton attention de ton fils pour la reporter sur le champ de guerre. Tu l'as bien sentit, la présence guerrière de ta soeur, tout du long des combats qui durent depuis bien trop longtemps. La nuit dernière, elle s'est faite plus présente encore. Provocante, excitante pour les guerriers des deux camps qui s'affrontent alors jusqu'à la capitulation. Jusqu'à la mort.

Il t'a toujours été étrange Eithne, de voir que la fin d'une guerre puisse être considérée comme une victoire pour certain. La véritable victoire aurait été de ne pas se battre ainsi, de ne pas verser tout ce sang qui abreuve alors l'Irlande à flots incessants. Inutiles.
Dans le torrent, reste encore Cúchulainn. Pas mort, mais pas tout à fait vivant non plus. Les combats étant terminés, tu t'autorises enfin à intervenir.

« Cúchulainn ! »

Ta voix résonne dans le silence assourdissant du champ de bataille, déserté par la vie. Déserté par l'espoir.

« Cúchulainn ! »

Enfin, il te semble voir son armure. Qui se soulève difficilement sous sa respiration faible, agonisante. Tu fermes les yeux sous un soulagement incomplet. Tout n'est peut-être pas encore perdu. Tu te précipites vers le torrent, Eithne. Ton fils de l'autre côté.
Le courant de l'eau s'enroule immédiatement autour de tes chevilles, imbibe ta tunique. Alors que tu traverses en direction de ton fils, à quelques pas de lui, tu t’interromps.
Ton regard s'accroche à celui de la corneille posée sur Cúchulainn. Des gouttes de sang coulent du bec. Le doute n'est pas permis, et si ton époux est capable de telle transformation, tu sais qu'il s'agit d'un autre. D'une autre. Un instant de flottement pendant lequel femme et corneille semblent se dévisager. Sentiments contradictoires dans les deux camps.

« Morrigan... »

Murmure. Murmure supplique. Murmure prière.
Murmure douleur.

L'oiseau prend son envol alors que dans son premier battement d'aile résonne le dernier souffle de vie de Cúchulainn.
Tu te brises de l'intérieur.

Quelle ironie, que le jour qui voit la mort de ton fils soit Samain. Le Samain le plus sombre. Le Samain qui sera à jamais période de deuil pour toi. D'ordinaire, tu fêtes, tu célèbres, dieux et mortels mélangés, le passage du clair à l'obscur. D'un cycle à l'autre. Cette rupture dans la vie quotidienne, fête hors du temps.
Rien ne sera plus pareil désormais. Les siècles qui passent n'enlèvent rien à la douleur qui est tienne. Tu la ressens chaque jour, chaque instant que ce monde fait. Elle atteint son apogée à un moment précis de l'année.
Dans ce monde d'aujourd'hui, chrétien à en étouffer, Samain entoure une fête célébrée par beaucoup, surtout les enfants. Halloween. À l'hôpital, c'est une période légère pour les jeunes qui voient leurs quotidiens un peu égayé, moins morose. Ironie ultime. En général, tu te forces, Merrill, à aller au travail, les trois jours qui précèdent et les trois jours qui suivent. Pour les enfants qui eux, ne sont pas encore partis. Mais le soir même, lors du passage d'un mois à l'autre, c'est au-dessus de tes forces. Un jour et une nuit entière pendant lesquels, laquelle ta souffrance est physique. Allant jusqu'à te clouer au lit, suppliant tes frères de te laisser ou au contraire, de te porter à la rivière qui traverse la ville avant de se jeter dans l'océan.
Au début, tu en avais honte. D'être ainsi touchée par la mort infantile, de ton propre enfant, ou ceux des autres. Mais ce n'est pas quelque chose que tu peux changer. Tu ignorerais tout ça, si seulement ce n'était pas dans ton toi profond. Au même titre que les arts pour Garrett, ou que la nature pour Erwan. Alors la honte a fait place à la lassitude. L'angoisse qui te gagne au fur et à mesure que cette période de l'année approche. Les siècles n'y changent rien.
Un temps, tu as pensé faire un autre enfant, même s'il a fallu plusieurs vies pour que tu effleures cette possibilité. Désormais, tu n'en as plus le droit. Même si Lug était toujours ton époux, tu n'aurais pas le droit de porter votre enfant. On t'a arraché cette possibilité depuis des années, et ça te ronge. Nourrissant un peu plus chaque année ta haine et ta colère que tu tentes pourtant d'enfouir, car elle ne te ressemble pas. C'est pourtant bien présent, comme la lave bouillonnante au creux d'un volcan qui menace à tout moment d'entrer en éruption.
Tu n'es plus déesse en ces lieux et pourtant, le Cénacle t'ôte ce qu'il te reste de plus précieux.
Le droit d'enfanter.
Le droit d'être mère.
Quelque chose que même les mortels peuvent faire. Bien que certains ne le méritent guère. Indignes.
L'injustice et l'humiliation s'ajoutent à la colère. La nourrissant inévitablement.



« Moi, contre ton épaule je repars à la lutte. Contre les gravités qui nous mènent à la chute. Pour faire du bruit encore à réveiller les morts, pour redonner éclat à l'émeraude en toi. Pour rendre au crépuscule la beauté des aurores. Dis-moi que brûle encore cet espoir que tu tiens, arce que tu n'en sais rien, de la fougue et du feu que je vois dans tes yeux. »

Tu le sais depuis longtemps, Eithne, que la véritable famille n'est pas forcément celle qui nous est attribuée. La seule et unique, celle qui compte, celle qui a de l'importance, c'est celle que l'on choisie. Celle qui t'a choisie. Pas directement, c'est vrai. Mais la vie et le destin aiment à prendre des détours. Peut-être pour que la récompense au bout du chemin soit des plus savoureuse. Aujourd'hui, tu considères ce clan comme ta propre famille. Ce clan qui a sacrifié en l'honneur de Cernunnos, et que Lug et toi avez suivi sans indiscrétion. Ce clan qui, aujourd'hui et en dépit de tout, chante vos louanges et vous aime sans honte. Ce clan dont vous partagez les vies, arrivés et départs. Ce clan que vous aidez autant que leurs prières et offrandes vous offrent tout ce dont vous avez besoin : la divinité. Un dieu n'est rien sans fidèle.
Un souvenir.
Une légende.
Ombre et poussière.

Cela fait presque une année que tu as rejoint les MacTavish aux côtés de Lug, en suivant Cernunnos. Une année comme tu n'aurais jamais pensé en vivre. Ce sont eux, ces hommes, ces femmes et ces enfants, qui t'ont réellement appris à aimer les mortels. Ils t'offrent l'espoir, ils prolongent ton règne. Sans même s'en rendre compte, chacun des membres qui le compose, porte au creux de ses mains ta survie éternelle. Toi, Eithne, fille d'Irlande, tu te surprends à te sentir chez toi dans ce pays où la vie et les siècles t'ont menée. La reconnaissance que tu voues à ce clan et à l'image de celle que ses membres te portent, ainsi qu'à tes frères.
En effet, lors de votre arrivée, Cernunnos, Lug et toi, vous êtes présentés comme cette fraternité dont vous portez encore le nom aujourd'hui. Cela rend les choses plus simples. Officiellement en tout cas. Et au début, c'est un peu compliqué. Si entre Cernunnos et toi, Lug et Cernunnos, la chose est simple, il en va autrement entre Lug et toi.

Après tout, n'est-il pas ton époux ? Pourtant, vous présenter comme une fratrie vous a fait rire, le jeu est amusant, la mascarade presque enfantine. Au final, tu te rends compte, Eithne, que ce n'est peut-être pas totalement faux.
Depuis quelques temps, tu ne saurais dire si ce sont des jours, des mois ou des années, le temps n'est guère représentatif de vos vies, tu sens que la relation que tu entretiens avec Lug change. L'amour est toujours bien présent, comme pourrait-il en être autrement ? Les sentiments que tu portes à ce dieu sont à l'image de vos vies : immuables. Chaque jour qui passe, chaque moment passé à ses côtés te rappelle la raison de ta propre existence. La perte de votre enfant n'a pas entaché cela. Et pourtant, au fil du temps, cela semble différent.
Ni moins fort. Ni moins grand.
Différent.
Tes baisers secrets sont toujours sincères, moins passionnés. Plus tendres. Tes étreintes cachées sont toujours honnêtes, moins enflammées. Plus douces.
Comme si le fait de vous présenter frère et soeur devenait une réalité. Petit à petit. Parfois encore, la passion pointe le bout de son nez. Dévastatrice. Tentatrice. Provocante. Et à nouveau, elle s'adoucit. Les flammes deviennent braises. Apaisantes. Rassurantes. Familières.

Au début, cela te faisait peur, Eithne. Ce changement incongru, inopportun. Tu craignais une dispute, une incompréhension de la part de ton époux. Tu redoutais de le blesser, chose que tu ne voudrais pour rien au monde. Tu angoissais, Eithne, jusqu'à ce que tu ne le captes aussi chez Lug, ce sourire tendre et fraternel. Un sourire nouveau, différent des autres. Tout aussi beau. Parfois encore, tu vois la passion danser dans ses yeux alors qu'il t'observe, penchée sur un enfant au coin du feu, ou bien évoluant autour des flammes pendant une célébration.

Quoi qu'il se passe, quelle soit l'issue de cette situation, il te reste une certitude, Eithne. La plus belle de toute. Celle que peu de gens, divinités ou mortels, peuvent se vanter d'avoir.
La certitude que, quoi qu'elle devienne, l'union que tu partages avec Lug et que Cernunnos a scellé il y a bien longtemps, ne se brisera jamais.



« Usé par les hommes, par le bruit qui rend fou. Usé par la vie, par les hurlements. Usé par le silence, usé par le vent, usé par l'oubli. On oublie pourtant. Qu'un jour on a vécu, que la vie est passée. Que le passé n'est plus. Et que ce jour n'est plus qu'une postérité noyée dans l'inconnu. »

« Lucy, apportez-moi des nouveaux bandages et une bassine propre. Enfin, la plus propre possible... »

Les derniers mots sont accompagnés d'un regard plein de sous-entendus, alors que tu t'adresses à l'une des jeunes infirmières sous tes ordres. La grande brune à la carrure frêle répond par un sourire et s'empresse de faire volte-face pour répondre à tes attentes. Dans un soupir, Merrill, tu te tournes vers le brancard que l'on vient d'amener. Un parmi des dizaines. Des centaines. Tu en as vu des guerres, mais celle-ci dépasse l'entendement. Impersonnelle. Lâche.
Ce ne sont même plus des hommes qui s'affrontent. Bombes larguées depuis un ciel rougit par le sang versé à flot. Explosions qui répandent la mort tant sur le moment, que par les conséquences ensuite.

L'hôpital, encore debout par on ne sait quel miracle, est plein à craquer. Les normes d'hygiène, passées à la trappe. Trop de monde. Trop de blessés. Trop de morts. Au milieu des lits de fortunes, à même le sol parfois, tu évolues Merrill. Danseuse de lumière. En ce moment, tu portes les cheveux courts, boucles d'or encadrant ton visage jusqu'au menton. Plus facile d'entretien par ces temps où la moindre denrée se fait rare. Chère. De brancards en brancards, de blessé en blessé. Un instant, tu te revois, des siècles plus tôt. Eithne, t'occupant des blessés et victimes écossaise de la bataille de Bannockburn alors que tes deux frères menaient un combat sanglant vers la victoire. À l'époque, tu pouvais réellement soigner les gens par toi-même. Aujourd'hui, personne ne souffle ton nom sur un lit de souffrance. Personne ne se doute de ce que tu aurais pu faire comme bénéfices au milieu de ce bâtiment. Au fur et à mesure que le monde t'oublie, tu t'oublies toi-même.

Au bout de ton regard, un civil blessé. Un de plus. Sa maison s'est écroulée sur lui lors d'un énième bombardement mortel. Il n'a pourtant pas l'air si mal en point, une entaille sur le bras, un genou en vrac. Tu prodigues les premiers soins standards, juste ce qu'il faut pour que rien ne s'aggrave, car il y a beaucoup d'autres qui ont plus besoin de toi en ce moment.
Mais au moment où tu t'apprêtes à te détourner de l'homme, tu sens une étrange sensation dans la poitrine. Inquiétante. Mauvais pressentiment.

Les sirènes se mettent à rugir. Telles les trompettes d'un paradis perdu. D'un enfer promis.
Les quelques secondes qui s'écoulent ensuite semblent une éternité. Action au ralenti.
Ton regard avelin par la fenêtre, qui intercepte celui de Garrett en contrebas. Ce n'est pas la première fois que tu l'aperçois rôder autour du bâtiment. Comme un animal inquiet, faisant les cent pas.
Tu as le regard plongé dans le sien quand tu l'entends. Le bruit de la mort qui arrive. L'obus. Il frôle le toit de l'hôpital pour atterrir dans le bâtiment juste derrière. L'explosion est si forte qu'elle heurte l'immeuble médical. Tu as à peine le temps de t'accroupir que déjà, les murs vous tombent dessus.
Le sol s'effondre. Le bruit a malmené vos tympans. Mais ces derniers, même endoloris, n'empêchent pas d'entendre les cris. De douleur. De peur. Terreur glacial. La poussière créée par le plâtre cassé te fais tousser, Merrill, alors que tu t'étonnes de pouvoir te relever.
Dans un réflexe, tu t'es accrochée au rebord de la fenêtre et une parcelle du sol sous tes pieds est encore là, bien que branlant et fissurée. En dessous de toi, deux étages plus bas, le rez-de-chaussée est invisible. Envahis par les décombres du premier palier. Les corps. Le pourpre.
Au-dehors, ton nom résonne.
Tu fais volte-face, ignorant les cris et les appels au secours. Haletante, poitrine qui se soulève frénétiquement, c'est d'une main tremblante que tu regardes par la fenêtre dont le verre a été soufflé dans l'explosion. Les débris sur le trottoir en contrebas. Garrett au milieu. L'horreur sur son visage te frappe de plein fouet et tu manques d'exploser en sanglot à cause de ton égoïsme. De ta bêtise d'avoir voulu continuer à venir ici, t'occuper des gens, au détriment de ta vie et par extension, de celle de tes frères. Plusieurs fois, Garrett a voulu te faire changer d'avis, tout comme le silence d'Erwan. Des mains ont essayé de te retenir, mais tu t'es entêtée, Merrill. À remplir comme tu le pouvais ton devoir. Envers qui ? Des mortels qui ont oublié jusqu'à ton existence passée.
Encore plus que l'obus, la culpabilité te coupe le souffle.

Alors tu n'hésites plus Merrill. Tu décides de rentrer chez toi. Avec les seuls qui comptent vraiment à tes yeux. Les derniers qui croient en toi malgré tout.
Derrière toi, le gouffre béant et les cadavres agonisants qui le remplissent ne te permettent pas une voie de sortie. Ainsi, tu enjambes le rebord de la fenêtre. Sur cette façade désormais unique et branlante de l'hôpital, tu suis la corniche sous les sirènes qui continuent de cracher leur avertissement, jusqu'à une gouttière. Tu t'accroches à cette partie métallique alors que, quelques rues plus loin, une nouvelle explosion fait trembler la ville. La suite, c'est comme si tu ne t'en souvenais pas. Tu n'as pas le temps de sentir le sol sous tes pieds que déjà, tu te retrouves dans les bras de Garrett. Là encore, tu retiens tes larmes brûlantes de regrets. Tu ravales ton remords.
La maison est bien trop loin pour faire le chemin avec les bombes qui tombent, présents empoisonnés du ciel. Des hommes. Vous rejoignez l'abri le plus proche. Station de métro qui n'en a plus que le nom.

L'endroit est déjà plein à craquer. Les gens se serrent les uns contre les autres. Familles, passants, inconnus. La peur et la douleur rapprochent les hommes autant que la joie.
Seulement alors, tu détournes les yeux de ce spectacle que tu ne connais malheureusement que trop bien, reportant ton attention sur Garrett. Un étrange sentiment semble l'habiter. La colère, car il t'avait bien prévenue. L'inquiétude passée, qui tarde à s'éteindre. Le soulagement, que tu sois saine et sauve.
Sous le bruit des sirènes et les tremblements des bombes, tu te mets sur la pointe des pieds, Merrill, passant tes bras autour du cou de ton frère. Tes lèvres viennent se poser contre son oreille.

« Je suis désolée. Je ne partirais plus. »

Non, Merrill. Tu ne partiras plus de la sorte. Pas ainsi. Pas dans ces conditions. Aveuglée par ton désir d'aider le plus grand nombre, tu en as ignoré par mégarde ceux qui avaient le plus besoin de toi. La culpabilité te ronge et tu te promets silencieusement de te faire pardonner. Même si au fond, aucun des deux dieux déchus ne peut réellement t'en vouloir.

Une bassine entre les bras, un petit sac sur l'épaule, c'est Garrett qui doit t'ouvrir la porte de la cave. Vous échangez un sourire qui se veut rassurant, sans parvenir à masquer la tristesse et l'inquiétude au fond de vos yeux un peu trop brillants. C'est pourtant armée de ton plus beau sourire, selon ce que tu es capable de faire en de pareilles circonstances, que tu descends dans l'abri.
Plongé dans le noir, tu manques de trébucher sur la dernière marche et tu allumes la lumière. Il est là, il n'a pas bougé depuis des jours. Cernunnos. Erwan. Ton frère. Cette guerre au-dessus de vos têtes est plus brutale, plus traumatisante qu'elle ne le sera jamais pour personne d'autre. Ton sourire inutile quitte tes lèvres. À quoi bon ? Ce n'est pas de cela dont il a besoin.

Après quelques pas, tu déposes la bassine, le petit sac contenant serviette et un bout de savon que tu avais pris à l'hôpital. Ainsi que des vêtements plus propres. Cela se fait si rare. Ton regard glisse sur Erwan, son dos, sa nuque. Ses cornes en désordre. Fades.
Usant de toute la tendresse du monde, teintée d'une pointe de fermeté pour montrer qu'il est inutile de protester, tu le redresses tant bien que mal. Mais il ne proteste pas. Plus. Poupée désarticulée que tu mènes jusqu'à la chaise jouxtant les objets que tu viens d'amener.
Sans un mot, le silence uniquement brisé par les frottements des vêtements et vos respirations, tu déshabilles ton frère. Comme on le ferait d'un enfant. Ton regard tient d'ailleurs plus de la mère que de la soeur en cet instant. Mère inquiète. Mère amour. Mère tendresse.

Tu remontes les manches de ton petit pull pour attraper le savon et plonger tes mains pâles dans l'eau. Froide. Le peu de gaz qu'il vous reste, il sert à la cuisine. Si on peut appeler chauffer des boites de conserve cuisine. Tes mains, fines, délicates, se couvrent de mousse sans odeur. À genoux, boucles blondes en bataille, tu entames la toilette de ton frère. Ses jambes d'abord, mollets, cuisses, que tu rinces et sèche dans la foulée. Le but n'est pas de le rendre malade d'avantage.
Tandis que tu te redresses pour décrasser ses bras, son torse, la maigreur d'Erwan te frappe à nouveau. Avec tant de force que tu manques de chanceler. Toujours en silence, tu passes le pain de savon sur ses épaules, son dos tendu par le stress. Les gestes sont empreints d'une douceur infinie contrastant ensuite avec le frictionnement de la serviette. Tu as vu sa peau avoir la chair de poule sous l'eau glaciale. Tu tentes comme tu peux de le réchauffer un peu.
Derrière, tu passes une main sèche dans ses cheveux. Effleure un bois du bout des doigts. Soupir. Nostalgique. Mélancolie qui étreint ton coeur.

Rhabiller Erwan n'est pas non plus une mince affaire, mais tu es satisfaite de le savoir au moins propre alors que tu le raccompagnes jusqu'à sa couche, le soutenant de tes forces, les siennes le quittant plus chaque jour où il refuse de se nourrir. Ton frère allongé, tu remontes une couverture jusqu'à ses épaules. Dépose un baiser sur la tempe.
Comme tu es venue, Merrill, tu repars. Bassine à l'eau sale et savonneuse entre tes bras. Chaque fois, c'est un déchirement. Dans ton coeur. Dans tes entrailles. Tu détestes le voir ainsi, ton frère bien-aimé.

Le regard dans le vide, tu fixes sans la voir l'eau de la bassine qui s'écoule dans l'évier de la petite cuisine. Mains appuyées sur le marbre, tu n'entends même pas les pas de Garrett sur le carrelage. Sa main venant se poser sur ton épaule te fait sursauter et tu te retournes pour finalement lui adresser un faible sourire.

« Tu devrais aller dormir un peu. »

Docilement, épuisée, tu hoches la tête pour acquiescer. L'une de tes mains encore froide par la toilette faite à Erwan, vient presser doucement celle de Garrett. C'est sur ce geste que tu quittes la cuisine pour rejoindre ta chambre.
Tu sais que tu ne dormiras pas beaucoup, Merrill. Et ce ne sont pas les cauchemars qui auront raison de ton sommeil, mais la réalité. À coups de sirènes et d'explosions sourdes. Alors vous descendrez tout deux au sous-sol, rejoignant votre frère. Garrett jouera, vaine tentative de masquer le bruit de la mort industrialisée. Apaisant un peu vos coeurs tout de même. Quant à toi, Merrill, tu t'installeras près d'Erwan, prenant parfois sa tête lourde de chagrin sur tes genoux. Caressant son front. Fredonnant avec la musique.
Sous les bombardements de Londres, vous êtes ensemble.
Comme vous le serez toujours.






Mer 13 Juil - 23:05
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Merrill MacTavish
She's like a perfume of night that would have the taste of sunrises





« Ils naissent un matin et comble de bonheur. Poussent un premier cri qu'ils pousseront toujours. Qu'ils sont beaux d'innocence et qu'ils sont beaux d'espoir. Qu'ils sont beaux de jeunesse. Qu'ils sont tristes d'y croire. »

Il est tard. Après une journée mouvementée, c'est une nuit calme qui s'insinue dans les couloirs de l'hôpital. Au dehors, dans le parc désert où se promènent quotidiennement patients et visiteurs, la lune, ronde et grosse, déverse sa lumière d'argent sur les arbres et la pelouse. Les fleurs sont closes dans les massifs endormis, frémissant sous une brise. Légère. Fraîche.
Toi, Merrill, tu observes cette quiétude depuis la fenêtre ouverte de la salle de repos. Tu as détaché tes cheveux, cascade de boucles d'or, et tes pupilles avelines se cachent derrière tes paupières alors que le petit vent nocturne vient caresser ton visage. Communion. Un café trop sucré entre les doigts, tu as besoin de ce moment de solitude. Pour palier à ce qui va inévitablement se produire. Tu t'en doutes depuis ce matin, Merrill, et ce pressentiment morbide ne t'as pas quitté de la journée.
Nausée.
Goût amer, âcre dans la gorge, que la caféine teintée de trois sucres ne parvient guère à camoufler. Et comme pour te donner raison, une fois de plus, l'une de tes collègues entre dans la salle de repos. Petite rouquine, un peu ronde, yeux émeraude et sourire d'ange. Pourtant, le sourire, elle ne le montre pas à cet instant, alors qu'elle s'adresse à toi d'une voix lourde. Chagrin qui lui tord les entrailles. Lui serre la gorge. Quelques mots, les mêmes que d'habitude lorsque tu es de service de nuit. Avec un sens bien différent. Peut-être parce que c'est la dernière fois que Charlotte les prononce. Ou que tu les entends. Ce que ça implique vous brise leur coeur à chacune.

« Il te réclame, Merrill. »

Tu retiens un soupir. Esquisse un semblant de sourire.

« J'y vais. »

Ton gobelet atterrit dans la poubelle au moment où Charlotte quitte la pièce, de nouveau silencieuse. Tu passes tes mains fines sur ton visage fatigué, frottes tes yeux cernés. Depuis quand n'as-tu pas dormi ? Même ton chef de service te l'as fait remarquer. À moins que ce ne fut qu'une tentative de charme. Minable. Tes cheveux reviennent se coincer dans ton élastique en queue haute et à ton tour, tu quittes la salle de repos. Pas reposée pour un sou.
Les couloirs suintent une odeur que tu dois être la seule à sentir. Nauséabonde. Sinistre.
Pestilentielle.

Le nom du monde est souffrance.
Au prix d'un terrible effort, et parce que tu n'as guère le choix, tu te diriges vers la chambre où tu te rends chaque nuit depuis un mois. Petite chambre colorée pour un petit garçon. Colorée pour rompre la monotonie, pour offrir de l'espoir. Mais les condamnés n'ont pas besoin d'espoir. Tu pousses la porte de la chambre, Merrill, en prenant une inspiration.
La lumière est allumée. Immédiatement, deux grands yeux d'un bleu aussi pur que le ciel aux premiers jours du monde, te transpercent. Imperceptiblement, tu chancelles. Puisque c'est la dernière fois, et comme si c'était la première, tu lui offres un sourire. Le plus beau que tu possèdes. L'éclat de joie dans ce regard azur te réchauffe le coeur, et tu prends place à côté du lit.
Une petite main se tend vers toi, et tu n'hésites pas à la prendre entre les tiennes. Chaleur. Réconfort. Tu n'as pas besoin de regarder les moniteurs, les statistiques respiratoires, ni aucune autre de ces machines impersonnelles. Tu vois le torse menu qui tremble à chaque expiration. Tu sens le pouls bien trop lent. Tu entends les pleurs silencieux qui inondent des joues encore rebondies, et qui n'auront jamais l'occasion de se parer de barbe.
Le nom du monde est souffrance.
Il lève son regard vers toi, Merrill, et ce que tu peux y lire te bouleverse. Dans ce petit bout d'homme, il y a tellement plus. Tellement plus de choses qui auraient pu éclore avec du temps, de la vie. Ce n'est pas son destin. Ses parents ne sont pas présents. Ils ne le sont jamais, sauf pour remplir des chèques. Tu bous, de savoir des mères aussi antipathiques. Aussi indignes. Depuis un mois, c'est toi que cet enfant regarde avec les yeux de l'amour. De l'admiration. De la reconnaissance. Il se meurt un peu plus chaque jour, et plus il s'éteint, plus tu t'attaches à lui. A son faible sourire, derrière le masque à oxygène. À ses mains, toujours à la recherche des siennes. À ses yeux, qui te rappellent tant ceux de ton défunt fils. Est-ce pour cela, Merrill, que tu as tant voulu donner à cet enfant ? Parce qu'il te rappelle celui que tu as eu un jour lointain et que l'on t'a arraché au détour d'une bataille sanglante ? Une ombre assombrit ton regard que tu t'empresses de cacher derrière tes paupières, alors que tu repenses à ta sombre soeur, devenue corneille et picorant les plaies sanglantes de ton fils à l'agonie. Hideuse.
Un sursaut au creux de tes mains te ramène à la réalité. Ton regard se pose sur l'enfant. Tendrement. Aussi amoureusement que le regard d'une mère. Ce que tu n'as jamais cessé d'être. Pendant des secondes qui semblent des siècles, tu l'observes en silence. Le bruit des machines est insupportable. Lâchant les petites mains moites, tu mets en sourdine les appareils. Tu n'as pas besoin de leurs signaux pour savoir. En douceur, tu t'installes sur le bord du lit. L'enfant se blottit contre toi, des larmes coulant à nouveau sur ses joues pâles. Joie. Douleur. Gratitude. Tu te fais violence, Merrill, pour ne pas pleurer à ton tour. Tes mains passent dans les boucles brunes, caressent un front brûlant. Doucement, tu berces cet enfant qui n'est pas le tien.

« Baby mine, don't you cry. Baby mine, dry your eyes. Rest your head close to my heart, never to part, baby of mine... »

Depuis des semaines, il te réclame cette chanson toutes les nuits. Ta voix douce, cristalline, résonne dans la pièce dénuée des signaux médicaux. Tu chantes, Merrill, pour cet enfant que tu aimes comme le tien. Pendant de longues minutes. Des heures. Interminables. À un moment, tu sens la présence de Charlotte derrière la porte, accompagnée du médecin en chef du service. Ils n'osent même pas entrer. De toutes façons, il n'y a plus rien à faire.
A part peut-être, apaiser un peu son départ. Vestige, miette de ce qui te rendais autrefois si utile sur un champ de bataille. Le lien avec les élus MacLeod ne te permet pas grand chose, tu vivotes. Tu survis. Ta seule énergie, tu la consacres à ce petit corps tremblant. Ta main toujours dans ses cheveux finit par se glisser sur le front de l'enfant. Il ne se rend compte de rien mais, imperceptiblement, son souffle s'apaise un peu. Voilà tout ce que l'on te permet de faire dans ce monde.
Tu continues de chanter, Merrill. Jusqu'à ce que le soleil audacieux pointe à l'horizon. Ignorant que la clarté qui vit en toi suffit à illuminer le monde, l'astre solaire glisse un rayon indiscret entre les volets. Prudent, il se garde toutefois d'atteindre le lit médical et se contente d'arrêter sa course au pied de ce dernier, déposant une brume dorée sur le carrelage. Entre tes bras chauds, la froideur. Implacable. Destructrice. Irréversible.
Le nom du monde est souffrance.
Et désespoir.
Ton impuissance t'étouffe. Délaissant le lit alourdi par la mort, tu quittes précipitamment la chambre. Tu croises Charlotte. Qui tente de te parler. Tu la dépasses vivement sans même un mot. Tu as besoin d'air.

L'air marin fouette ton visage, emmêle ta chevelure à nouveau libéré du joug d'un élastique afin de respecter les normes de l'hôpital. Tu portes encore ta tenue, blouse bi-colore, blanche et rose, caractéristique du domaine pédiatrique. Tes chaussures ont été abandonnées un peu plus en amont de la plage. Désormais, tes pieds nus s'enfoncent un peu plus dans le sable à chaque vague. Écume autour de tes chevilles, l'engloutissement sableux reflète celui de ton esprit. Lent mais inévitable.
Une inspiration profonde et tu extirpes tes pieds engloutis par la plage pour avancer jusqu'à ce que les vagues se cassent sur ton ventre. Encore.
Et encore. Tu laisses les remous te malmener gentiment, l'océan est plutôt calme ce matin, alors que le soleil continue sa course inexorable vers le petit matin. La surface de l'eau est telle de l'or liquide, se reflétant en mille paillettes et esquisse de fée dans tes prunelles sombres. Sans plus attendre, Merrill, tu plonges.
La fraîcheur de l'eau est comme une gifle bienfaitrice. Dans ton élan qui te fait fendre l'eau et les vagues, tu sens les millions de petites bulles d'air générées par ton mouvement glisser sur ta peau, passer sous ta blouse, caresser ton visage. Chatouillement familier, rassurant. Alors que tu te maintiens sous l'eau, tu as l'impression de respirer à nouveau. Toi qui suffoquais depuis ton départ de l'hôpital. Ton rapport avec l'eau a toujours relevé de l'histoire d'amour. L'eau pureté. L'eau guérison.
L'eau oubli.
Pendant tes jeunes années, tu passais des journées entières à te baigner dans lacs et rivières, te délectant de la sensation de flottement et d'immersion qu'offre un plan d'eau. Comme les bras d'un amant.
Tu te blottis dans les vagues. Tu joues avec le courant. Embrasse la force des remous. Parle avec le murmure qui gronde jusqu'à devenir fracas sur le sable.

Quand enfin, tu te retournes vers le sable, une silhouette se tient aux abords de l'eau. Sous un sourire, tes yeux se plissent. Rougis par le sel. Celui des vagues. Celui de tes larmes.
Tu quittes l'eau en te dirigeant vers cette silhouette immense que tu ne connais que trop bien. En dépit de ta blouse trempée qui colle à ton corps, de tes cheveux infiniment longs, car rendus raides par l'océan, tu arrives à cette silhouette contre laquelle tu te blottis sans crainte. Sans honte. Des bras se referment autour de toi et tu enfouis ton visage contre ce torse.
Dans un souffle, un murmure reconnaissant, tu prononces son nom. Son véritable nom. Comme un rêve oublié. Une esquisse de réalité.

« Lug... »

Ta voix douce est rauque ce matin, d'avoir chanté toute la nuit pour cet enfant désormais cadavre, d'avoir bravé les vagues fraîches, d'avoir pleuré. Dans ce simple mot, tu y mets tellement de choses, Merrill. Du regret, de la tristesse, de la fatigue. Ton impuissance dans ce monde te ronge de plus en plus. Autour de toi, les bras se resserrent. Rassurants, protecteurs. Fraternels. Il t'étreint, toi celle qui fut autrefois la mère de votre enfant, comme une soeur. D'aucuns appelleraient cela un mariage raté. Pour toi, il n'en existe pas de plus beau. Combien, dans ce monde de pêchés et de trahisons, peuvent se vanter d'avoir encore de bons rapports avec un ancien époux, une ancienne femme ? Très peu. Et même quand il y en a, subsistent toujours jalousie et souvenirs tristes. Avec Lug, tu ne connais rien de tout cela. Si les siècles n'ont pas su tenir la flamme passionnée, c'est qu'elle s'est changée en lit de cendres encore chaudes contre lesquelles il fait bon se reposer. S'appuyer.
Comme tu t'appuies contre lui en cet instant, l'éclat du soleil entourant vos corps entrelacés. Tu n'as pas besoin de demander comment, ou pourquoi il est là. Il sait. Sans un mot, sans un regard, Lug sait. Le mal qui te ronge. Les sentiments qui te submergent. Parce que ce n'est pas la première fois. Cette impression qu'on t'arrache les entrailles à mains nues, elle n'est pas nouvelle. Pour autant, tu ne t'y habitueras jamais. Un peu comme une malédiction maternelle.
Tu restes un moment dans les bras de ton frère. Ou alors ne se passe-t-il que quelques secondes ? Dur à dire. Le manque de sommeil se fait sentir, exacerbé par les émotions et ta baignade matinale.
Puis des mots, soufflés avec douceur mais fermeté. Paroles que tu ne peux qu'approuver, acquiesçant d'un signe de tête.

« Rentrons chez nous. »

Chez vous. La maison. Home sweet home.
Au final, peu importe le lieu, le bâtiment, tant que tu es avec tes frères tu te sens chez toi. Sur les routes, dans une hutte, une forêt. La présence de Lug et Cernunnos suffit à constituer un foyer à tes yeux.
Tu devrais te reposer, Merrill, mais il te reste une dernière chose à faire aujourd'hui. Pour terminer correctement ta journée. L'une des plus importantes. Ce n'est même pas la douche que tu es en train de prendre, l'eau brûlante assouplissant ta peau, la rougissant, enlevant sable et sel marin. La douche n'est qu'une étape avant ce que tu dois faire.
Malgré la chaleur de l'eau, tu as froid ce matin. Alors par-dessus ton pyjama, tu enfiles un peignoir épais avant de rejoindre la cuisine. Tu as du retard, à cause de ton escapade à côté du port, mais tu tiens tout de même à accomplir ce petit rituel. Habitude presque maternelle. Ton esprit est embrumé, mais effectuer ses gestes presque mécaniques, car répétés des centaines de fois, t'aides à t'accrocher à la réalité. C'est finalement un plateau sur les bras que tu te diriges vers la cave.
Le silence y règne en maître, signe que les occupants sont encore endormi malgré ton retard inhabituel. Tu déposes le plateau de petit-déjeuner sur une table, là où il y a de la place à vrai dire. Le tintement réveille l'un des protagonistes qui vient se frotter à tes chevilles, te tirant ainsi un sourire. D'une flexion des genoux, tu te penches pour prendre Ghaidhealtachd dans tes bras. Ronronnement. Tu enfouis ton nez dans la fourrure rousse à l'odeur rassurante. Le félin quant à lui, semble toujours apprécier ton peignoir épais, puisqu'il le malaxe de ses griffes comme un chaton qui tète sa mère. Malgré la fatigue, cette constatation te fait sourire et tu te diriges vers Cernunnos. Il semble endormi, mais il peut très bien ne pas l'être. Tu sais qu'il a du mal avec l'attachement que tu voues aux enfants humains, après tout, toi-même, tu ne le comprends pas entièrement. Tu pars seulement du principe qu'un enfant, qu'il soit humain, animal, divin, n'est en rien responsable des actes de ses géniteurs. Même si il est capable par la suite de les perpétuer ou de les reproduire. Tout enfant mérite une chance. Mais tu comprends également ton frère, tu sais à quel point la vie ici est dure pour lui. Tu ferais tout pour qu'elle lui soit plus agréable. Pour qu'il cesse de n'être plus que l'ombre de lui-même. Qu'il retrouve sa grandeur. Son sourire.

Délicatement, tu ôtes les griffes de Ghàidhealtachd de ton peignoir pour reposer l'animal sur le sol de la cave, non sans l'avoir embrassé au préalable. Brièvement, ton regard se pose sur ton frère avant que, aussi légère qu'un rêve, tu t'allonges à ses côtés sans un bruit. Tu sombres dans un sommeil profond avant même d'avoir fermé les yeux.




« Y' a ces ombres derrière nous, et ces idées vendus. Ces drapeaux qui flottent, et des hymnes dessus. Et puis y'a toi mon frère, oui toi qui n'y crois plus. Et puis y'a nos prières et et nos causes perdues. Oui ils nous ont traqué comme on chasse les oiseaux. Menacés mais libres. »

La cuisine familiale. Quel autre nom donner à cette pièce à vivre de votre demeure ? Ouverture sur le salon par un bar pratique et esthétique. Aujourd'hui semble être un de ces jours où tout va pour le mieux. Comme si rien ne pouvait l'entacher. En dépit du monde qui vous oublie. En dépit des règles que l'on vous impose contre une survie précaire. Ton regard doux se lève des pommes de terre que tu es en train de nettoyer dans un saladier, ramenées précédemment du marché par Erwan. Ce dernier est actuellement enfoncé dans un fauteuil du salon, Ghàidhealtachd endormi sur ses genoux. Dans un canapé non loin, silhouette fine aux longs cheveux de feu.
Avalon.
Comme a chaque fois que tes prunelles avelines se posent sur l'enfant, une bouffée de bonheur t'étouffe. Frémissante. Sourire attendri qui étire tes lèvres.
Ton enfant.
Cúchulainn.

Pourtant, ce fut difficile. C'était il y a six ans. Évidemment, tu t'en souviens comme si c'était hier. Cernunnos qui ramène une enfant, fillette perdue. Oubliée. Qui annonce qu'il doit s'entretenir avec Lug et toi.Une rejetée des MacLeod. Un poids, un fardeau, que l'on vous refourgue, question de garder les êtres inférieurs tous dans le même panier. La peste avec la peste. Tu te sens soudain prise d'une bouffée de colère envers eux, et de compassion envers la petite, endormie à l'étage. Et la nouvelle qui tombe.
Cúchulainn n'est jamais vraiment partit. Ton fils, ton enfant, que tu as pleuré chaque année depuis des siècles et des siècles. Depuis tout ce temps, à portée de main. Pendentif autour du cou de ton frère que tu as toujours vu, sans le voir vraiment.
Cúchulainn est toujours là.
Depuis le début.
Dans le silence, tu romps finalement le contact physique que tu entretiens avec Erwan et tu quittes la pièce, sans même un signe. Sans un mot. Ni pour lui, ni pour Garrett. Tu as besoin d'air. De faire le point.
La colère, elle essaie de pointer le bout de son nez. En vain. Repoussée par trop d'autres choses. Tu marcheras pendant des heures, Merrill, avant de pouvoir remettre les choses en ordre dans ton esprit. Et alors que tes pas te mènent sur le chemin du retour, il n'y a qu'une chose qui domine. Tu passes la porte, poussée par ce sentiment qui déborde. Tu interceptes un Erwan dans le couloir menant à sa chambre et, joues rougis par le froid, tu étreinds ton frère. Avec plus de force que jamais, tu serres tes bras autour de lui, déversant ta reconnaissance en répétant inlassablement ta gratitude. « Merci. Merci. Merci. »
Tu ne peux pas lui en vouloir. Tu comprends les raisons qui l'ont poussé à garder ce fardeau douloureux pendant des années. Vous avez tous souffert de cette situation, d'une façon ou d'une autre. Comment pourrais-tu lui en vouloir ?
Le processus sera compliqué. Autant l'implantation du noyau dans l'enfant, que les années qui suivirent. Crises, rébellion, fugues, Avalon vous en fera voir de toutes les couleurs. Pourtant, chaque nuit où la jeune fille se glisse sous les draps, tu entres dans la chambre, Merrill. Prenant place dans un fauteuil, couverture te recouvrant. Veillant sur elle. Autant que sur lui. Sur eux.
Ton enfant.
Avalon. Cúchulainn.
Ils ont beaux être deux, le résultat est le même pour toi.
L'une ou l'autre.
L'un ou l'autre.
Tu es mère.

Désormais, les choses semblent aller un peu mieux. Il y a des jours avec, et des jours sans, comme on dit. Aujourd'hui, tu as juste envie de profiter de ces moments de paix qu'il semble y avoir de temps en temps.
Un bruit résonnant sur ta droite te fais sursauter, Merrill, et en te tournant, tu peux voir Garrett se relever d'en dessous de l'évier où il réparait une fuite. Grimace douloureuse. Une main sur le haut du crâne. D'abord tu hausses un sourcil amusé, reposant ta pomme de terre et t'essuyant les mains sur le torchon qui vient sur ton épaule dans la foulée.
L'air penaud de ton frère qui fait quelques pas en se frottant la tête fini par te faire éclater de rire alors que tu te places devant lui. Légèrement levée sur tes pieds, tu décales la main de Garrett pour toucher doucement l'endroit où il s'est cogné.

« Je crois que tu viens de gagner une jolie bosse. »

Il te sourit, ça te fait fondre.

« Et l'évier fuit toujours. »

A nouveau, tu ris, doucement cette fois, alors que le dieu se déplace vers le salon, rejoignant votre enfant, votre frère. Ce dernier semble sortir de sa torpeur et profite de la situation pour lancer une boutade.

« A ce stade, tu peux ramper au Cénacle pour réclamer ta dignité perdue. »

L'air mitigé, à la fois renfrogné mais ne pouvant cacher son amusement, de Garret, te fais sourire et c'est avec un haussement d'épaule que tu ajoutes, reprenant l'épluchage de ta pomme de terre.

« Si tu cherches bien tu dois pouvoir y trouver ma virginité, dans un fond de tiroir poussiéreux. »

Une exclamation choquée d'Avalon parvient à vos oreilles, ne suffisant cependant pas à couvrir la réplique de Garrett qui vient de se laisser tomber dans un autre fauteuil.

« Non, je peux t'assurer que ce n'est pas le Cénacle qui l'a. Mais moi je sais où elle est partie... »

Malgré ton air faussement choqué alors que tu lui lances ta pomme de terre, tu ne peux en revanche pas t'empêcher de rire en voyant Erwan et Avalon. En dépit des différents, et de leurs caractères difficiles, ils ont la même réaction.

« Aaaaah, c'est dégueulasse ! »
« Vous pourriez vous abstenir quand même... »

Ton rire reprend de plus belle. Tu ne peux pas t'en empêcher, Merrill, tes yeux s'humidifiant sous la légèreté et la joie que tu exprimes en posant machinalement une main devant ta bouche. Tes yeux survolent la pièce et ses protagonistes.
Erwan qui, levant les yeux au ciel, ne peux cacher le demi-sourire étirant la commissure de ses lèvres.
Avalon qui, comme une adolescente boudeuse normale, se replonge dans son livre.
Et tout au fond, Garrett, qui a ramassé la pomme de terre à moitié épluchée que tu lui as lancé et qui lui aussi, te regardes en souriant.
Le temps semble s'arrêter un instant. Juste pour que vous savouriez cet instant normal. Banal.
Vivant.



« Allez viens avec moi. Nos coeur à la lumière, les étoiles dans nos bras. Et nos âmes en enfer. »

Il règne une ambiance étrange ce soir chez les MacTavish. Avalon est couchée, Cernunnos a trouvé refuge à la cave. Pendant quelques minutes, Merrill, tu observes le visage de ton enfant endormi par l'entrebâillement de la porte, avant de la refermer dans un silence religieux, sourire en coin.
En dépit de l'ambiance quelque peu morose qui flotte entre les murs, tu n'as pas envie d'aller te coucher. Ni de lire. Rien de tout cela. Car ces derniers temps, tu t'es sentie plus vivante que jamais. Depuis longtemps. Cette sensation de plénitude qui fait écho à celle que tu pouvais ressentir au sein du clan MacTavish. Bien qu'elle n'en soit que le pâle reflet, ça n'en reste pas moins agréable. Alors ce soir, hors de question de te morfondre. De te laisser aller à la déprime, grise comme le ciel qui recouvre le pays depuis des jours.
Tes pas te mènent jusqu'au salon où tu trouves Garrett, les yeux et l'attention accaparés par un ouvrage. Depuis l'encadrement de la porte, tu l'observes en croisant les bras. Ton regard glisse sur le dieu quelques instants avant que ta voix douce mais pour le coup surprenante ne résonne dans le salon calme.

« Et si on sortait ? »

Garrett ne sursaute pas comme tu l'aurais un peu espéré. Il a sans doute décelé ta présence depuis le début. Peut-être a-t-il même savouré ton regard sur sa personne. Pourtant, c'est un regard étonné par ta demande qu'il t'offre en relevant la tête de son livre.

« Pardon ? Où ça ? »

Un sourire étire tes lèvres alors que tu hausses les épaules d'un air vague, n'attendant pas pour te saisir de vos manteaux respectifs.

« Peu importe. Allons nous promener. »

Tu fais quelques pas pour rejoindre son siège de lecture, lui tendant son vêtement d'une main avec une petite mimique pour l'amadouer.

« Cela fait longtemps. »

Ce qui fait capituler Garrett ? Difficile de le savoir. Peut-être lui aussi ne souhaite pas rester dans l'ambiance triste de la maison. Peut-être ne peut-il toujours pas résister à ta moue quand tu lui demandes quelque chose. Peut-être cela lui manque à lui aussi, les ballades au clair de lune comme vous en faisiez souvent autrefois. Quoi qu'il en soit, le livre se referme, et une fois déposé sur la petite table de lecture jouxtant le fauteuil, Garrett prend sa veste en se redressant. Debout, il te domine de sa hauteur et tu sens tes joues tirer tellement tu souris. C'est joyeuse que tu enfiles ton trench beige en te dirigeant vers la sortie, le dieu sur les talons.

La ville et la nuit vous accueillent à bras ouverts. C'est pourtant rapidement que chacun de vous ressent le besoin de s'éloigner de la première, sans doute pour mieux s'enfoncer dans la seconde. Mais avant ça, Garrett décide de faire un détour par un de ces magasins d'alimentation ouverts la nuit. L'une des choses que tu ne peux pas reprocher aux temps modernes, devant la praticité que cela met en place.
C'est finalement accompagnés d'une bouteille de whisky que vous vous dirigez vers l'accès le plus proche à la forêt. Vous échangez quelques mots, buvant tour à tour au goulot. Baisers indirects. L'alcool réchauffe vos veines.

C'est pourtant avec un silence respectueux que vous pénétrez dans la forêt, lumière argentée d'une pleine lune de novembre filtrant à travers les feuillages qui subsistent. Les feuilles déjà tombées se froissent sous vos pas alors que vous vous enfoncez entre les arbres. Le cadre est des plus apaisant. Repose vos esprits fatigués. Ravive des souvenirs lointain.
Un bras passant machinalement sous celui de Garrett, tu repenses à cette époque où Lug et Eithne marchaient côte à côte. Ces derniers temps, avec la présence d'Avalon dans la maison, tu as presque l'impression de revenir au bon vieux temps. C'est un sentiment aussi étrange que celui ressentit à vos débuts dans le clan MacTavish.
A l'instar de ses jours, tu te surprends parfois à regarder à nouveau Garrett avec un regard embrasé. Regard que tu détournes aussitôt avec des mots légers, un sourire. Ce n'est pas de la gêne, pas vraiment. Vous vous connaissez depuis bien trop longtemps pour cela. Seulement, c'est comme si quelque chose depuis longtemps endormi cherchait à se réveiller. Ne serait-ce qu'une fois.

« A quoi penses-tu, Eithne ? »

La voix de Lug te sort de tes pensées et tu remarques qu'il te tend la bouteille de whisky. Depuis combien de temps marches-tu en silence ainsi ? La sonorité de ton prénom divin prend tout son sens en ces lieux. Résonnant dans la forêt, porté par le murmure du vent. Lui offrant un sourire en acceptant la bouteille que tu portes à tes lèvres, tu laisses couler un peu du breuvage avant de lui répondre.

« À toi. À nous. »

Un regard de la part de Lug t'invite à continuer sur ta lancée. Tu en as trop dit, ou pas assez. Doucement, alors que vous continuez d'avancer dans les profondeurs sombres de la nature, ton sourire éclaire votre chemin.

« Je me dis qu'en dépit de tout, nous avons quand même de la chance. Le monde nous oublie, le Cénacle nous a pris le peu qu'il nous restait... Mais nous possédons encore le plus important. Quelque chose que même les plus puissants ne pourront nous enlever. » Sans t'en rendre compte, tu as cessé de marcher, Eithne. Ton sourire est sincère. Ton regard rempli d'espoir. « Nous. Cernunnos. Notre enfant. Notre famille. Que même les siècles, les Hommes et la mort n'ont pas réussi à briser. » Tu as le visage levé vers Lug, vos peaux inondées de lumière d'argent. Tu ne cesses de sourire alors que l'une de tes mains vient caresser la joue du dieu. Dieu qu'il sera toujours à tes yeux. Les siens se ferment, disparaissent derrière ses paupières au contact de ta peau contre la sienne. « Ils ne pourront jamais nous briser. » Ta voix n'est plus qu'un souffle alors que tu peines à te défaire de ton sourire. Tu ne sais pas pourquoi, ce soir, cette nuit, tu as autant d'espoir, Eithne. Pourquoi tes mots sont porteurs d'une si grande force. Certitude inébranlable. À l'image des falaises d'Irlande qui encaissent l'assaut des vagues, l'agression de l'écume, et qui sont toujours debout. Droites et fières.

Les yeux de Lug s'ouvrent à nouveau sur le monde, sur toi, Eithne. Son sourire te fait presque vaciller. Depuis combien de temps n'as-tu pas vu ce sourire illuminer le visage du dieu ? Des années. Des siècles. Ce sourire si particulier, portant autant d'espoir que celui que tu ne cesses d'avoir. Dans ses prunelles aux couleurs indescriptibles, tu perçois cette malice qui brille comme une étoile. Indestructible.

« S'ils pouvaient vraiment nous briser, ce serait déjà fait Eithne. »

Tu ne sais ce qui te fait le plus frémir. La véracité dans ces mots. La voix qui les prononce. Le vent nocturne qui les accompagne. Sous le mouvement du vent qui pousse dans ton dos, tu te dresses sur la pointe des pieds. Comme une évidence, comme le déroulement logique, tes lèvres teintées de whisky viennent se poser sur celles de Lug.
Tout bascule.
Comme l'huile jetée sur le feu. Le bûcher s'embrase. Explosion. Le vent ne cesse de grandir, alimentant cette passion, depuis des siècles, oubliée.
La bouteille de whisky bien entamée choie sur un lit de feuille sans se briser. Les mains de Lug sont bien trop occupées maintenant. Passant dans les longues boucles blondes. Accrochant le tissu des vêtements.
Tu soupires contre ses lèvres que tu ne peux quitter en cet instant, Eithne. Cela fait longtemps. Très longtemps. Vous vous retrouvez comme si vous ne vous étiez jamais quitté ainsi.

Vous êtes comme des adolescents. Des adolescents qui auraient trop vécu. Enivrés. Vous avez cette hâte nouvelle, ardente. Pressante. Sans pour autant que vos gestes ne soient maladroits. Vous vous connaissez trop pour cela. Les mains retrouvent le chemin des sentiers perdus. Savent exactement où s'attarder, où s'accrocher, où caresser. C'est une routine longtemps perdue qui se remet en place, sans qu'elle ne soit lassante pour autant. C'est réconfortant. Rassurant. Grisant. Tu danses, Eithne, avec celui qui redevient ton époux pour la première fois depuis des siècles. Même s'il n'a jamais cessé de l'être vraiment.
Combien de temps cela fait-il que vous ne vous êtes pas retrouvés ainsi, dans une euphorie brûlante, ivres de désir ? Trop longtemps finalement. C'est comme rentrer chez soi après une longue absence. Les odeurs, les habitudes. Le confort.
Tu te perds contre Lug comme un animal. L'écorce d'un arbre vient fusionner avec ton dos mis à nu, peau rendue encore plus blanche par la lumière lunaire. Le bois vibre avec vous. Les feuilles frémissent autant que vous sous la brise constante qui fait frissonner vos peaux brûlantes.
Au coeur de cette forêt, vous vous unissez encore une fois.
Étreinte divine.



« Entends tu les sabots ? C'est l'armée du roi. Non, non, ne pleure plus. Ils ne méritent pas et leur monde est perdu. Puisqu'on est condamnés, qu'ils ont choisi pour nous... Un jour viendra où mon amour, on sera libres. On sera beaux. Comme une étoile. Indestructible. »



Aujourd'hui, tu quittes l'hôpital un peu plus tôt, Merrill. Ton supérieur de service a vu ton teint pâle, tes nausées, et pour ne pas risquer de refiler quoi que ce soit aux enfants, il te donne ta journée. Le soleil d'un après-midi d'automne peine à traverser les nuages et c'est emmitouflée dans un épais manteau blanc que tu reprends le chemin de la maison. Tu te sens faible, ces derniers temps. Plus que d'habitude. Le Délitement est la première chose qui te vient en tête, peut-être se fait-il plus fort. Toi plus faible. Cela ne serait pas étonnant.

Les MacTavish s'étonnent de te voir revenir si tôt dans la journée. Tu les rassures d'un sourire, de mots doux. Inutile de les inquiéter pour une broutille.
Pourtant, alors que tu te rends dans la salle de bain pour enlever l'odeur de l'hôpital qui colle à ta peau comme après chaque service, la nausée se fait à nouveau sentir. Littéralement. Plusieurs hauts-le-coeur te secouent au-dessus des toilettes, comme précédemment au travail. En te redressant, tu essuies ton front pâle et en sueur. Machinalement, ton autre main effleure ton ventre.
Instant de flottement pendant lequel tu te fixes dans le miroir, regard brun perdu. Avant de secouer la tête. Déni. C'est seulement un état de faiblesse passager. Peur.
Tu décides d'oublier ces esquisses de pensées en prenant une bonne douche bien chaude. Cela détend autant tes muscles tendus par la nervosité, que ton esprit égaré.

Pour continuer ta journée sur une note plus joyeuse, tu laisses tes pas te mener à la cuisine où tu t'affaires immédiatement. La librairie est encore ouverte, Garrett et Avalon s'y affairent, tandis que tu as vu Erwan s'occuper de Pìobaireachd. Tu restes une longue heure dans la cuisine, jusqu'à ce que l'odeur de la tarte au citron meringuée emplisse toute la maisonnée. Fière, satisfaite, tu places ta création au frais avant de contourner le bar pour te laisser tomber dans un fauteuil du salon. Tu t'y roules en boule, Merrill, rapidement rejoint par un Ghàidhealtachd ronronnant fortement. L'animal se cale tant bien que mal contre ton ventre et, bercée par les ronronnements, tu finis par t'assoupir.

« Merrill ? »

C'est une voix douce qui te tire de ton sommeil, paupière papillonnant quelques instants dans le flou avant que tu ne distingues Avalon près du fauteuil. Elle semble un peu gênée de te réveiller. Chevelure de feu qui embrase la pièce autant que ton coeur. Pupilles d'un pur turquoise dans lesquelles tu plonge sans hésiter.

« Le repas est bientôt prêt. »

Comme d'habitude, les phrases échangées sont simples, mais au moins désormais dénuées de toute la violence passée. Tu hoches la tête, Merrill, avec un petit sourire de gratitude. Tu as dormi toute l'après-midi et tu étires tes muscles endoloris par le fauteuil. Ghàidhealtachd n'est déjà plus là, trop attiré par l'odeur alléchante qui provient de la cuisine derrière toi.
En t'y rendant, c'est un Garrett que tu vois aux fourneaux et cela te fait sourire tendrement. Tu viens dans son dos pour l'enlacer doucement. Une simple étreinte. Tes bras sont réconfort. Chaleur. Ton front posé contre son dos, tes paupières encore endormies ont du mal à rester ouvertes.
Il se détourne un peu afin d'être face à toi, et tu rigoles dès que tes yeux se posent sur son visage.

« Quoi ? » Lance-t-il d'un air un peu méfiant.
« Oh, rien, rien du tout, monsieur le cuisinier, » pouffes-tu, Merrill, en passant ton pouce sur ta langue puis sa mâchoire pour effacer la trace de sauce tomate, atterrie ici par on ne sait quelle divine maladresse. « Je peux t'aider à faire quelque chose ? »
« Sortir ton merveilleux dessert, peut-être, madame la pâtissière, » répond Garrett, les joues un peu rouges d'embarras et d'un air qui semble renfrogné.

Tu sais qu'il n'en n'est rien et c'est donc légèrement que tu te détournes pour récuperer la tarte préparée avec amour un peu plus tôt dans la journée. C'est le moment où Avalon et Erwan décident de vous honorer de leur présence, la jeune fille allant même jusqu'à dresser la table. Un instant, alors que tu sors ton plat du réfrigérateur, tu te dis que vous êtes plutôt bien lotis. Ton dos se heurte doucement contre quelqu'un et en relevant la tête, tu vois Erwan par-dessus ton épaule.

« Ça m'a l'air bien bon tout ça, petite soeur, » lance-t-il en jetant un oeil à meringue.
« Merci beauc... Qu'est-ce que tu manges ? » Demandes-tu en fronçant les sourcils, avant de te rendre compte qu'il se gave de raisin, et qu'à côté de vous, Avalon s'enfile un paquet de Skittles. « Non mais je rêve. Pas de grignotage avant le repas ! » Fais-tu mine de gronder d'un air sévère.

Comme souvent, tu peux remarquer que, gentiment, Erwan et Avalon lèvent les yeux au ciel en même temps, refermant leurs sachets respectifs. Tu te demandes parfois si tu n'as pas deux enfants à la maison, et non un. La tarte en main, tu contournes le bar pour la poser sur la petite table basse du salon où vous aimez vous retrouver quand c'est possible, après les repas. Pour discuter. Pour lire. Pour seulement être ensemble après une longue journée.
Mais deux silhouettes passant devant la fenêtre à ce moment-là te font sursauter. Tu ne sais pas pourquoi Merrill, une angoisse soudaine naît dans ta poitrine. Celle que tu ressens avant des évènements terrifiants. Ta peur est si subite que tes mains graciles lâchent le plat. Dans un bruit de verre brisé, la tarte s'écrase au sol. Pour le coup, c'est toute la cuisine qui sursaute et Erwan vient vers toi, les sourcils froncés, alors que tu peux sentir les regards de Garrett et d'Avalon, tout aussi surpris.

« Ça va ? Tu ne t'es pas fait mal ? » Les mots de Cernunnos te tirent un sourire gêné.
« Non, ça va, j'ai juste... » Tu t'interromps en devenant livide. Des coups fermes viennent d'être frappés à la porte. Cela peut-être n'importe qui. Pour n'importe quelle raison. Mais la sensation étouffante d'angoisse monte crescendo dans ta poitrine. Il faut que tu te reprennes, Merrill. Tu désignes la tarte au sol. « Je vais ouvrir, tu peux t'occuper de ça ? »

Dès que tu as le dos tourné, Merrill, tu prends une longue inspiration pour calmer tes émotions qui semblent n'en faire qu'à leur tête. Comme un peu plus tôt dans la salle de bain, l'une de tes mains, alors tremblante, vient se poser sur ton ventre.
Déni qui vole en éclats lorsque la porte s'ouvre sur des intervenants du Cénacle.
Rien que leur vue te fait chanceler. Tu n'as même pas remarqué qu'Erwan t'a suivie en ignorant ta demande. Si aucun mot ne sort de ta bouche, il en est autrement pour ton frère.

« Ce n'est pas une heure pour faire irruption chez les gens, » envoie-t-il d'emblée d'une voix froide en passant devant toi.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » Garrett vous a rejoint, intrigué. Inquiet.

Toi, Merrill, tu fais quelques pas en arrière. Déjà, tu peines à respirer. Non. C'est impossible.
Imperceptiblement, tu trembles.

« Nous aimerions nous entretenir en privé avec Miss MacTavish, » explique l'un des hommes d'une voix un peu mielleuse, qui, semblerait, possède le don de faire grincer Erwan des dents. C'est pourtant Garrett qui reprend la parole.
« Il n'y a rien que notre soeur nous cache. » Ses mots sont étrangement fermes quand on sait sa capacité à parfois bafouiller ou trébucher sur les phrases depuis quelques temps.
« Dans ce cas, » reprend l'homme, un air plus grave sur le visage,
« vous n'êtes pas sans savoir que votre "soeur" est actuellement en train de violer l'une des lois du Cénacle. »

Un regard entendu de l'homme t'est adressé et tu as l'impression de mourir sur place. Erwan et Garrett se tournent vers toi de concert, juste à temps pour voir tes doigts se serrer sur ton pull. Au-dessus de ton ventre.
Un instant de flottement. Pendant lequel tes lèvres entrouvertes ne laissent pas sortir le moindre son. Pendant lequel tu accroches ton regard à celui de Garrett. Lui aussi, semble comprendre.
Votre petite escapade nocturne, il y a deux, trois semaines peut-être ? Moment hors du temps. Secret. Un seul égarement. Qui jusque-là n'avait aucune conséquence.
Même cela, même ces instants intimes, on vous les bafoue. On vous les prend pour vous les jeter au visage avec dégoût.
Erwan aussi, captant le regard que tu échanges avec votre frère, semble faire la lumière.
Avalon, en retrait, observe silencieusement depuis la cuisine.

Un instant de flottement. Qui ne dure que quelques secondes. Longues comme l'éternité.
Et tout bascule.

Erwan va pour refermer la porte brutalement, mais l'un des intervenants l'en empêche. Tu sens les bras de Garrett se refermer autour de toi pour t'écarter de l'entrée.
Face à la violence d'Erwan quand les deux hommes entrent dans la demeure, ces derniers sont obligés de le bloquer. Tu cracherais presque à leur visage devant leur supériorité. Comment osent-ils ? Misérables.
Un étrange sentiment de colère s'ajoute à la peur, les deux te faisant trembler. On t'arrache de force des bras de Garrett qui, lui aussi, se retrouve immobilisé par magie. Tes frères sont toujours conscients et peuvent te voir te débattre tant bien que mal. Mais la faiblesse de ton corps, Délitement accentué par la vie qui essaie de se frayer une place au creux de ton ventre, ne te permet pas grand chose. Tu griffes un visage, essaies de repousser les hommes. Finalement, ils n'ont même pas besoin d'user de magie pour te maîtriser, toi, Eithne, qui n'a plus de déesse que le nom. Et encore.
Tu ne t'es même pas rendu compte que tu hurles, à t'en déchirer la gorge. A t'en exploser les poumons. Tu ne t'es même pas rendu compte des larmes brûlantes sur tes joues. Peur innommable. Colère indescriptible. Humiliation profonde. Alors qu'on t'emmène loin des tiens, loin de ton foyer, tu croises le regard immobile d'Avalon. Tu as l'impression que tu ne reviendras jamais. Tes lèvres forment un « je t'aime » silencieux à destination de la jeune fille. Le premier que tu lui offres.
Qui sait, peut-être le dernier.
Tout devient noir.

La pièce a beau être éclairée, c'est l'obscurité qui t'encercle, Merrill. Qui s'insinue dans tes veines gonflées par l'effroi, l'appréhension. La colère n'est même plus là. Inutile. Pour la première fois de ta longue vie, tu supplies.
Perdue dans tes sanglots, engourdie dans tes cauchemars.
Tu supplies.
Tu supplies.
Pathétique. Mais il n'y a plus de place pour l'amour-propre.
Tu supplies qu'on te la laisse. Cette vie inopinée qui a commencé à faire sa place au creux de toi. Innocente. Pure. Parfaite.

Tes mots se heurtent à des murs. De pierre. De chair. D'esprit. Ils ne t'écoutent pas. Ils sont là pour t'enlever ce qui compte le plus à tes yeux. Ce que tu représentes depuis des milliers d'années. Ce qui fait de toi ce que tu es.
Ils sont là pour te briser.
Tu repenses aux mots de Lug, prononcés dans la forêt. Tu essaies de t'y accrocher. Tu glisses, comme si tes doigts mouillés essayaient d'escalader une falaise. Tu t'écrases sur les rochers en contrebas.

La douleur est insupportable. Autant physiquement, que mentalement. Tu es bien réveillée, Merrill, alors qu'ils te l'arrachent. Qu'ils t'amputent. Qu'ils te détruisent.
Brisée.
Tu sens les minuscules filaments du noyau minuscule mais déjà bel et bien là, s'arracher aux tiens. Ils semblent résister, eux-aussi, tentant de s'accrocher les uns aux autres. À la vie. C'est la tienne que l'on t'enlève. Tes hurlements résonnent dans la pièce, ricochant sur les murs.
Jusqu'au bout, Merrill, tu supplieras. Jusqu'à ce que ta voix devienne rauque, se brise.
Et là encore, tes lèvres continueront de mimer les mots de ta supplique. Pendant que tu te noieras dans l'océan de tes propres larmes.
Brisée.

Sur le pas de la porte, tu restes immobile. Merrill. Le regard dans le vide. Pupilles vitreuses. Cernées. Joues creusées. Teint pâle. Cireux. Tu fixes la poignée comme si ce simple acte allait la faire tourner pour ouvrir la porte. Tes paupières sont lourdes, gonflées d'avoir trop pleuré. Ta gorge te brûle. Tu as les marques de tes propres ongles dans les paumes des mains. Mais tout cela n'est rien comparé au reste.
Au gouffre en toi.
Infini. Dans lequel tu tombes inlassablement depuis presque une semaine. Des années pour toi. Des siècles. Car si tu es belle et bien sur le perron, le cauchemar est loin d'être terminé. Cette chose te hantera toute ta vie.
Une main sur ton ventre, une nouvelle question germe dans ton esprit éteint. Et s'ils avaient fait en sorte que cela ne se produise plus ? En ont-ils le droit ? Non. Mais ils n'avaient pas le droit de t'ôter la vie ainsi. Même en respect de leurs lois. En offense à tout ce que tu représentes.

Dans un sursaut de ta part, la porte s'ouvre en face de toi, sans que tu n'aies eu besoin de toquer. Dans l'encadrement, Cernunnos. Rien que sa vision suffit à ouvrir à nouveau les digues et tu fonds en sanglots silencieux alors qu'il te fait entrer à l'intérieur, te pressant contre lui. De sa voix puissante, il appelle Lug. Qui se précipite à votre rencontre. Bientôt, son étreinte s'ajoute à la vôtre.
Au milieu de tes frères qui t'enlacent, tu pleures, Eithne. T'accrochant à eux, t'enivrant de leurs odeurs qui t'ont tant manqué. Leur chaleur te réchauffe un peu, pas assez cependant.
Vous restez ainsi un instant, tous trois serrés. Comme cette fois où Lug a brûlé sa harpe toute une nuit durant. Comme cette fois où Cernunnos mourrait des premiers bombardements lors du blitz. Aujourd'hui, les dieux te soutiennent. Comme ils l'ont toujours fait. Comme ils ne cesseront jamais de le faire.

Au bout de longues minutes, l'étreinte prend fin et tu te sens soulevée du sol, Merrill. C'est Garrett, qui, de toute sa hauteur, te porte dans ses bras. Tu as presque le vertige, mais sans doute à cause de ta faiblesse physique. Tu sens la présence d'Avalon non loin, en retrait. Visiblement mal à l'aise. Fermant les yeux, tu te laisses porter par ton frère et époux jusqu'à ton lit. Sans un mot, docilement, tu te laisses glisser sous les draps. Tu trembles en dépit des épaisses couvertures. Erwan vous a suivi et reste sur le rebord du lit tandis que ton porteur quitte la pièce.

Le regard de Cernunnos ne te quitte pas. Il semble détailler chaque parcelle de ton visage bien qu'il les connaisse déjà par coeur, depuis le temps. L'une de tes mains vient chercher les siennes. Tu as besoin de sentir sa chaleur, bien qu'elle révèle la colère qui liquéfie ses entrailles en l'instant présent. Épuisé, Merrill, tu t'endors ainsi en gardant les mains de Cernunnos contre toi, avant même de voir entrer Lug dans la pièce avec un plateau repas.

Tu restes clouée au lit pendant deux mois, Merrill, voir un peu plus. Le passage à la nouvelle année se fait sans que tu ne t'en rendes compte.
La nuit, des cauchemars et des terreurs nocturnes emplissent la maison de tes hurlements. De tes pleurs. De tes peurs. Le seul qui parvient à t'apaiser, c'est Garrett, qui se glisse dans ton lit. Serrée contre lui, minuscule dans ses bras, tu réussis alors à te rendormir. Parfois, il s'installe près du lit et pince les cordes de sa harpe. Bien qu'elle soit dépourvue de toute magie, l'effet rassurant et protecteur est le même. L'important n'est pas l'instrument. Mais la personne qui le fait chanter.
Tous les jours, c'est Erwan qui te prend dans ses bras pour te porter à la salle de bain. Comme toi, il y a plus de cinquante ans, il te lave. Change tes vêtements. Au début, tu cachais ton ventre, refusant toi-même de le regarder. Qu'importe ta poitrine, qu'importe la toison blonde entre tes cuisses. Tu cachais ton ventre, Merrill. Humiliée. Brisée. Il aura fallu plusieurs fois pour qu'enfin, tu cesses de serrer tes bras autour de ton ventre.
De temps en temps, tu as la compagnie d'Avalon. Au début, la jeune fille t'évitait, bien que tu restes dans ta chambre. Parfois, elle t'apporte à manger, quand Garrett a trop de travail. Au début, tu cachais ton ventre, refusant toi-même de le regarder.

Deux mois, Merrill. Deux mois à ressasser ou essayer d'oublier, ça dépend des jours. Mais tu n'oublieras jamais.
Pourtant, en ce petit matin, tu quittes ton lit par toi-même pour la première fois. Les jambes chancelantes, tu enfiles une robe de chambre par-dessus ta robe de nuit. Descend jusqu'à la cuisine. Tout le monde dort encore, sauf Ghàidhealtachd qui vient se frotter à tes chevilles en ronronnant comme jamais. Une esquisse de sourire étire tes lèvres, pour la première fois depuis longtemps.
Dans des gestes hésitants, de ceux qui ont perdu l'habitude, tu t'affaires à préparer le petit-déjeuner pour tout le monde. Petite routine perdue. Mais pas oubliée.

Tandis que l'odeur du café et du pain grillé embaume la maison, des pas attirent ton attention. Premier levé, Garrett t'observe depuis l'entrée de la cuisine, comme s'il pensait rêver. Tu déposes les tasses que tu tiens, Merrill, et te déplace jusqu'à lui. Sa grandeur te fait lever le menton pour pouvoir le regarder dans les yeux et tu lui offres un petit sourire.
Un sourire gratitude.
Un sourire amour.
Un sourire promesse.

« Tha mi air ais aig an taigh. »

Ta voix, d'ordinaire douce et cristalline, est rauque de ton mutisme prolongé, uniquement brisé par les cris de tes mauvais rêves. Mais cette fois, tu es vraiment là, Merrill. Et tu comptes bien sortir de l'impasse.
Quoi qu'il en coûte.
Pour lui. Pour eux.
Pour ce que l'on t'a arraché.
Et que tu comptes bien reconquérir.



« Suivons le chant du vent des plaines qui nous mènera au printemps. Nous serons fiers, nous serons humbles et notre sang sera du vin. Nos amours pour soigner la terre. Nos infinis contre leur rien. Garder au fond un espoir, celui du loup dans les clairières. Notre étoile a le gout du souffre mais elle éclaire comme un millier de chandelles en procession. Des oriflammes à l'horizon. »  



Revenir dans le quotidien MacTavish te fais le plus grand bien, Merrill. Tu as quitté ton poste à l'hôpital. Y remettre les pieds en sachant que c'était là que l'on t'avais dénoncée est hors de question. Ne plus t'occuper des enfants te manques, te ronges. Mais tu te consoles Merrill, car tu as le tien à la maison. Erwan aussi, parfois, a bien besoin de tes agissements en tant que mère malgré tout. Les mois ont passés, et tu paraît désormais au meilleur de ta forme. Enfin, au meilleur possible, prenant en compte le Délitement. Tu as repris le poids perdu, tes cheveux ne sont plus aussi ternes, et surtout, tu souris, Merrill. Tu souris à tes frères, à Avalon. Tu souris mais tu n'oublies pas. Tu penses toujours à ce que l'on t'as pris, alors qu'il ne te reste déjà plus rien. Tu y penses quand tu te lèves, quand tu te couches. Quand tu prends ta douche et que tu baisses les yeux sur ton ventre plat. Trop plat à ton goût. Bien qu'orné d'une cicatrice , une dizaine de centimètres en dessous du nombril. Souvent, tu le caresse machinalement d'une main, tes doigts passant sur la balafre, le regard dans le vide, avant de capter les yeux de Garrett sur toi. Emplis de tristesse. De culpabilité. Pourtant, vous êtes tous les deux fautifs. D'avoir dépassée une limite qui n'existait au final pas vraiment. D'avoir glissé une nouvelle fois dans la luxure de vos chairs s'unissant dans un espoir. Coupables d'espérer. Coupables d'y croire. Coupables de vivre.
Survivre.

Désormais plus unie que jamais à ta famille, tu travailles avec eux à la librairie. Sous le kilt du cerf. Alors que tu passes un coup de cire à bois sur les étagères, tu souris, nostalgique, en repensant au jour où vous avez ainsi nommé l'entreprise. Cernunnos avait protesté, en vain devant la détermination de Lug, et incapable de finalement résister face à tes joues rosissante à cause de ton rire amusé. Tu portes beaucoup d'affection à ce lieu, même s'il vous rattache à cette vie. A cette ville. A l'ombre de ce que vous êtes.

Chacun vaque à ses occupations : il n'est pas rare que vous vous retrouviez tous les quatre en même temps dans la boutique, mais chacun connaît son rôle. Comme un ballet, vous valsez sans jamais vous heurter. L'ambiance est calme en ce début de mois, voilà pourquoi tu en profites pour astiquer les étagères. Par respect pour Erwan et son aversion des produits chimiques, tu utilises une cire faite maison, huile d'olive et citron. Cette odeur d'agrume plaît d'ailleurs énormément au concerné et à chaque fois que tu t'occupes de cette tâche ménagère, tu peux ensuite l'observer tendrement à déambuler entre les rayons pour s'en enivrer.

Tu as presque terminé pour aujourd'hui, Merrill, et tu te détournes de la dernière étagère pour revenir vers le comptoir où est accoudée Avalon. Comme à chaque fois que tu poses le regard sur elle, tes yeux s'illuminent. Torchon sur l'épaule, tu poses ta cire maison en t'accoudant à ton tour, face à elle. Un sourire alors que d'une main, tu plonges dans le paquet de Skittles qui semble greffé à sa main et de l'autre, tu replaces une de ses mèches rousses derrière son oreille. Avalon est déjà plus grande que toi. Ses cheveux longs, raides et roux, contrastes avec ta cascade de boucles blondes, autant que ses yeux limpides à côté de tes pupilles noisettes. Ta fille est magnifique, et c'est toujours avec fierté que tu la regardes.
Pour la forme, l'adolescente s'apprête à protester contre ton vol de sucrerie. Car protester, c'est ce que tous les enfants font. Quelque chose l'en empêche.

Le ballet de la librairie se fige brusquement. L'appel résonne dans vos têtes. Fort. Puissant. Un instant de flottement avant que vous ne vous regardiez tous mutuellement, pour voir si tout le monde a entendu la même chose.
Le Réanimateur. Tu étais en pleine dépression lors de son évasion, des vagues qu'il a fait dans le monde, de l'envers comme de l'endroit.
Une fois de plus, le monde semble basculer.

Boutique fermée sous l'impulsion de l'urgence, vous passez longtemps à discuter. Cela dure jusqu'à la tombée de la nuit, où vous êtes assis dans le salon. L'appel aux armes du Réanimateur semble résonner avec force pour Erwan, et tu ne peux que le comprendre. Garrett y voit un espoir, la lueur d'espoir au bout du tunnel. Avalon refuse pour l'instant de s'en mêler. Tu l'accompagnes jusqu'à sa chambre pour la nuit, et revient finalement auprès de tes frères. Tu es pour l'instant mitigée, Merrill. Tes doigts caressent nerveusement ton ventre alors que tu t'installes à nouveau sur le canapé. Tour à tour, tu poses ton regard sur Garret. Puis Erwan. Lug. Cernunnos.
A votre échelle, malgré vos élus chez les MacLeod, vous ne pouvez pas grand chose. Mais il est hors de question de rester les bras croisés alors qu'enfin, vous avez la possibilité d'agir.

Un petit sourire naît sur tes lèvres, Merrill, alors que tu hausses les épaules avec désinvolture.

« Bien, il faudra en profiter pour récupérer la dignité de Lug. »  






♜ JOUEUR : Rhumanesque, ou Rory c'est au choix ! J'ai 23 ans, cela fait un peu plus de dix ans que je suis dans le RP. J'ai connu Weird Tales par un partenariat mais c'est Banana et Papple qui m'ont convaincue... Elles auront ma peau un jour. ♥ J'ai hâte de voir l'intrigue évoluer et d'y impliquer ma petite Merrill !


♜ JE RECONNAIS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DU RÈGLEMENT ET M'ENGAGE A LE RESPECTER : Merrill MacTavish




Jeu 21 Juil - 19:40
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L'Oracle
L'étrange sous la normalité :
Je suis le Maître de ces lieux, le conteur de vos histoires, l'oracle de vos avenirs. J'écris sur les pages blanches de demain vos déboires, vos exploits.

Tell me More : Je tiens les ficelles de vos existences.
PROFESSION : Assistant
Crédits : By Meri
Messages : 808
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L'Oracle
Admin

Bienvenue Merrill !


J'ai le plaisir de t'annoncer que tu es validée


Cette maman dans toute sa puissance ! Félicitations pour cette jolie fiche. Chacun des MacTavish a apporté son lot à la Triade, vous êtes unis tout en étant différent chacun l'un de de l'autre. Bienvenue et bon jeu !!



Mer 27 Juil - 19:54
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Invité
Invité
Merci beaucoup coeur

Mer 27 Juil - 20:26
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[DIEU] Merrill MacTavish
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