Le Gourou | Noah

Et Noah s'était retrouvé au beau milieu d'une secte.

Le genre de réunion à vocalises si poussées que c'était difficile d'imaginer qu'elles puissent seulement exister  sans usage de stupéfiants. L'euphorie battante des chants ferait perdre des tympans lors d'une exposition trop longue à leurs vibrations. Mieux valait ne pas s'attarder en ce lieu, mais Noah n'était pas là pour s'éterniser, n'est-ce pas ? C'était ce qu'il avait pourtant pensé au début. Qu'il ne faisait que voir ce que ces gens voulaient tant lui montrer à l'intérieur de cette maisonnée chaleureuse, au risque de passer pour des pédophiles devant cet enfant, les bonbons en moins. Noah venait de se faire accoster par un groupe d'adultes : tous des humains, deux hommes, une femme. Le sourire niais comme on en adresse débilement à des petits. Ce n'était certainement pas ce qui avait convaincu le démon. Non, ce qui l'avait poussé à regarder par la porte d'entrée et à pénétrer en ce lieu, c'était cette sensation de puissance qui émanait de ce lieu, comme un cœur puissant, pulsant dont il percevait l'appel enfiévré.

Était-ce donc alors le trésor tant espéré ? L'objet de sa convoitise ? N'avait-on pas annoncé cet accident au marché des trolls ? Âmes, si délicieuses âmes s'enfuyant, s'égarant... Et lui vil chasseur à l'affût. Avait-il alors mis la main sur son Graal ? Son désir ne lui permettait pas de se raisonner. Le voulait-il seulement ? Ou n'était-ce pas plus plaisant d'accourir vers son but ensorcelant ?

L'entrée s'ouvrait sur un large salon au mobilier confortable. Le feu crépitait dans la cheminée et dans le canapé, deux femmes chantaient... Presque en chœur. Un homme était dans le fauteuil et portait sur le nouvel arrivant une attention particulière, une expression d'apparence... Effrayée ? D'autres hommes et femmes (une petite dizaine) étaient assis à terre comme de sages enfants, autour du piano et de son musicien, qui s'aventurait dans une mélodie si harmonieuse que nul autre désir pouvait habiter ceux qui entraient là, que celui de rester. L'ambiance générale était, malgré la cacophonie délirante, chaleureuse et bon enfant. Les sourires paraient chacun des visages en présence, à l'exception du pianiste et de l'homme dans le fauteuil.

La porte derrière lui se refermait... Il était encore temps de partir, fuir. Après, il serait trop tard. Mais pourquoi partir ? lui soufflait sa conscience trompée.